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Sébastien Léon Jean BAZINET
(1904 - 1988)
Directerur chez Berliet
Texte de François Bazinet, son fils.
La famille Bazinet originaire de Mosset possédait depuis au moins trois générations une maison à l’entrée du village achetée en 1813 au 3 de la Route de Prades
Mosset, village entre Prades et le Col de Jau qui laissera à Jean Bazinet toute sa vie le souvenir d’années heureuses, une liberté totale, partagée entre chasse et montagne, jusqu’à la vente de la maison en 1927 après le décès de son père Léon Bazinet survenu suite à des blessures de guerre en 1925.
Jean Bazinet,
Né à Laghouat (Algérie) 27/06/1904
Fils de Léon Joseph Henri Bazinet (1885 Mosset-1925 Nice) et de Ernestine Antoinette Catherine Servia (28/07/1872 (Saint Laurent de la Salanque – 26/02/1956 Paris)
Décédé à Nice le 03/10/1988.
Epouse Yvette OLOMBEL 01/05/1902 à Castres décédée à la Force le 19/03/1980
Mariage à Castres le 28/12/1924 et 30/12/1924
3 enfants :
Jacques né à Puylaurens (Tarn) 19/07/1925
François né à Castres (Tarn) 16/08/1934
Pierre né à Alger le 11/01/1937
Jeunesse.
27/06/1904 Naissance à Laghouat, alors que son père, militaire de carrière commandant à cette époque, était en garnison dans le sud algérien.
Quelques années de première jeunesse à Brest où son père Léon est en garnison et ensuite Nice à la mise à la retraite du colonel Léon Bazinet à partir de 1913.
Mosset étant toujours le lieu de séjour de vacances par excellence où il retrouvait ses tantes Louise et Léontine, la chasse (pour ne pas parler de braconnage) et la montagne.
1/10/1913 à 1922, Lycée de Nice de la 7éme à mathématique spéciale (1920/21 1 ère C) il semble plus à l’aise en montagne qu’au lycée aussi n’y fait-il pas de vieux os.
Jean a une vie associative très dense durant les années 1922/23/24/25
A Nice c’est le ski, le Club Alpin et la montagne, participe en 1924/25 à de nombreuses courses de moto 500 cm3 cycle-car Sima-Violet. Course de Mons, de Peira Cave, du Mont Chauve, de Peille, de Mont Fayence.
En 1925 il figure même au palmarès officiel de la marque Terrot, 1 er du Circuit de régularité du Comminges.
La montagne, à ses yeux, il n’en existe qu’une : le Canigou, montagne mythique des Pyrénées Orientales, à quelques dizaines de kilomètres de Mosset, qui restera pour lui depuis un certain jour d’août 1922 un lieu exceptionnel qu’il aimait évoquer. En effet….
Bivouaquant au refuge des Cortalets avec Antoine Saporte, grand braconnier devant l’éternel, chassant l’isard, il fit par hasard la rencontre d’un groupe de 3 personnes, Joseph Tricot abbé de Bressuire, accompagné de Maurice et Yvette Olombel qui venaient assister au lever du soleil depuis le sommet du Canigou. Maurice étant à Mont Louis où il se remettait d’un problème pulmonaire et sa sœur qui passait quelques jours de vacances avec lui.
(L’abbé Tricot devenu curé de Montigny leur écrira pour les féliciter de leurs fiançailles - lettre en annexe.)
01/01/1923 Auxiliaire temporaire à l’Observatoire de Nice où il passe plusieurs mois à refaire les calculs des astronomes (5 personnes faisaient la même opération, si 4 résultats étaient concordants, le chiffre était tenu pour bon).
Août 1923 Jean ayant devancé l’appel quelques jours de vacances à Mosset où son père Léon à cause de son état de santé n'a pu se rendre, lettre de Léon. Service Militaire au 15éme bataillon de Chasseurs Alpins à Nice mais en 1924 pleurésie avec un léger problème pulmonaire qui lui vaudra une exemption avec carnet de soins et pension de 10% d’invalidité.
1922/1924 Jean rencontre le plus souvent possible Yvette Olombel, finissant comme c’est normal par le 30/12/1924 un mariage à Castres.
