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1/2 - Pierre François Ignace d'Aguilar
(1719-1792)
1-Naissance de Pierre Ignace de Bon
Ignace de Bon futur Marquis d’Aguilar est né à Montpellier le 27 avril 1719 à «ôtel de Bon» (ADPO 3E23/11). Baptisé en l'église Saint Pierre, il est le fils de François Xavier de Bon de Saint Hilaire et d’Anne Elisa de Pujol.
2-François Xavier de Bon de Saint Hilaire, père de Pierre.
François Xavier de Bon de Saint Hilaire, né avant 1670, compte parmi les hautes personnalités de la noblesse de Montpellier au début du XVIII siècle.Les écrits qui le concernent le présentent comme «conseiller du Roi en tous ses conseils, Marquis de Saint Hilaire, Baron de Fourques, Soles et Latour, Seigneur de Celleneuve, Terrade, Saint-Quentin et autres.» Premier Président de la Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier, il est de plus le fondateur, en 1706, de l'Académie Royale des Sciences de Montpellier. Il en a été un des membres les plus actifs. Il s'est manifesté à de nombreuses reprises par des communications qui prouvent le talent d’un scientifique averti et d’un observateur attentif de la nature. (AD Hérault - Série D. Publications et mémoires de la société royale des sciences de Montpellier).
Ses réflexions portent en particulier sur les sujets suivants :
«Observations météorologiques faites depuis l'année 1677 jusqu'en l'année 1754», année où il quitte Montpellier.
« Observations nouvelles sur le papillon géant à queue de paon,» lues à l'Académie de Montpellier en 1717.
« Mémoire sur le corail en 1743 et sur une lettre écrite par à M. Dargenville, conseiller maître en la chambre des Comptes de Paris, le 15 avril 1743.»
« Mémoire sur la formation du corail et sur les vers, qu’il avait remarqués sur les tubercules de cette plante en 1706, lorsqu'il était à Marseille. »
« Réponse au mémoire de Monsieur de Réaumur pour lui prouver l'utilité de la nouvelle soie des araignées. »
Ce dernier sujet vient de faire l’objet en Septembre 2002 d’un intéressant article dans la lettre d'information de l'Association des Amis de Jean Henri Fabre. (Annexe 1)Parmi ses 10 enfants, se distingue Louis Guillaume de Bon de Saint-Hilaire (1715), qui a été, comme le père et le grand-père, Premier Président de la Cour des Aides de Montpellier. Il fut ensuite promu Premier Président de la Cour Souveraine de Perpignan en 1753 puis intendant de la province du Roussillon. Il cumula ces deux éminentes fonctions jusqu’en 1773.Un autre frère Louis Charles de Bon, maréchal de camp, est décédé le 22/05/1792 à Ruffec en Normandie.A noter encore que sa sœur, Marie Anne de Bon, était mariée à Antoine de Sartre, fils de Pierre de Sartre, secrétaire du Roi, receveur général des gabelles du Languedoc et célèbre propriétaire du Château de Caveirac près de Nîmes. A la suite des somptueux travaux entrepris, «Pierre Sartre et son frère Jean sont déclarés en faillite le 1 juillet 1709, avec un passif colossal de 6 millions de livres.»
3 - Mariage de Pierre François Ignace de Bon et de Jeanne Hippolyte Rose de Margarit et de Casteras.
3-1 Mariage à Mosset le 23 septembre 1754« Un événement mémorable, qui compte dans les annales d'une population, eut lieu dans l'église de Mosset le 23 septembre 1754. Le seigneur Baron de Mosset comte de Margarit et de Casteras avait réuni dans son château l'élite de la haute société roussillonnaise, pour fêter le mariage de sa fille, Mademoiselle Jeanne Hippolyte de Margarit et de Casteras, avec Monsieur Pierre Ignace de Bon, major du régiment de Cavalerie royale.
Ce mariage seigneurial fut béni pontificalement par Monseigneur Charles François Alexandre de Cardevac de Gouy d'Avrincourt, évêque d'Elne de 1743 à 1783, assisté de :
Monsieur François Portell (1692-1777) curé de Mosset de 1734 à 1777,
Monsieur Paul Vermeil secrétaire de Monseigneur,
Monsieur Gaudérique Bordes, prêtre, docteur en théologie,
Monsieur Barthélemy Lavila (1721) vicaire de Mosset.
L'acte de ce mariage est rédigé de la main du secrétaire de Monseigneur, souscrit par les hauts contractants et par un très grand nombre d'assistants invités.
De plus y participent :
Charles de Clermont d'Amboise, Colonel du Bretagne Infanterie,
Jean Baptiste Charles de Clermont d'Amboise (1728-1792) qui a épousé Adélaïde Charlotte de Houstier,
don Joan Baptiste de Ros, cousin germain de la mariée, époux de la dame Marguerite de Banyuls,
don Joan de Camporells,
don Antoine de Ros, baron de Cabrens,
le marquis de Saint-Marsal, cousin germain de la mariée. »C’est ainsi que l’abbé Joseph Sobra (1820), curé de Mosset desservant en 1867, décrit cet événement. (Mairie de Mosset. Document ecclésiastique des archives de la mairie de Mosset dressée de 1867 à 1945, concernant les 27 curés et les vicaires qui ont administré l'église de la paroisse de Mosset de 1407 à 1944).
3-2 Contrat de mariage à Perpignan du 26 mars 1755
Curieusement et contrairement à la tradition, le contrat de mariage ne fut signésix mois après le mariage à Perpignan. (ADPO 3E23/11)
La seule explication de cette anomalie semble être le temps nécessaire pour régler concrètement les versements financiers imposés par le contrat. Bien entendu les époux ont été les éléments passifs ou peu actifs de l’opération.
Les parents du marié sont absents. Ils sont représentés par leur fils Louis Guillaume de Bon accompagné de son épouse Madame Élisabeth Jeanne Thérèse de Barnage. Louis Guillaume de Bon est depuis peu à la tête du Roussillon comme Premier Président de la Cour Souveraine de Perpignan et intendant de la province.
On y a aussi remarqué :
André de Cappot, avocat, doyen des conseillers au Conseil Souverain du Roussillon et fondé de procuration de Joseph de Gléon baron de Durban vicomte de Perillos et de la dame Marie-Anne de Bon son épouse, sœur du marié.
Antoine de Ros de Margarit chevalier, cousin germain de la mariée et Marie Delpas son épouse,
Antoine d'Ortaffa Infanterie et de Ros et Marie-Thérèse de Ros son épouse, cousine germaine de la mariée,
Ange Augustin de Camporells Delpas marquis de Saint Marsal et dame Magdeleine de Ros marquise de Saint-Marsal son épouse, cousin de la mariée.
