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Isidore Pailler (1901-1944)
Curé de Mosset de 1939 à 1944
Isidore Pailler, fils d'Etienne et de Marie Puig, est né le 10.01.1901 à Géras en Espagne.
Ordonné prêtre à Nîmes le 29-06-1932, il rejoint le diocèse de Perpignan qui souffre de la pénurie de ministres du culte catholique. Il est successivement vicaire à Rivesaltes le 10-07-1932, curé d'Evol le 1-03-1933, curé de Serdinya en 08-1934, curé d'Ansignan en 04-1935 où il reste quatre ans mais y rencontre de sérieuses difficultés : les enfants avaient l'habitude de jeter des pierres sur la façade de son habitation.
Arrivé à Mosset le 20-03-1939, il est en plus chargé, à partir de 09-1940, des paroisses de Molitg et Campôme.
D'origine espagnole et peut-être acquis au régime franquiste, son caractère et son comportement, en cette période troublée de 1939-1944, ont contribué à lui faire beaucoup d'ennemis(1)
Par exemple, le maire de Campôme, Joseph Combaut, se plaint auprès de Monseigneur l'évêque Henri Martin Bernard, que "les paroissiens sont privés de messe depuis trois semaines et que le jour de Noël 1940 aucun office n'a été célébré. Monsieur Pailler aurait annoncé qu'il ne reviendrait plus. Ces pauvres gens, dont la plupart sont de bons chrétiens, sont désolés, aigris et décidés à refuser son ministère pour une sépulture religieuse, lorsque le cas se présentera. On peut donc prévoir des ennuis considérables qu'il faudrait éviter à tout prix."
Relations entre l'institutrice Madame Lambert et l'abbé Pailler.
A propos de Madame Lambert, le curé Pailler écrivait à Monsieur le Préfet des Pyrénées Orientales le 15.02.1941 :
"Victime des faux principes qu'on lui a inculqués jadis, non seulement elle affiche le même anticléricalisme que pendant la défunte république, mais on dirait qu'elle met plus d'ardeur que jamais à combattre Dieu et à entraver l'action du curé. Je lui ai demandé à plusieurs reprises de ne pas retenir les enfants du catéchisme à 11 heures et jamais je n'ai pu obtenir satisfaction. Bien plus, avant hier, ayant renouvelé ma demande, elle s'est permis de répondre aux enfants : "Si le curé veut faire du catéchisme et veut nous transformer en bigots, il n'a qu'à utiliser les jeudis et les dimanches."
Par ailleurs, "lors du 14 juillet dernier, elle n'a même pas daigné conduire les enfants au monument aux morts comme l'avait prescrit le Maréchal Pétain, prétendant une indisposition de son enfant. Or le jour même je l'ai vue dehors avec la servante.
Il court dans le village, à son sujet, des bruits assez étranges, qui, s'ils étaient fondés, ne seraient guère de nature à édifier les enfants, mais comme ce ne sont que des bruits je me garderai bien de les confirmer.
Je vous demande Monsieur le Préfet, de prier Madame Lambert de ne plus retenir les enfants, car c'est le seul moment où ils reçoivent un peu de bonne morale, assise sur une base solide, qui est le Christ.
Peut-être pour une pareille requête aurais-je dû m'adresser à Monsieur Delfau, inspecteur primaire à Prades, mais sachant d'avance que je n'obtiendrais pas satisfaction, j'y ai renoncé."
A la suite de cette lettre, une note, établie à la demande du Préfet donne les indications suivantes :
- Madame Lambert, institutrice depuis 5 ans, est mère de 2 enfants.
- Son aspect maladif trahit la fatigue et la souffrance.
- Son absence au monument aux morts et lors de la cérémonie religieuse à l'église fut interprétée par le curé comme dirigée contre le gouvernement et contre la religion. Le curé y fit allusion en des termes assez acerbes au cours du sermon qu'il fit à cette occasion.
- Le 14 juillet 1940, elle était "en état de prostration" du fait qu'elle ignorait encore le sort de son mari, officier aux armées, dont elle était sans nouvelles.
- L'allusion blessante du curé motiva une démarche de Madame Lambert à l'évêché de Perpignan, où il lui fut répondu que l'affaire serait examinée.
- Son prédécesseur à Mosset [Joseph Lluent-Coll], fut l'ami personnel des époux Lambert.
- Une réflexion désobligeante de Monsieur Pailler à l'adresse de Madame Lambert, qu'il aurait traitée de "petite merdeuse," a entraîné récemment une démarche de cette dernière auprès de Monsieur l'Inspecteur d'Académie.