Il faut maintenant une activité sérieuse c’est tout au moins ce que doit penser sa belle famille, aussi…
Vie professionnelle et familiale.
03/1925 Agent d’assurance à Castres chez son beau-père Numa Olombel qui avait un beau portefeuille de la Compagnie Phénix.
Naissance de Jacques à Puylaurens le 19/07/1925
Il faut croire que travailler avec un beau-père ne convenait pas à son caractère aussi il reprend sa liberté et avec Yvette retourne à Nice début 1926.
02/02/1926 Représentant Machines outils R.Labouède puis du Matériel automobiles Ets Freccero de Nice, il semble qu’Yvette était assez souvent à Castres ou dans la propriété de ses parents car on trouve du courrier adressé à La Gatarié (Puylaurens).
01/06/1926 Automobiles M. Berliet, date à laquelle il est engagé chez ce constructeur de voitures et de poids lourds à Lyon Vénissieux au Service commercial.
Là encore dans les bureaux de cette grande usine il se sent enfermé et demande sa mutation dés qu’une opportunité se présente.
Les déménagements se succèdent
01/10/1926 Voyageur à la Succursale M. Berliet de Toulouse et de Béziers.
01/02/1930 Voyageur Espagne, ce sont quelques mois d’une vie agréable, la mer, une totale liberté sur le plan professionnel (avec des résultats).
01/09/1930 Inspecteur commercial en Guyenne.
Ne connaissant pas l’Afrique du nord mais en ayant beaucoup entendu parler par son père Léon qui y avait fait plusieurs séjours, une opportunité s’étant présenté il se porte volontaire pour un poste d’inspecteur sur la région de Constantine et la Tunisie, avec pour lieu de résidence la très agréable ville de Bône.
Il est nommé le 01/06/1931 Inspecteur pour le Constantinois et Bône et la Tunisie.
Sa vie professionnelle lui permet de partager avec Yvette sa passion de l’automobile, ils participent ensemble à de nombreux rallye avec des voitures de la marque, les Berliet étaient à cette époque des voitures haut de gamme, décapotables, berlines …en particulier à Bône la
Coupe Tucci le 14/05/1933 où avec Yvette comme navigatrice ils finiront 1 er.
Déjà à cette époque les routes algériennes n’étaient pas sûres, début août 1934 au cours du trajet Bône- Constantine il essuya des coups de feu à El Kantour avec plusieurs impacts sur la voiture, pendant que les quartiers israélites de Constantine étaient saccagés par les arabes. 24 Israélites tués, 21 blessés. (Extraits de presse)
Yvette pendant ce mois d’août est à Castres chez ses parents et donne naissance à François le 16, au 10 rue des Fossés
La voiture ne lui suffit pas comme sport mécanique il se lance dans l’aviation et passe ses brevets 1 er et 2 ème degré en septembre 1933 et juin 1935
Déjà à cette époque des troubles éclataient régulièrement en Algérie aussi l’armée pour montrer sa présence exécutait régulièrement des manœuvres auxquelles participaient les avions civils. Le 08/12/1934 Participation des avions de l’Aéro-club de Bône à un raid sur Jemmapes pendant un exercice de défense de la cité. (Articles de presse)
En décembre 1935 il reçoit son brevet de pilote militaire qualification Estafette, avec le grade de caporal.
Le 01/10/1935 il est nommé Chef des Ventes à la succursale d’Alger. Au moment de quitter son poste en Tunisie, il est fait Officier du Nichan Iftikar décoration accordé en remerciements des services rendus pour le développement de l’industrie automobile dans ce pays.
Le 01/01/1936 Jean Bazinet prend la direction de la succursale Berliet à Alger et après avoir sillonné la Tunisie et le Constantinois, il parcourt maintenant l’Algérie et le Sahara pour mettre en place et animer un réseau de concessionnaires.
1937, 1938 et début 1939 sont des années calmes ou Jean se livre avec Yvette, en plus de son travail qu’il mène tambour battant, à ses passions, le ski à Chréa ou Tikjda, et l’aviation.
Naissance de Pierre à Alger le 11 janvier 1937.