Il résulte pour l’essentiel de l’analyse du contrat2) :
- le père de la mariée, Domingo d’Aguilar, n’est pas encore le seul possesseur des biens, son frère aîné Jean, premier héritier, ne disparaîtra qu’en 1763 à 77 ans. Avec la mère Geneviève de Casteras, ils transmettent tous leurs biens à leur fille aînée Jeanne, mais ils s’en réservent l’usufruit et Jeanne ne pourra entrer en possession de l’héritage qu’à leur décès. Or elle décèdera en 1772 soit 3 ans après la mère et 5 ans avant le père, comme le montre le schéma.
- Pierre François Ignace de Bon, le gendre, devra porter le nom et les armes de Margarit de Biure et après la mort de Domingo le titre de marquis d'Aguilar.
- Domingo logera et nourrira le couple, leurs enfants et domestiques et leur donnera une pension annuelle de 3000 livres. Il recevra immédiatement la somme de 80000 livres pour la dot de Maria Anna (1734-1758), sœur cadette de Jeanne et 10000 livres dont il disposera librement. Maria Anna se mariera le 10 juin 1755 avec Joseph d’Oms de Tord de Calvo (1722-1807). Les 80000 livres à verser par Pierre de Bon proviennent, à hauteur de 70000 livres, de sa sœur Marie Anne de bon de Durban.
4- Résidences des Marquis d’Aguilar.
4-1 Le château de MossetLe mariage religieux de Pierre François Ignace et de Jeanne eut lieu dans l'église de Mosset en 1754. Les invités logeaient au château. Mosset a, très probablement, connu à cette occasion, sa dernière grande fête solennelle du XVIII siècle.
En effet les barons de Mosset et leurs familles y résidaient rarement.Le dernier mariage seigneurial à Mosset avait eu lieu en 1675celui des grands parentsla mariée de 1754, Joan de Margarit de Biure d’Aguilar et Rafela de Negrell de Crouilles.
Comme en 1754, Rafela, l’héritière, avait apporté la baronnie de Mosset dans la corbeille de mariage. La tradition voulait peut-être que le sacrement soit célébré au lieu le plus représentatif du patrimoine.
Rafela y séjourna de temps en temps et y fut même marraine de deux enfants de Galceran Matheu (1666-1728), bayle de 1699 à 1719.Elle fut aussi marraine d’une fille de Cosma Thomas (1679-1719), époux de Raphaela Bassols (1682-1734) étant entendu que la famille Bassols jouissait de liens spéciaux avec les seigneurs de Mosset. En effet, les descendants des Bassols bénéficièrent, sous certaines conditions, de dons pour les mariages des filles ou les études des garçons, dans le cadre des prodigalités distribuées au titre des «œuvres pieuses» de Joan de Margarit de Biure d’Aguilar (1686-1763). (Annexe 3)Le château de Mosset grandiose certes mais mal meublé et peu confortable était plus, au XVIII siècle, une «étairie» qu’une résidence. Y séjournaient les gardes et domestiques locaux.
Le 23 octobre 1794 la vente des meubles du château et plus exactement ce qu’il en restait après le passage des troupes espagnoles, dit-on, a rapporté 593 livres. Le 15 juin 1795 la vente des meubles de Perpignan, rue d’Espira, s’est faite à 111245 livres.
Au dénombrement de 1730 (ADPO 1C1902) il y avait à Mosset au service des d’Aguilar 3 personnes dites « Valet ou servante.» Les locaux servaient de « grenier » on y entreposait les produits seigneuriaux et fiscaux de la baronnie. Si bien que ce lieu fut délaissé au profit de Codalet et surtout de l’immeuble de la rue d’Espira à Perpignan. Rafela de Negrell, bien que proche des habitants de Mosset, se retira dans la capitale du Roussillon et y mourut en 1719.
4-2 La maison de Codalet
En Conflent, la préférence va à Codalet dans la « case de dona Francisca » avec son « colomer», c'est à dire son colombier. Cette maison a été rachetée aux biens nationaux le 19 ventôse an II pour 3200 livres par François Durand de Prades. Le « colomer » apparaît dans une autre vente lors de la vente du « cortal de las baronnes » confrontant du levant avec le « colomer » dit «del marquis,» du midi avec la rue «las barreras,» du couchant avec un autre cortal d’Aguilar et du nord avec le parterre du même d’Aguilar.
Cette référence au « Colomer » fait penser au livre «Christophe Colomb le Catalan», selon lequel le découvreur du nouveau monde est un descendant des Colomer et des Terreros du Conflent. (Christophe Colomb le Catalan de Gérard Garrigue – 1992 – Les clés de l’énigme chez Confluences) Dans le même ordre d’idées il faut savoir que les d’Aguilar ont hérité des biens des Terreros. Quoiqu’il en soit la maison de Codalet était probablement plus intime que la bâtisse de la vallée de la Castellane. Les deux fils de Rafela de Negrell, Joan et Domingo, successivement barons de Mosset de 1719 à 1777 y sont nés et y sont morts. On y éleva même le tombeau de famille.
Cependant Joan fut inhumé, en 1763, à Corbiac. (3E21/359 folio 447).Dans son testament du 21/08/1740 rédigé à Perpignan, ses hésitations entre la ville et la campagne sont clairement formulées :je décède à Perpignan, je veux être inhumé dans « le tombeau que j'ai fait construire dans la nef de Saint-Jean de Perpignan, où repose le révérend don Vincent de Margarit, évêque d'Elne et don Jean de Margarit de Biure marquis d'Aguilar, mon père.» Si je décède en Conflent, je veux «que mon corps soit enterré dans l'église du couvent des pères Augustins de notre dame de Corbiac dans le tombeau où sont enterrés les seigneurs de Mosset. »Pour être complet il faut mentionner que les d’Aguilar et en particulier Pierre Ignace, ont séjourné dans leur maison à Espira du Conflent. (Annexe 4)
4-3 La maison de Perpignan
A la Révolution, les d’Aguilar habitaient une grande maison située entre la rue d’Espira et la Place Laborie (Respectivement Rue Lazare Escarguel et Place Jean Jaurès sur les plans de la ville en l’an 2000).
Le Marquis Pierre d’Aguilar y vivait seul depuis la mort de Jeanne en 1772les enfants, encore jeunes faisaient alors leurs études à Toulouse.
Jean Gaspar, le deuxième fils, a quitté Perpignan pour Barcelone en 1777. Ses trois frères qui n’ont émigré qu’en 1792 ont habité vraisemblablement longtemps la maison familiale. Louis Melchior, le plus jeune prêtre, semble ne l’avoir jamais quittée. Il avait un domestique attaché à son service et à la maison. Dans son testament en 1792 le père Pierre prescritmaintien de cet avantage : «En outre je lègue au dit Louis Melchior Timo Léon, mon quatrième fils, l'habitation d'un appartement dans la maison de mon héritier, décemment meublé, pour lui et son domestique. Et dans le cas où il trouverait à propos de vivre séparément de son frère, mon héritier, je veux et je fais legs, en tant que de besoin, de tous les meubles nécessaires pour meubler et garnir décemment un appartement pour lui et son domestique, ainsi que des meubles, linges et ustensiles nécessaires pour tenir son ménage, le tout proportionnel à ses besoins.»