- "L'abbé Pailler est connu comme un homme d'un tempérament fougueux, d'une franchise un peu rude, qui l'entraînent parfois au-delà des limites raisonnables. Animé d'un zèle sincère mais intempestif et quelque peu désordonné, dans les devoirs de sa charge, son intervention présente, semble due en partie à un manque de jugement de sa part. Il semble d'autre part que les propos rapportés et amplifiés par l'imagination enfantine et colportés par certaines personnes, peu soucieuses du bon ordre et de la vérité, entretiennent et avivent partiellement cette discorde, grandement préjudiciable à l'enseignement et à la religion.
- Il semble qu'un appel à la modération aux deux partis et un avertissement ferme à Monsieur Pailler aboutiraient à un résultat positif.
- Les autorités locales [Isidore Monceu 1884-1963] consultées à ce sujet, ne paraissent attribuer qu'une importance secondaire à cette affaire et se plaisent à reconnaître la parfaite correction de Madame Lambert, tant dans sa vie privée qu'à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Les mêmes autorités se déclarent également satisfaites de l'action du prêtre mais soulignent son caractère impétueux et vindicatif."
La fin de l'abbé Pailler : 09 Août 1944(2)
" L'après-midi, une partie des Guérilleros repliés au Coll. de Jau, depuis l'affaire de Valmanya, les 1er et 2 août 1944, vient se ravitailler à Mosset, sous les ordres de Job(3)… Les gens du village apportent des vivres. On remarque (un adolescent(4) sera le témoin privilégié) que le curé du village, Isidore Pailler, observe la scène derrière la "moustiquaire" de sa fenêtre et qu'il prend des notes. Deux Guérilleros entrent dans la cure et découvrent qu'il écrit sur un carnet les noms des habitants qui ravitaillent le maquis. Il est tiré dehors sans ménagement et emporté vers la "Molinassa" au-delà du Col de Jau où se tient le maquis. Il sera "jugé" et "condamné" mais ne sera abattu, par les Guérilleros, que le lendemain alors qu'il essayait de s'enfuir, les "pans de la soutane repliés dans les chaussettes."
Sa soutane serait restée pendue à un arbre, plusieurs semaines, sur la route du col de Jau vers "Caraut"
L'abbé Pailler a été inhumé près de la " Moulinasse " sur le territoire de Counozouls. Il aurait reçu une sépulture au cimetière de Counozouls vers 1951, sur l'initiative du père Sébastien qui a assuré l'intérim entre le départ de l'abbé Jean Perarnaud (1911-1993), curé de Mosset de 1944 à 1950 et l'arrivée de l'abbé René Gazel (1921-1980) curé de Mosset de 1951 à 1960. Une dizaine d'années plus tard il a été exhumé et ses restes reposent au cimetière de Joch dans le caveau de la famille Fageloly Pailler, à côté de son frère Joseph Pailler (1893-1963) époux de Marie Fageloly.(5)
Notes :
1 - Les Guerrilleros
"Issus de la Guerre d'Espagne, ce sont tous des gens qui ont lutté contre les Franquistes, les Fascistes italiens et les Nazis allemands de tout poil. Ils savent donc à quoi s'en tenir quant au combat qui les attend. Ils n'ont plus rien à perdre et tout à espérer d'une victoire contre l'Occupant, car leur finalité essentielle, déclarée ou non, c'est de revenir en Espagne pour essayer d'en finir avec le régime de Franco. Ils ont un minimum d'organisation, une expérience certaine des armes et un "petit matériel", celui-là même qu'ils ont soustrait à la perspicacité des fouilles "françaises" au moment de leur entrée en France en 1939.
Miguel Angel Sanz "Luis", colonel des Guérilleros, a publié un livre "Luchando en tierras de Francia" (Madrid, 1981), dans lequel il donne de nombreuses précisions sur l'action des Guérilleros dans la Résistance française. Pour notre département, il parle d'un effectif de 300 hommes environ avec une "réserve" de 75 hommes qui participeront tous à la Libération du pays.
A partir de ses notes et des témoignages recueillis par ailleurs, nous tenterons de dresser une liste approximative de cette organisation chez nous. (On peut au passage regretté, encore une fois, qu'aucun chercheur n'ait fait de travail exhaustif sur ce thème pourtant intéressant.)
Nous trouverons par la suite trace de Guérilleros dans pratiquement tous les Maquis, de Sournia à Llo, du Col de Jau à Sanas, de Salvezines, Cassanhes et Corbera, en passant par Fillols et bien entendu Valmanya. Ils seront de toutes les actions, de tous les combats, et n'auront que très tardivement (1980) droit à une reconnaissance pourtant amplement méritée."
2 - Les Maquis du Col de Jau(6)
Dès 1943, vont s'installer autour de ce col plusieurs groupes qui vont prendre le même nom de "Maquis du Col de Jau", alors qu'ils sont tout à fait indépendants les uns des autres.