03/04/1937 1 er au rallye aérien de Touggourt sur Potez 58 (Alger-Sétif-Bône-Constantine-Batna- Biskra-Touggourt) (articles de presse)
1937 Exposition Universelle de Paris; Rallye d’Outre Mer : sur avion «Frégate» Caudron Alger- Paris par Tunis, Cattare, Bari, Naples Rome Marignane Toulouse Bordeaux Lyon Nancy le Touquet, Tours, Paris).
L’horizon politique de l’Europe est en train de se boucher
Eté 1939, alors que la famille est en vacance à Vic sur Cère, un ordre de mobilisation lui parvient, Jean doit regagner immédiatement Alger où il est mobilisé au Centre 3/203 de Maison Blanche, comme pilote estafette avec le grade de sergent.
Et c’est la drôle de guerre, période pendant laquelle les 2 camps s’observent. Comme père de 3 enfants il est au bout de quelques mois mis en affectation spéciale avec comme mission la réception et contrôle du matériel de l’Armée dans les locaux de la succursale Berliet.
Trouvant que cet état ne correspond pas à ce qu’il croit être son devoir il demande à être versé dans une unité combattante, à la suite de quoi il est envoyé sur le front de Tunisie, un ou deux bombardements plus tard (sur le sud de l’Italie) c’est juin 40 et l’armistice , il est renvoyé dans ses foyers, suivant l’expression consacrée le 23/07/1940 et démobilisé.
L’Algérie étant en bloc très pétainiste il s’engage dans un service civil de maintien de l’ordre le……1940.ce qui lui vaudra 5 ans plus tard de passer en jugement devant un tribunal dit "d’épuration"….
Le 03/07/1941 par lettre il propose au maréchal Pétain de remplacer un prisonnier de Guerre. Réponse négative de l‘Amiral Abrial gouverneur général de l’Algérie. (Lettre).
25/07/1942 Il est agrée comme Expert auprès du Tribunal de Commerce d’Alger.
Politiquement, certains bruits courent en ville, les gens bien informés savent qu’il se prépare quelque chose, et c’est la nuit du 7 au 8 novembre, vers 3 heures du matin, sirènes, explosion, tirs de barrage sur la côte, c’est le débarquement des troupes anglo-américaines sur les côtes d’Afrique du Nord et la baie d’Alger.
Jean, pensant qu’il doit être présent dans l’Etablissement dont il a la responsabilité, se rend à Hussein-Dey en vélomoteur, il est renversé sur la route Moutonnière et grièvement blessé.
Résultat : fracture du crâne, des 2 bras, fracture ouverte de la jambe, fracture du bassin 80% d’invalidité, (sera considéré comme un accident du travail (trajet) Tribunal Civil d’Alger le 17/01/1944).
Courant 1943, sous le ferme contrôle d’Yvette qui le soigne nuit et jour, son état lui permet par personnes interposées de reprendre la direction de la succursale.
Un décret du 14/08/1943 paru au Journal Officiel sous la signature des généraux De Gaulle et Giraud au nom du Comité Français de la Libération Nationale, nomme Jean Bazinet délégué provisoire des Automobiles M. Berliet pour l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et l’Afrique Occidentale française.
Par message de la Croix Rouge il essayera de conseiller Marius Berliet de passer en Suisse ou en Espagne pour se dédouaner de la politique de ses fils, surtout Jean Berliet qui croyait à la victoire des occupants, livrait du matériel et participait à l’envoi de STO en Allemagne. Il ne sera pas écouté. (Voir livre, Marius Berliet l’inflexible de Saint Loup, pages 256 et 257)
Une année sera nécessaire à son rétablissement et le 15/01/1944 après avoir demandé à être rappelé sous les drapeaux, il suit une préparation spéciale pour ses futures missions. Il partira d’Alger en sous marin, aux environs du 22/02/1944 comme sergent au Service de Renseignement D.G.E.R de la 1ére Armée (Ordre de rappel).
Le même 22/02/1944 Jacques est mobilisé dans l’armée de l’air et quitte la maison.