Il était assez facile de loger les enfants. La maison offrait en effet une surface de 480 m et comportait
5 chambres d’une surface comprise entre 25 et 40 m
5 cabinets,
1 grande salle de 40 m,
1 cabinet de toilette avec bains,
1 salle à manger de 20 m
1 salon de compagnie de 39 m
1 chapelle,
1 salle d’archives entourée d’armoires,
1 cour intérieure.
Pour les domestiques, par contre, qui étaient nombreux, le logement était moins aisé. En effet, les d’Aguilar employaient directement une dizaine de personnes
1 portier, Mathieu Duclos,
1 fille de service, Thérèse Pompidor, originaire de Prats-de-Mollo, sœur de Jacques Pompidor (1731-1803) de Mosset, épouse puis veuve de Raymond Borreil, qui, de son vivant, était valet de chambre et perruquier du Marquis, (Annexe 5)
1 valet de chambre, Jean Tabac dit «Villeneuve,»
5 domestiques : Pierre Pellous, Joseph Bigorre, Rasimbaut le cuisinier, Jean Mestres et Baptiste Meulan, ce dernier spécialement au service de l’abbé Louis d’Aguilar, un maître d’hôtel, Joseph Laffont.
Avant 1789, c’est dans cette maison que le marquis Pierre d’Aguilar, président de l’Assemblée Provinciale pour le District du Conflent et de la Cerdagne, réunissait ses amis. Là se rencontraient :
le marquis Joseph d'Oms de Tord de Calvo (1722-1807), son beau-frère,
- les deux secréprovinciauxMessieurs de Matheu-Bou et le bourgeois noble François Xavier de Llucia (1752-1794) procureur-syndic du Tiers-État en 1787 dont le père, riche mercader avait été anobli en 1761. «Comme on l’attaquait à propos de ses fonctions de représentant du Tiers, il répondit que« fils d’un père nouvellement anobli, toute gloriole sur ce point eut été de sa part pour le moins ridicule» et se déclara fier d’un titre qu’il devait au suffrage de ses concitoyens.» (Biographies - Capeille)- Monsieur de Çagarriga d’Anglade (probablement Jean qui fut arrêté sous la terreur, époux de Augustine de Ros),- Messieurs Eychenne vicaire énéral, Belmas et Sanyas.plupart de ces personnes, que Philippe Torreilles qualifie dans on livre «pendant la Révolution» d’optimistes libéqui envisagent d’un œil placide les transsociales» formeront le noyau
des «éraux» qui porteront le Marquis d’Aguilar à la tête de la mairie de Perpignan en 1790. (Annexe 6)
C’est toujours dans ce même lieu que s’était enfermé Monsieur de Mirabeau avant de fuir Perpignan en 1790 emportant les cravates des drapeaux du Régiment de Touraine. Le Marquis Pierre d’Aguilar, le maire, qui lui «accordé asile et hospitalité» fut arrêté et emprisonné jusqu’à leur restitution.
A la mort de Pierre d’Aguilar, en 1792, ses fils ont émigré en Espagne. Leurs biens furent nationalisés et vendus aux enchères en 1795. Pour faciliter l’opération la maison de Perpignan fut partagée en 9 lots. Elle rapporta 237100 livres. Le lot N°1 de 225 m2 fut adjugé à Joseph Garret, la chapelle et la chambre attenante de 40 m2 à Paul Maillol et presque tout le reste à Jacques Vierne. François Durand, qui occupait déjà une centaine de mètres carrés, agrandit son territoire par l’acquisition d’une petite chambre, du boudoir et de caves. François Durand est le père de Justin Durand né dans ce lieu en 1798, grand entrepreneur et riche négociant, futur député et futur maire de Perpignan. La maison des d’Aguilar était donc au XVIII siècle et restera au XIX siècle un lieu chargé histoire.
5 - Les titres et fonctions
5-1 Le titre de marquis d'Aguilar
Le titre de marquis d'Aguilar fut accordé à Joseph Margarit (1602-1685) et à ses enfants et autres descendants males et femelles en ligne directe, par le roi Louis XIV. Les lettres patentes correspondantes ont été données à Paris au mois d'août 1648. En relation étroite avec Mazarin, Joseph de Margarit fut « un des plus zélés artisans du soulèvement de la Catalogne et de l’annexion du Roussillon à la France.» Le roi le nomma vice-roi et lieutenant général de Catalogne, poste qu’il occupa jusqu’au traité des Pyrénées.
Son fils Joan se maria le 16 juin 1675 à Mosset avec Rafela de Negrell de Crouilles et de Bas. Il fut expressément convenu dans le contrat de mariage (ADPO BP13) établi par Maître Joseph Llembi notaire à Perpignan, qu’au cas où naîtraient de ce mariage deux enfants males, l’héritage global serait réparti entre les deux enfants.
L’un d’entre eux recevrait les biens provenant de Rafela, biens quelle a reçu de Galceran de Crouilles et de Santa Pau (avant 1610-1701) premier époux de sa mère. Il porterait le nom et les armes de ce dernier. L’autre enfant recevrait les biens du père don Joseph de Margarit et de Biure et porterait son nom et ses armes.On aurait donc un frère de Crouilles et de Santa Pau et un frère de Margarit de Biure marquis d’Aguilar.
Or au décès du dernier survivant du couple Joan-Rafela, décès qui fut celui de Rafela le 3 février 1719, on se trouve dans cette situationles deux enfants males sont Joan (1686-1763) et Domingo (1687-1777). En conséquence Joan devient Joan de Margarit de Biure et Domingo devient Domingo de Crouilles et de Santa Pau, marquis d’Aguilar.
En 1719 Joan, qui a 33 ans, sait qu’il ne se mariera pas et donc n’aura pas de descendant. Il conclue un accord avec son frère selon lequel les biens des deux maisons ne seront pas séparés. Ils passeront successivement de l’un à l’autre, Joan l’aîné étant le premier. Dés le 23 mars 1719 il lui donne procuration sur l’héritage des parents. (ADPO 3E21/337).
Mais Domingo n’a que deux filles. Il faut trouver un male. La solution consiste à marier la fille aînée Jeanne et à imposer à l’époux de «porter le nom et les armes» des d’Aguilar. Compte tenu de la puissance de la famille et en particulier de son assise financière les gendres ne devaient pas être difficiles à convaincre.
C’est avec les de Bon de Saint-Hilaire que l’affaire fut conclue. Autant les d’Aguilar figuraient parmi les 2 ou 3 familles les plus riches, autant les parents de l’élu jouissaient d’une aura intellectuelle très enviée.
Par son contrat de mariage en 1755, l’époux Pierre François Ignace de Bon est institué procureur universel de son beau-père Domingo qui lui donne les pleins pouvoirs pour administrer tous les biens.
Il lui «impose» non seulement de devenir son successeur, mais aussi de porter le nom et les armes de Margarit de Biure et après la mort du beau-père, de joindre le nom et les armes de Crouilles et de Santa Pau, aux noms et armes de Margarit de Biure et ce, à perpétuité, sous peine d'être privé de l'effet de la donation définie au contrat.