Un Maquis A.S. va s'organiser au "Clot d'España", à l'est du col, mis en place et alimenté par le Colonel Cayrol, le Commandant Balouet(7), Guy Conill et René Sagui "Sylvain". Localement, les "réfractaires" sont pris en charge par Marcel Clos, Michel Bosch et Jean Font qui les ravitaillent grâce au transporteur forestier Clément Fons et à Joseph Haulier "La Fouine". C'est Louis Soler (1908-1990), plus tard maire de Mosset (1947-1983), qui en assure la direction avec l'aide de sympathisants de Mosset comme Jean Not (1912-1995), Marcel Grau (1924-2008)... Ce groupe aura un effectif variable entre 20 et 50 personnes (Guy Salvat, Jacques Manessier ...) dont la plupart iront rejoindre le Maquis de Sournia de Roger Gaigné ou de Sansa de Jacques Pujol.
D'autres groupes vont se former autour des bâtiments agricoles ou miniers de Cobazet et du Callau. Là vont cohabiter des "A.S.", des "F.T.P.F." et des "Indépendants" (fugitifs, S.T.O., Guérilleros...) avec des accrochages et des différents constants.
La Société des Mines de Carneaux (exploitant les anciennes carrières de talc de Chefdebien), grâce à la bienveillante complicité du directeur, M. Délègue et du contremaître, M. Donetta(8), va "planquer" de nombreux S.T.O., des Maquisards, des Guérilleros... Parmi eux : Francis Amiel, Henri Goujon(9), Claude Vidal, Paul Gouzy (10), Paul Jauzac, Jean Jérémias, Edwig Baillette, Ibergay, Morelli, Puli, Campanaud, Laffont, Figueres, Simon Batlle, du Maquis de Nohèdes/Urbanya, tentera en vain de réaliser la fusion de l'ensemble.
Après les événements de Valmanya (1,2 et 3 août 1944), une partie des F.T.P.F. d'Henri Barbusse, des Guérilleros et des divers vont se regrouper au nord du Col de Jau, à la Molinassa (environ 150 hommes). Les Guérilleros sont commandés par Vicente Rodriguez. Le reste du Maquis est "sous les ordres" d'un certain Commandant Job, personnage à la fois mystérieux et aux attitudes très "curieuses."
De son vrai nom, Jacques Oscar Bonneric, il était plus ou moins originaire, par ses parents et surtout par ses grands-parents, du village voisin de Counozouls. Propriétaire d'un bar mal famé de Montpellier et alors qu'il était "Milicien", il avait dû s'enfuir après le meurtre d'un client allemand. Réfugié dans son village, il gagne le Maquis et s'impose aussitôt comme chef sous le nom de "Job", ses initiales. C'est lui qui sera le principal témoin de la mort quelque peu mystérieuse de Clément Fons de Prada. Il sera arrêté, jugé et condamné après la Libération.
Le 12 août 1944, le Maquis est attaqué par les Allemands et la Milice. Joseph Soler, de Mosset, est tué (11).
Le 18 août, Clément Fons, qui ravitaille le Maquis meurt accidentellement (?) dans des circonstances mal élucidées.
Le 19 et 20 août, le Maquis investit et " libère" Prada. (Témoignages écrit de Louis Soler et oral de divers participants).
Ramon Gual
Références et remarques
1 - Diocèse de Perpignan
2 - Vichy, l'Occupation Nazie et la Résistance Catalane - Tome I - Jean Larrieu - Revista Terra Nostra, N°89-90, 1994 (page 331)
A.D.P.O., Fonds Fourquet, C.H.G., L 1 et Témoignage du Lt. Col. Balouet4, 20-11-1974)
3 - Jacques Oscar Bonneric
4 - En fait Yvan Soler (1931-2001) et son cousin Marcel Serre (1930), fils respectifs des deux sœurs Thérèse (1911-1959) et Marie (1906-1980) Julia.
5 - Source : Marinette Bruzy
6 - Vichy, l'Occupation Nazie et la Résistance Catalane - Tome IIB (Ramon Gual & Jean Larrieu - 1998 - Page559
7 - Après la guerre, le lieutenant-colonel Balouet a acheté à Mosset à Marty une maison entre le village et La Carole.
8- Clément Donetta - Le Journal des Mossétans N°18 de mars-avril 2001
9 - Henri Goujon - Le Journal des Mossétans N°33 de septembre-octobre 2003
10 - Paul Gouzy (1909-1987) dont la mère était Marguerite Ruffiandis (1886-1965) née à Mosset, cousine seconde de Jacques Joseph Ruffiandis (1887-1956)
11 - par accident.