Jean débarque du sous-marin Orphé sur la côte espagnole, réceptionné par le S.R de Barcelone, passe en France à pied par les Pyrénées entre Coustouges et St Laurent de Cerdans. (Guide Mr Parent, qu’il retrouvera à Mont-Louis quelques années après)
Le S.R de Barcelone prévient Londres de ce passage, la BBC diffuse sur ses ondes la «Marche Triste» de Sybellius, message qui doit informer la Résistance en France que Jean Bazinet va bientôt se manifester.
Arrêté à Perpignan par la Gestapo le 15/03/1944, après avoir été torturé, réussit à s’évader le 24/03 pour continuer sa mission sous le nom de Servia.
Soigné à Perpignan par le docteur Puig Ametller qu’il connaissait de longue date, il pourra récupérer son guide fin mars et poursuivre sa mission et ensuite finir de se faire soigner en avril à Castres par le docteur Sizaire
Après avoir récupéré son radio à Castres, il participe à l’organisation de la résistance dans la vallée du Rhône, résistance dont un des buts essentiels est de retarder la montée vers le Nord des troupes allemandes après le débarquement sur la Manche, participer à l’organisation du débarquement des alliés en Provence et informer Londres des déplacements de la Wermatch dans le couloir Rhodanien.
Il essayera vainement de convaincre Jean Berliet de passer à Londres, pour se dédouaner de ses fréquentations allemandes, et revenir avec les troupes alliées. Il n’y réussira pas et sera même dénoncé par ce dernier à la milice.
Nommé capitaine après sa jonction avec les troupes alliées le 11/09/1944.il est mis à la disposition du Ministère de l’Economie Nationale pour une mission d’ordre industriel comme directeur des Automobiles M. Berliet en Algérie pendant quelques mois.
Il regagne Alger, ordre de mission du 22 septembre 1944.
Avec la libération de Lyon, les organismes soit disant «résistants» s’en donnent à cœur joie, purge, dénonciation. Les Usines Berliet sont mises sous séquestre, les fils Berlier, Paul, Henri, Maurice et Jean sont emprisonnés pour collaboration. Une direction provisoire est nommée, communiste au début avec Monsieur Jutier et ensuite socialiste avec messieurs Ansey et Bizet.
05/03/1945, Le capitaine Jean Bazinet est renvoyé en mission à Paris pour être mis à la disposition de la D.G.E.R
Il devient le sous lieutenant Fabre, c’est sous cette identité que le 12/03/1945 il rejoint les services de la D.G.E.R aux Armées, antenne avancée en Alsace avec des missions en Allemagne, attaché à la 1 er Armée Française mais détaché auprès du 6 ème Groupe d’Armée U.S. Deux fois parachuté, entre les lignes allemandes et l’avancée des troupes alliées, il doit essayer de récupérer le maximum d’informations et de techniciens dans les usines allemandes qui lui sont désignées.
25/06/1945 Mission terminée, capitaine, il est renvoyé dans ses foyers retour à Alger avec le paquebot «Providence».
Le 09/10/1945 une citation à l’Ordre de l’Armée signé De Gaulle. Qui lui attribue la Croix de Guerre avec Palme, pour activités clandestines en France.
Le 24/06/1950 la Médaille des Evadés lui est donnée. J.O du 29/06/1951 page 6907.
La paix est enfin arrivée mais les règlements de compte, les dénonciations et les purges politiques commencent, le 15/12/1945. Jean Bazinet, sur dénonciation, à peine démobilisé doit se justifier d’avoir fait partie d’une «Association mise en place par l’Etat Français». Obligé dans une attestation de son Chef de Bataillon de faire dire. Son but était de réparer ce qu’il a considéré comme une erreur monumentale de sa part, en contribuant au péril de sa vie à l’œuvre de libération du territoire français.
Il sera évidemment acquitté.
La paix revenue, l’activité professionnelle de Jean est débordante, animation du réseau de concessionnaire en Algérie, promotion de la marque Berliet.
A partir du début 1950, les passions s’étant calmées, la famille Berliet, grâce au soutient des cadres de la société et a une grève générale de cette catégorie de collaborateur, revient petit à petit au commandes avec plus ou moins l’agrément des autorités économiques et industrielles du pays. Jean Bazinet est sollicité par Paul Berliet pour tempérer par un témoignage en faveur de Jean Berliet une accusation de collaboration avec la milice qui poursuivait ce dernier depuis 1945.