Pierre-François Ignace de Bon devient donc Pierre-François Ignace de Margarit de Biure de Crouilles et de Santa Pau marquis d'Aguilar, seigneur de la baronnie de Mosset.
Avant sa disparition en 1763, Joan s’est assurément réjoui de constater que sa nièce héritière Jeanne a trois enfants males et donc que le nom des marquis d’Aguilar a de fortes chances de se perpétuer.
Il ne se doutait pas que la Révolution allait interdire les titres et distinctions de la noblesse et quePierre-François Ignace de Margarit de Biure de Crouilles et de Santa Pau marquis d'Aguilar, seigneur de la baronnie de Mosset allait devenir le citoyen Pierre d'Aguilar.
Il ne se doutait pas non plus que les descendants de son père Joseph de Margarit de Biure, marquis d’Aguilar, défenseur de la cause française contre l’Espagne 140 ans plus tôt, fuiraient la France pour se réfugier au sud des Pyrénées.
Le retour de la royauté en 1815 permit cependant de retrouver les titres nobiliairesl’acte de décès en 1838 de Louis Xavier (1755-1838), le fils aîné, les reprend explicitement. Dernier sursaut d’une lignée qui disparaît, sa fille, Zoé Gasparine Marie Polycarpe d’Aguilar épouse Charles Delacroix (1783), Capitaine d'Artillerie.
Au titre de Marquis d’Aguilar, s’accolent selon les actes et les circonstances d’autres titres des ordres chevaleresques.
5-2 Chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem et Chevalier honoraire de Malte.A son mariage en 1755, (ADPO 3E23/11) ces deux titres qualifient Pierre d’Aguilar.
L'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, fut fondé vers 1050 à Jérusalem pour soigner et défendre, au nom de la foi chrétienne, les pèlerins et les malades, quelles que soient leurs nations ou religions.
Par nécessité, l'ordre devint un ordre militaire et ses chevaliers armés étaient de noble naissance.
Après la prise de Jérusalem par les Sarrasins (1187) et la chute de Saint-Jean d'Acre (1291), l'Ordre s'arrête provisoirement à Chypre, avant de conquérir l'Ile de Rhodes (1310).
Il devient souverain et s'organise en Europe. Ses Commanderies et Hospices soignent les pèlerins et les malades. Il se dote d’une puissante marine de guerre propre à défendre la Chrétienté en Méditerranée.
De l’éclatement de l’ordre originel de Saint Jean naquirent différents ordres comme ceux des chevaliers du St Sépulcre, des Templiers, d'Espagne, Teutonique et de Malte,
Au XVI siècle, l'empereur Charles Quint fait don des îles maltaises aux chevaliers de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Ceux-ci, connus plus tard sous le nom de «de Malte, » viennent de perdre l'île de Rhodes prise par les Turcs sous le règne de Soliman le Magnifique (1522).
Après avoir perdu ses possessions anglaises et allemandes lors de la Réforme, tous les biens en France furent confisqués en 1792.En Juin 1798, Bonaparte, en route pour l'Egypte, s'empare de l'Ile de Malte et l'Ordre est dispersé. Les Chevaliers de Saint-Jean se réfugient à Saint-Pétersbourg.A partir de 1805, il n'y a plus de lien juridique entre l'Ordre de Malte, qui n'existe pas en Russie, et l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem (branche Russe et oecuménique) qui continuera son existence en Russie jusqu'à la Révolution de 1917.Les chevaliers de Malte, tels que les reconnut le pape Jean XXIII en 1961, forment une communauté religieuse et un ordre de chevalerie. Organisé en cinq grands prieurés et de nombreuses associations nationales, ils entretiennent des relations diplomatiques avec le Vatican et différents pays. En tant que communauté religieuse, ils disposent d'hôpitaux, de centres de premiers secours et d'équipements destinés aux soins des blessés et des réfugiés. Ils portent une grande cape noire sur laquelle est appliquée une croix de Malte. Le Grand Maître porte le titre de prince et occupe un rang ecclésiastique équivalent à celui de cardinal.En 1959, l’Ordre de Saint Jean fonde son Prieuré de France.
5-3 Chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis
Louis XIV, en 1693, l'avait réservé cette distinction aux officiers de ses armées ayant servi au moins dix ans avec éclat. Si la clause de catholicité restait impérative, pour la première fois dans l'histoire des ordres, la noblesse n'était plus exigée. On l'appela « l'ordre du mérite ».
Ces innovations firent de l'Ordre de Saint-Louis l'ordre le plus populaire de la monarchie. Son insigne, une croix de Malte blanche centrée de l'effigie de Saint-Louis, suspendue à un ruban rouge feu, a donné lieu à l'expression toujours en usage actuellement : « avoir la croix ».
Jusqu'en octobre 1792, l'ordre de Saint-Louis fut conservé sous la dénomination plus démocratique de « Décoration militaire », toujours réservée d'ailleurs aux officiers, mais sans clause de religion. La Convention supprima alors toute distinction « au nom du principe sacré de l'Égalité. »
5-4 Major du Régiment Royal Etranger de Cavalerie, à son mariage en 1755. (ADPO 3E23/11)
Le Royal Étranger Cavalerie fut crée en 1635 ou 1665. Il est l’ancêtre de l’actuel 1er Régiment Etranger de Parachutistes dont il a repris les traditions.
5-5 Maire de Perpignan
Pierre d'Aguilr a été premier maire de Perpignan, élu en février 1790, il démissione le 14 décembre.
6 - Le patrimoine
7 - Relations avec la communauté de Mosset
En 1777, à la mort de son beau-père Dominique d’Aguilar, Pierre François Ignace d’Aguilar devient le seul et unique maître de la baronnie. Les ancêtres sont disparus. L’héritière, son épouse est décédée 5 ans auparavant. Melchior le fils aîné n’a que 22 ans. Le plus jeune Louis a 14 ans.Lui Pierre a déjà 58 ans et doit donc assumer seul les responsabilités.
En cette année 1777, pour lui, né à Montpellier mais qui connaît la baronnie depuis 23 ans, que représente Mosset ?
Tout d’abord une communauté d’un millier de personnes sur lesquels il exerce ses prérogatives seigneuriales, ses droits et ses devoirs. Le devoir fondamental de gardien de la sécurité, est dans la réalité peu exigeant. Les hordes de «» du XVI siècle ne dévalent plus du Col de Jau depuis deux siècles. Et la royauté française a grignoté peu à peu une partie de ses pouvoirs. Le viguier de Prades intervient de plus en plus dans les affaires et les conflits.
Mosset est donc avant tout un bien de rapport avec des immeubles, des terres, des forêts, des forges et des moulins et aussi un cabaret, une boulangerie. Mosset est une «» aux secteurs d’activités multiples, orientée essentiellement vers la production du fer mais avec en plus toute une foule de petits secteurs plus ou moins productifs qui vont de la minoterie à la location de pacages en passant par la vente de boissons dans des cabarets.