Quelques années heureuses qui prendront fin le 1 er novembre 1954, avec le début de l’insurrection arabe en Algérie, pudiquement appelée «les événements».
L’activité de Jean est toujours aussi importante, malgré les événements il parcoure les routes pour visiter le réseau Berliet à travers tout le département, accompagné la plupart du temps par Yvette. Il faut dire que pendant ces années de trouble, l’activité économique n’a jamais été aussi intense ce qui entraîne un besoin de plus en plus important de camions.
Par décret du 13/12/1955 paru au Journal Officiel, Jean Bazinet est promu au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur.
Le 14/01/1956 Remise de le Légion d’Honneur par M. Parfait PDG des Automobiles M. Berliet au cours d’une belle manifestation dans les locaux de la succursale.
L’activité économique et la foi en l’Algérie Française est telle, que la succursale Berliet est agrandie et rénovée. L’inauguration des nouveaux locaux a lieu le 26/03/1955 par M. Emile Parfait et M. Paul Berliet en présence du Gouverneur Général de l’Algérie Jacques Soustelle avec la présentation du nouveau moteur de 200 ch.
14/01/1956- Remise de l’insigne d’or et diamant à Jean Bazinet par M. Parfait des 30 ans de service Berliet.
02/04/1957 Président d’Honneur du Conseil des Experts Automobile d’Algérie.
1957 Vice président de la DIAC Algérienne à sa création.
La famille Berliet ayant repris progressivement le contrôle complet de la société, certains fils compromis par leur attitude vis à vis de Jean Bazinet en 1945, n’ont plus à montrer de prudence dans leurs rapports avec ce dernier, la tension entre Paul et surtout Maurice Berliet et leur directeur d’Alger est de plus en plus pénible à supporter.
1957 sera l’année de la séparation après 32 ans donnés à Berliet, Jean le 31/03/1957 quitte la société pour cause de mésentente avec les fils du créateur de la société, des souvenirs de guerre suite à une dénonciation prenant une trop importante dimension. Pourtant Jean Berliet qui avait collaboré avec les allemands et la milice de Vichy pour se dédouaner, n’avait pas hésité à faire intervenir son frère Paul auprès de Bazinet pour obtenir un démenti quant à sa dénonciation à la Milice.
Retraite.
C’est aussi en 1957 que Jean Bazinet et Yvette quittent l’Afrique du Nord pour s’installer à Sainte Maxime, avec l’achat d’une villa, boulevard du Sémaphore «La Solane» qui deviendra leur résidence principale à partir de 1960 au moment de la retraite de Jean.
De 1957 à 1960, plusieurs séjours en Algérie avec Yvette, dans la cadre de différentes activités comme Expert et Conseiller.
SAVIEM, inspecteur général pour l’Afrique du Nord
Mohring et Cohade Alger, Organisation de l’affaire
Crédit Universelle Marseille, Organisation commerciale.
Yvette Bazinet décèdera à la Force le 19/03/1980 au bout de 8 ans d’isolement physique et moral pour Jean.
N’ayant plus de raison de rester en Dordogne, Jean après beaucoup d’hésitation, décide de prendre un studio dans une résidence «vacances-retraite» de sa caisse de retraite et s’installe à Nice, Corniche Fleurie fin 1980.
Jean Bazinet décédera à Nice le 3/10/1988, Jean ayant demandé à être incinéré, ses cendres suivant ses dernières volontés ont été dispersées au sommet du Canigou par François et Anne-Marie le17/6/1989.
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Lettre à Jean de son père, avant son départ pour le service militaire.
Nice, le 7Août 1923
Mon cher Jean,
Tu te plains que je ne t'écris pas. Je n'ai pas abusé il est vrai jusqu'ici.
La raison ? Ton accident, le voyage de ta mère à Tarbes, ton séjour à Talence en un mot les vicissitudes que tu as éprouvés et qui n'ont pas encore pris fin, mais tu dois être bien certain que je n'ai cessé un instant de te suivre avec le plus tendre intérêt et que j'ai autant de hâte que toi que ta situation soit définitivement fixée.