Pour diriger tout cela, et il n’y a pas que Mosset, il est seul.
A Mosset, il a son batlle, son représentant local, un homme de confiance.
En 1777, Jean Thomas (1707-1788) est en place. Il assure cette fonction depuis 1754. Mais lui aussi est âgé70 ans. On sait que les Thomas et Bassols ont depuis longtemps des liens privilégiés avec les d’Aguilar. Jean de Margarit marquis d’Aguilar, le dernier seigneur inhumé à Corbiac était son parrain et Marie Anne, sœur de Jean, était sa marraine (Annexe 3)
En 1784, Jacques Pompidor se voit confier les fonctions de Garde Général des eaux et forêts.
«22 mars 1784, Jacques Pompidor, habitant Mosset, de religion catholique apostolique et romaine, compte tenu des témoignages rendus de sa probité, expérience et capacité, nous l'avons créé, érigé et nommé Garde Général des eaux et forêts, auquel nous avons confié le marteau, par mort ou légitime empêchement de Jean Thomas (décédé en 1788 et donc quatre ans plus tard), pagès de Mosset auquel nous avions confié le marteau à nos armes et en jouir aux honneurs, gains, prérogatives et émoluments y attribués, tels et semblables dont ses prédécesseurs ont joui et pu jouir à la charge par lui de prêter serment.
Mandons et ordonnons à tous nos officiers et vassaux de reconnaître le dit Jacques Pompidor garde général de nos forêts.» (ADPO 11BP261)
Jean Thomas reste batlle mais la fonction paraît presque essentiellement honorifique. Jean Thomas mourra le 26/01/1788. C’est Julien Corcinos qui le remplacera le 04/03/1788. Pour peu de tempsles droits seigneuriaux sont abolis le 4 août 1789l’article 1 est clair et net «’assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal.»
En 1779, un contrat de fermage est signé, pour 8 ans, avec un nouveau fermierJacques Escanyé (<1778 ). Son bail prendra fin en 1787. Il passe le relais à son successeur Maurice Matheu (1732-1812) qui signe le 23 février 1787 et auquel Julien Corcinos (1745-1820) apporte sa caution. (Annexe 7)
L’activité dans la vallée de la Castellane est donc dans les mains des notables les plus en vue et surtout les plus aisés de la baronnie: 2 ou 3 personnes, 1 batlle, 1 fermier et 1 garde des forêts.
Julien Corcinos (1745-1820) bayle,
Maurice Matheu (1732-1812) fermier,
Jacques Pompidor (1731-1803), Garde Général des forêts
A la Révolution ces 3 personnalités vont jouer un rôle éminent.
Interviendront en plus de façon significative la génération suivante avec :
Isidore Lavila (1758-1825)
Isidore Pineu (1757-1821),
Joseph Prats (1742-1814)
Joseph Porteil (1752-1824)
Martin Climens (1750-1828).
Il est probable que le Marquis a des contacts avec le curé représentant le deuxième pouvoir local.
Le curé François Porteil (1692-1777), le «Porteil» décède le 17/08/1777 et n’aura un successeur qu’en 1780 avec est Joseph Parer. Probablement moins ouvert que le marquis aux nouvelles idées, il émigrera en 1792, victime des nouvelles contraintes suivant en cela les fils de d’Aguilar.
Connaît-il les autres intervenants de la vie communale , Les consulsLes clavaires ?
Clavaires et batlle en 1788
Citons Jacques Ruffiandis (Mosset vieille cité de 1970 – Tramontane - Page 57) Voici un acte curieux qui mentionne les attributions des clavaires et du sous baille et montre qu'il y avait parfois conflit entre leur autorité et celle du baille qui tenait celle-ci du seigneur et parfois en abusait assez impunément : « L'an mil sept cent quatre vingt huit et le vingt et deuxième jour du mois de décembre en la ville de Mosset dans la maison de ville. Nous Maurice Cossey (1726->1807) et Léon Ville (1745-1821) clavaires de police de la dite ville à la Réquisition de Joseph Pajau (1734-1794) brassier habitant à la susdite ville disant que lhobergiste nommé Jacinthe Estéba (1730-1794) et boulanger a refusé de vendre du pain au sus dit Pajau.
Environ huit heures du matin et nous Clavaires susdits avec le Requérant nous sommes transportés à Lhoberge lui disant de Vendre du pain au Requérant et qu'en notre présence lui a refusé. Et à ce refus nous Lui avons Déclaré l’amende de six livres payables au même jetant lequel a Répondu de lui donner assignation. En conséquence nous l'avons fait pignorer par le sergent crieur de notre Comté nommé Julien Prats je quel lui a pris une casserole et une padelle lesquelles pièces sont entre les mains du susdit sergent pour en Rendre Compte... Le jour même de cette saisie Julien Corcinos (1745-1820) qui prend toujours la qualité de batlle fit menace au sergent qui en était pourvu de le mettre en prison sil ne lui remettait les effets saisis .Le sergent qui se trouve Come vous savais sous baille intimidé par cette menace n’osa le lui refuser et par ce moyen ledit Corcinos rendit comme inutile la justice sommaire des sieurs Clavaires. Comme le mauvais exemple est toujours très pernicieux et que si nous n'empêchons pas de pareils abus dès leur naissance bientôt d'autres personnes voyant que le susdit Corcinos a empêché impunément le Cours de ta justice des officiers de police vont entièrement mépriser autorité des officiers municipaux et nous le verront même désobéir lors qu'il sera question des affaires royales.»
Le baille ne manquait pas à l'occasion de défendre souvent malgré les usages locaux, les revenus des banalités seigneuriales ; à Mosset le cabaret était propriété du seigneur ; voici à ce sujet, la suite du procès-verbal cité ci-dessus
«Je dois encore vous dire que le 20ème 9bre dernier jour du marché,, Julien Prats (1747) sous baille et s'étant saisit en pleine rue a Tereza Alzeu (née en 1777 et n’avait donc que 11 ans) une bouteille remplie de vin en ayant été instruit je Donna une réprimandé audit sous baille de son audace, il me répondit que c'était Corcinos qu'il lui avait ordonné de la lui prendre sous prétexte quelle ne venait pas de l'acheter au Cabaret vous savez Mrs qu'il est Libre même suivant les criées et l'usage a un Chacun de vendre et d'acheter le jour de jeudi c’est sans doute le désir de faire augmenter Les Revenus du Cabaret se trouvant lui même Caution et associé à L'afferme des revenus que M. le Marquis d'Aguilar a dans Mosset qui le portent a chercher a faire perdre les Droits de la Communauté.» (Mosset Registre Consulaire)
Remarques
1 - Corcinos qui a représenté le Tiers Etat à l'Assemblée provinciale du Roussillon à Perpignan (11/1787) y côtoyait Pierre d’Aguilar. Après décès de Jean Thomas le vieux batlle, le marquis nomme Julien Corcinos comme remplaçant.
Le rôle du batlle est à la fin du XVIII siècle essentiellement de défendre les intérêts du Marquis. La remarqueclavaires : «prend toujours la qualité de batlle» ne peut s’expliquer que dans la mesure où le batlle précédent malade n’exerçait plus ses fonctions. Le batlle disparaîtra après août 1789 le 01/04/1790 avec la prise de fonction du maire Isidore Lavila, premier consul en 1789 (ADPO 11BP261)
2 – Le sous baille Julien Prats n’est que garde forestier, probablement sous les ordres de Jacques Pompidor.
3 - Maurice Cossey et Léon Ville, clavaires sont chargés de la police locale sous les ordres des consuls.
François Respaut et Jean Uteza, garde bois de la Baronnie de Mosset (ADPO 11BP186 : 28/08/1784)
8- Famille Mode de vie – Collaborateurs
Il s’appuie sur des conseillersdes notaires, des avocats auxquels il délègue des pouvoirs Les notaires se font un plaisir de les rédiger et de les faire enregistrer. Ses «» sont nombreux. Il les cite dans son testamentSauveur Jaume, Joseph Lafont, Barthélemy Baille, Giraudé, Suzon Cavalier, Louis Marigo, sans compter ses médecins, Joseph Beringo, Pierre Barrera, Jacques Trainier.
9 - Décès
Pierre François Ignace de Crouilles, de Santa Pau, de Biure et Margarit d'Aguilar est décédé le 10 août 1792 à trois heures du matin à Codalet.
Probablement malade depuis son repli à Codalet à la fin de 1790, son état s'était aggravé en 1792. Le 7 avril 1792, il termine la rédaction de ses dernières volontés par cette phrase : "Lequel testament après avoir lu plusieurs fois avec attention, je vais signer si la faiblesse et le tremblement considérable de mes mains me le permettent.»Il est enterré le jour même à 7 heures du soir dans le tombeau familial du cimetière communal."
10 - Testament (3E15/102 - folio 611) (Annexe 7)
Ses dernières volontés ont probablement préoccupé son entourage, ses enfants et son conseiller, le notaire Sauveur Jaume, et peut-être aussi ses nombreux domestiques.
L'évolution politique générale, avec des exigences de plus en plus contraignantes imposées aux nobles, nécessitait une extraordinaire rapidité de réaction pour mettre en place les contre mesures les mieux adaptées à la sauvegarde du patrimoine.
La disparition de Pierre d'Aguilar, premier maire « révolutionnaire » de Perpignan, marquait incontestablement la rupture avec la génération suivante de ses fils qui étaient déjà ou devinrent rapidement des émigrés.
Il était primordial de connaître les dispositions prises par le père. Melchior avait déjà rejoint Jean Gaspar à Barcelone. Donc le corps du père à peine refroidi, dans la maison de Codalet, ses deux autres fils, Louis d'Aguilar le prêtre et Balthazar d'Aguilar, organisent et demandent l'ouverture du testament.
Par-devant Joseph Gaspard Melchior de Lacroix (1747-1798), juge au tribunal de Prades, entourés des témoins, Louis Marigo Vaquer docteur en médecine et Joseph Beringo professeur de médecine demeurant Perpignan, Abdon Maler, Jean Maler fils, Martin Rofort, Sylvestre Clos, habitants Codalet, le notaire accouru de Perpignan, est en mesure, dès 3 heures de l'après midi, de procéder à l’ouverture et à la lecture des textes.
Sauveur Jaume, notaire et procureur de la famille qui les a rédigés, reçus et pris en dépôt, il n'y a que quelques mois, procède devant un auditoire très attentif et impliqué à la lecture de 4 « documents mystiques et secret » : un testament du 7 avril 1792 suivi de 3 codicilles (Additifs au testament) datés des 9 avril, 19 mai et 17 juin 1792.
Sur les 9 enfants il n'y a que 4 garçons survivants entre lesquels est partagé le patrimoine :
« Je nomme et institue mon héritier universel Melchior Louis Xavier Geneviève d'Aguilar (36 ans), mon fils aîné.
Outre les 40000 livres assignés à Jean Gaspard Siméon Élisabeth Marie d'Aguilar, mon second fils (34 ans), je lègue à chacun de mes trois enfants, pour légitime paternelle et maternelle, la somme de 66livres, à Pierre Balthazar Paulin d'Aguilar, mon troisième fils (30 ans), à Louis Melchior Timo Léon d'Aguilar mon quatrième fils (29 ans), sur les biens de Monsieur Jean de Crouilles de Santa Pau, de Biure et de Margarit (1686-1763), mon oncle, par dame Jeanne Hyppolite Rose d'Aguilar (1733-1772), leur mère, ma défunte épouse, avec ses testaments du 3 juillet 1772, remis à maître Jaume, notaire à Perpignan, je lègue à chacun de mes trois enfants, pour légitime paternelle et maternelle, la somme de 66livres, payable à savoir :
- deux tiers en argent comptant et non en papier ne monnaie d'aucune espèce,
- un tiers, de la même monnaie ou en biens héréditaires ou autres biens libres de mon héritier, au choix de celui-ci.
Desquels biens, je déclare dans ce cas faire legs à mes dits trois enfants.
Cette somme de 66livres leur sera payée dans six ans (soit en 1798) et en 6 paiements égaux, qui commenceront à l'expiration des six années après mon décès, sans que le premier paiement puisse être anticipé que de la volonté de mes dits fils légataires. »
11-Organisation de la succession
Ce testament et ses additifs sont complétés par divers actes notariés très importants.
Codicille du 19/05/1792 (ADPO 3E15/102-Folio 488)
Pierre François Ignace de Margarit d'Aguilar nomme pour procureur Melchior Louis Xavier Geneviève, son fils aîné à Barcelone et lui demande de retirer au nom du Sieur constituant, tout du dépôt ou table de change établis à la cité de Barcelone ainsi que de tous autres dépôts « la somme de 26845 livres 9 sols 1 denier, monnaie de Barcelone, appartenant au Sieur constituant et au Sieur son fils consignés le 31/07/1790 par le révérend père François Isidore Mingalboro, religieux et fondé de procuration de l'illustre abbé du Monastir Royal de Notre Dame de Montserrat, ordre de Saint Benoît dans la principauté de Catalogne, pour compte du Sieur Félix Vaquer notaire public de la dite cité.
Comme aussi retirer toutes autres sommes qui peuvent être dues au Sieur constituant, soit à lui en propre, soit en commun avec d'autres intéressés.
Ces pouvoirs concernent aussi les acquisitions de maisons, terres ou autres propriétés etc.…»
Témoins : Pierre Barrera Docteur en médecine et Jacques Trainier chirurgien à Prades.
Signé Jaume Sauveur Notaire
Les conseillers et les enfants du Marquis savent en 1792 que leurs biens sont menacés. Leur stratégie va consister à confier l’héritage à Jean Gaspard, à Barcelone depuis 1777 et donc, en principe, à l’abri des règles et décisions françaises.