Puisque tu désires aller dans les Alpes à Barcelonnette, je souhaite que tes vœux soient satisfaits. Mais si on t'envoyait ailleurs, quelque part, soit là même où tu es, soit ailleurs, j'y serais personnellement indifférent persuadé que l'on se plaît partout où l'on travaille avec goût et que l'on peut réussir partout si on a la volonté de se conduire en brave et honnête homme et de travailler avec profit.
Il fait ici une chaleur pénible à supporter à cause du climat marin et de la buée dont il nous enveloppe.
Je la supporte d'autant plus difficilement que depuis mon accident (il y a un an juste avant hier) je ne peux me donner que peu de mouvement et par conséquent peu me distraire.
Moi qui aime tant les eaux vives qui courent, les arbres dont le vent agite les feuilles et le vert des prairies je suis condamné a me contenter de l'asphalte surchauffé, des palmiers en zinc et des genets poussiéreux qui ont remplacés les tendres pelouses de l'hiver. Enfin, ta mère est aussi quelque peu éprouvée, son activité ne s'en ressent pas ou peu et lui sert à être moins déprimée que moi.
Marie Thérèse travaille, les bains de mer qu'elle prend tous les jours ou tous les deux jours la maintiennent en bon état et lui tonifient le tempérament. Elle devient une nageuse intrépide, elle traverse le port et va au bout de la grande jetée, il ne lui manque plus qu'à apprendre à vivre sous l'eau.
Au revoir mon cher Jean. Profite, avant de te voir relégué dans l'hiver des Alpes, des belles et vertes plaines qui s'étirent aux pieds des Pyrénées et des vallées où poussent de beaux arbres et où se précipitent de claires eaux.
Je t'embrasse bien fort.
L. Bazinet
Lettre de l'abbé Tricot à Jean et Yvette pour les féliciter de leurs fiançailles.
Montigny le 4 Novembre 1924
Cher monsieur, mademoiselle,
C'est avec une émotion bien profonde que j'ai reçu votre faire part de fiançailles et je suis encore sous l'impression charmante de cette exquise et si délicieuse surprise.
J'ai immédiatement revu dans mon souvenir cette inoubliable ascension du Canigou en 1922, l'arrivée au chalet le soir, les isards chassés dans les éboulis, filant, disant les "vieux de la montagne" à plus de 70 km à l'heure, puis le modeste dîner. Enfin la dernière étape dans la nuit du matin, la sonne de la perdrix, les ombres de la plaine, piquées de lumière et le lever féerique du soleil sur la Méditerranée, tandis que je vous montrais au loin l'Espagne, l'échine dentelée de Montserrat, d'où je venais quelques jours auparavent… Souvenirs déjà maintes fois revécus et que votre faire part est venu réveiller d'une manière qui désormais les fixe pour toujours dans mon cœur.
Je suis heureux d'apprendre la date de votre mariage. Si j'avais été plus près, j'aurais été heureux encore d'aller vous dire, mes biens vives félicitations avec mes vœux de bonheur…
Comme vous pouvez le voir par l'en tête de ma lettre, je ne suis plus à Bressuire, depuis le 10 octobre. Je suis nommé curé dans un tout petit pays distant seulement de 10 km de mon bourg natal. Je suis très content et me repose un peu de mon labeur dans les patronages.
Si quelques heureux hasards vous conduisaient un jour dans ces régions, je serai heureux de vous recevoir et de vous montrer ce pays assez curieux par ses mœurs et sa topographie.
Irons-nous l'année prochaine faire l'ascension du Canigou ? Pourquoi pas ?
J'ai conservé un bon souvenir de ce coin où j'ai eu la bonne fortune de vous rencontrer et de faire votre connaissance et serai très heureux et de le montrer à mon jeune frère.
Veuillez ne pas m'oublier auprès de Monsieur Olombel. Agréer je vous prie une fois de plus mon meilleur souvenir avec l'assurance de mes prières et de mes vœux et vous dis de tout cœur, merci pour votre faire part, qui m'a fait le plus grand plaisir.
Joseph Tricot
Curé de Montigny (par Cerisay)
Deux Sèvres