Acte du 17/06/1792 (3E15/102-Folio 628)
« Je lègue à Jean Gaspard Siméon Elizabeth Marie d'Aguilar, mon second fils, Lieutenant dans les gardes wallonnes en Espagne, l'usufruit de tous mes biens, même de ceux qui, situés en France, appartiennent à mon héritier, à quelque titre que ce soit sans aucune exception et ce, pendant 6 ans, à la charge par le dit Jean Gaspar Siméon Elizabeth Marie d'Aguilar, l'usufruit de tous mes biens, même de ceux qui, situés en France, appartiennent à mon héritier à quelque titre que ce soit sans aucune exception et ce durant 6 ans, à la charge pour le dit Jean Gaspar Siméon Elizabeth Marie d'Aguilar, mon usufruitier de payer toutes les dettes héréditaires et sans qu'il puisse se faire aucune créance.»
Comme Pierre d’Aguilar le père est décédé 3 mois après ce codicille et qu’il ne concerne que l’usufruit, cet acte est en principe sans effet.
12 - Enfants - Descendance
Des 9 enfants issus de son union avec Jeanne de Margarit, il restait 4 garçons au début de la Révolution : 12 - 1 - Melchior Louis Xavier Geneviève (1755-1838), l'aîné, le poète, l’officier et le philosophe et aussi le dernier marquis d'Aguilar.On le retrouve, comme son grand-père François Xavier de Bon, membre de la Société des Sciences de Montpellier, puis de l'Académie des Belles Lettres de Toulouse et mainteneur des Jeux floraux de cette ville.
Outre quelques pièces insérées dans le Recueil des Jeux floraux, on a de lui (Dictionnaire de Biographie Roussillonnaise de Jean Capeille 1914.) :
- Recueil de vers, (Amsterdam-Paris-1788),
- Traduction en vers de quelques poésies de Lope de Vega, précédée d'un coup d'œil sur la langue et la littérature espagnole et sur Lope de Vega.
Il a épousé Mme de Bruyères Chalabre et eut deux enfants qui moururent avant lui. Un fils, Fidèle, fut colonel de la Garde Nationale et une fille, Zoé Gasparine Marie Polycarpe, qui se marie à Charles Delacroix, à qui il donne deux enfants dont un garçon Jean Aymar Delacroix.
Le marquis Melchior d’Aguilar puis Charles Delacroix et son fils Jean Aymar furent successivement les interlocuteurs des maires de Mosset au XIX siècle dans les discussions et les négociations sur le problème des bois et vacants.
En 1789, alors que son père, Pierre, est « élu eté à l’unanimité Commandant en Chef de la milice bourgeoise » de Perpignan, il est nommé à 34 ans Capitaine d’une compagnie. Il participe aux événements marquants de la Révolution. Il sauve la femme du directeur des impôts qui avait déguerpi« " un paysan la suit, la terrasse et allait la pendre.»
Au décès de son père en 1792, comme fils aîné, il aurait dû devenir héritier universel de ses parents. Ne laissant aucun descendant, l’interlocuteur de Mosset devint plus tard Charles Delacroix originaire de Reims, époux de Zoé Gasparine Marie Polycarpe d’Aguilar, héritière par le testament de son oncle Jean Gaspar.
En effet Zoé Gasparine Marie Polycarpe fille de Melchior et de Jeanne de Bruyères Chalabre, épousa Charles Delacroix.
Melchior vieillissant ne se préoccupa pas beaucoup, semble-t-il, des terres de Mosset. Sous la Restauration, comme ancien Officier, il est nommé le 29/02/1816, chevalier de l'ordre de Saint Louis. Avant sa disparition en 1838 sont publiés ses écrits que nous révèlent aujourd’hui les Archives des Académies et Sociétés Savantes de Toulouse ((http://www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/index.htm
toulouse.asso.fr/index.htm)
- Quelques pensées sur la civilisation (1830).
- Quelques idées métaphysiques et morales (1830).
- Sur l’époque de la formation de la langue romane (1837).
- Considérations sur le panthéisme (1837).
- Observations générales sur la parole (1837).
- Considérations sur la pensée et l’expression de la pensée (1839).
12 - 2 - Jean Gaspard Siméon Elisabeth Marie (1758-1811).
Il a 14 ans en 1772 au décès de sa mère. Sa mère a fait le nécessaire pour qu’il puisse, comme ses frères, poursuivre ses études à Toulouse.
Depuis 1773 il est au service du roi d'Espagne. (ADPO 1Qp518)
En 1777, il quitte la France pour l’Espagne. Il a 19 ans.
Il devient officier des gardes vallonnes au service du roi d'Espagne. Lieutenant en 1792 (34 ans), il est colonel en 1811 (56 ans).
Melchior émigré dont tous les biens sont nationalisés ne peut honorer les engagements de son père, il ne peut rétrocéder les 66000 livres à ses frères et en particulier à Jean.
Jean n’est pas émigré. Sont émigrés ceux qui ont quitté le territoire après 1789. Or il a quitté la France en 1772 au décès de sa mère et il n’avait que 14 ans.
Il demande donc à l’Etat français de lui restituer ses droits légitimaires.
Par arrêté du 11 nivôse an V (31 décembre 1796), l'administration centrale reconnaît au sieur Gaspart d'Aguilar toute la propriété des biens situés à Mosset provenant de la succession de feu son père Pierre d 'Aguilar. (Arrêté de la Préfecture de Perpignan)
Jean Gaspar d'Aguilar en est le seul interlocuteur descendant propriétaire. depuis le 2 thermidor an XII : Melchior Louis d'Aguilar de Barcelone momentanément à Montpellier vend à son frère Jean Gaspard des parties de montagnes de Mosset. (Notaire Jaume Comté - Perpignan)
Il meurt sans descendants et les biens reviennent, par son testament du 25 juin 1811, retenu par Maître Elias y Bosch notaire à Barcelone, à sa nièce Zoé, fille de son frère aîné Melchior.
12 - 3 - Balthazar Pierre (1762)
Il assiste à l’ouverture du testament de son père le 10 août 1792. Il n’apparaît dans aucun texte après cette date.
12 - 4 - Louis Melchior Timo Léon (1763- après 1802), vicaire bénéficié de l'église Saint-Jean de Perpignan en 1790 et 1791 (ADPO L1150). A quitté la France en exécution de la loi du 28/08/1792 par arrêté du district de Prades sollicité par 3 citoyens de cette ville.
Il fut forcé de sortir du territoire le 16/09/1792, alors qu'il n'exerçait aucune fonction publique car il n'a jamais joui de rente ou traitement de la République. Donc il n'a pas juré fidélité à la constitution mais il n'exerçait pas d'activité religieuse. (ADPO 1Qp518)
Le 24 pluviôse an 5 (12 février 1797), il réside en Espagne à La Bisbal.
Il hérite du château de Mosset qui, avec ses dépendances, fut vendu comme bien national après nationalisation en 22 lots pour 60.000 livres papier, à Joseph Terrats et quelques autres de Mosset le 21 thermidor An III (8 août 1795).
Il regagne la France en 1800.Le est rayé de la liste des émigrés par arrêté du 15 pluviôse an 10 (4 février 1802).
Le 22 messidor an 10 (11 juillet 1802), il est reconnu créancier de la République pour 70666 francs et il reçoit la maison de Codalet plus une somme de 32580 francs.13- D’Aguilar était-il aimé ?
Il n’y a pas de réponse facile à cette question. Une appréciation relativement objective nécessiterait une analyse précise de tous ses actes.
Parmi ses contemporains, Bonaventure Arago, Président du Directoire des Pyrénées Orientales en 1793, le père de François le scientifique et l’homme politique, justifie sa décision concernant la demande de Jacques Pompidor par ces termes «considérant que d'Aguilar émigré était trop près de ses affaires et trop bien rangé pour souffrir qu'un de ses salariés ne perçoive ses gages tous les ans, considérant que la demande du pétitionnaire est absurde et ridicule…» (ADPO 1Qp517)
Etant entendu qu’ici Arago fait l’amalgame entre les d’Aguilar, père et fils, le père est décédé et n’a pas émigré, le fils ou plutôt les fils ont émigré mais n’ont probablement pas exercé de fonctions gestion des affaires.
Quelques auteurs se sont prononcés sur ce sujet mais sans y apporter des preuves convaincantes.
Qu’écrivent-ils
13-1 - Jacques Joseph Ruffiandis. (page 76)
« Malgré tout cela, nous n’avons pas trouvé dans les archives de Mosset, de souffle de haine contre d’Aguilar …Fort de ses droits féodaux, il fut souvent maladroit.»
13-2 - Alicia Marcet i Juncosa.
Dans « Abrégé d’histoire des terres catalanes du nord » (1994, Llibres del Trabucaire) elle déclare, à propos, des signes précurseurs de la Révolution : « En 1786-87, le ministre Calonne réunit les Assemblées Provinciales, afin de demander aux représentants des différentes parties du Royaume des avis et surtout une aide financière. Les Assemblées sont composées pour moitié de membres de la noblesse et du haut clergé (ce qui revient à dire de la même classe) et pour moitié de bourgeois. En Roussillon l'Assemblée est présidée par le marquis d'Aguilar, l'un des hommes les plus impopulaires du pays. Le marquis d'Aguilar paie des impôts pour un revenu déclaré de 3 583 livres, alors qu'il reconnaît lui-même qu'il en perçoit 24 000. Le marquis d'Oms est imposé pour un revenu de 10 737 livres qui passe à 28 000 en 1789, alors que les estimations de ses rentrées se situent autour de 60 000.»
Le terme « impopulaire » ne paraît pas adapté. Le peuple à Perpignan, s’il a parfois pris part à des actes violents, et souvent pilotés par la bourgeoisie, s’en prenait plus à un système économique, qui ne répondait pas aux besoins d’existence, qu’aux hommes.
En 1789, d’Aguilar est à la tête de l’Assemblée provinciale. Ses adversaires étaient les bourgeois immatriculés, les professions libérales, les mercaders ou négociants, ceux qui représentent la fortune et le savoir. Ils ont ensuite, les uns grâce à leurs études, les autres par suite de leurs relations commersubi l'influence des idées mises en vogue par Rousseau. Nous les avons vus en grande partie dans les deux Loges de l'Égalité et de la Sociabilité.
La revendication essentielle est l’égalité devant l’impôt.
13-3 - Abbé Philippe Torreilles.
L’annexe, Marquis d'Aguilar maire de Perpignan en 1790» extrait de "Perpignan pendant la révolution 1789-1800 de l'abbé Torreilles" cite fréquemment le Marquis d’Aguilar, comme un des «inter pares» de la Noblesse.
13-4 - Abbé Giralt.
«Pierre-François Bon, connu sous le nom de marquis d'Aguilar, et qui mourut en 1792, habitait le château de Codalet. Il laissa après lui un doux souvenir de générosité, » écrit l’Abbé Giralt (Annexe 4)
13-5 - Michel Brunet (Les pouvoirs au village de Michel Brunet - page 201)
Dans «pouvoirs au village,» Michel Brunet est celui qui analyse le mieux les relations, et donc les sentiments, des gens de Mosset à l’égard de Pierre d’Aguilar.
De 1777 à 1789, les procès
« A en croire les magistrats municipaux, il n'y aurait pas moins de huit procès opposant seigneur et communauté, en instance, en 1788. Il ne serait sans doute pas inexact de voir dans la maison d 'Aguilar une pépinière de seigneurs avides, arc-boutés sur leurs privilèges rances et maniaques du papier timbré.»
Et ajoute « La vérité comportant souvent plusieurs facettes, il faut pourtant adopter d'autres angles de vue pour compléter et tempérer le tableau. La maison d 'Aguilar tout d'abord a parfois manifesté de louables intentions. Au-delà d’une rhétorique des bons sentiments qui apparaît comme une posture moralisatrice destinée à se donner le beau rôle, les marquis tentent dans certains cas de préserver l'intérêt général.»
A cela s’ajoute, « sous le masque de la seigneurie, les affrontements internes au village qui opposent séculairement les familles et les clans pour des questions d’intérêts ou de pouvoir. »
Il écrit encore : « La communauté, traversée par ses clivages internes, est loin présenter un front antiseigneurial monolithique. En 1767, par exemple, on assiste à une reddition de comptes plutôt houleuse entre échevins entrants et sortants. On demande en particulier à la veuve de Jean Jacques Font qui était chirurgien et receveur communal de 1763 à 1764 de rembourser un reliquat de 154 livres et 17 sols. La veuve proteste en déclarant que cette somme correspond pour l'essentiel à des paiements régulièrement effectués par son mari."
Parmi ces dépenses on relève les frais liés à l'enterrement du seigneur (Jean d’Aguilar décédé le 29 juin 1763 à Codalet et inhumé à Corbiac). « On ne pouvait refuser à la mémoire de Monsieur le marquis d'Aguilar, seigneur très respectable, de lui faire tous les derniers honneurs qui dépendaient de la Communauté. L'objet n'est pas fort considérable. La somme n'est que de 8 livres pour la nourriture des hommes qui sonnèrent les cloches pendant deux fois vingt quatre heures comme il est d'usage dans la ville de Mosset qu'on sonne les cloches depuis le moment qu'on est instruit de la mort et vingt quatre heures après la sépulture; il faut à cette occasion plusieurs hommes qui se relèvent et qui doivent être assez bien nourris pour avoir de la force.. Cet hommage appuyé au défunt seigneur et ce respect scrupuleux des honneurs funèbres n'étaient sans doute pas innocents, compte tenu de l'ambiance du moment.» Les consuls (Joseph Arrous (1688-1765), Jacques Font (1716-1796) et Jacques Lavila (1721-1784) voulaient peut-être montrer keur attachement à l'autorité.
Les marquis n'étaient pas totalement isolés et l'on entrevoie ici ou là l'ombre d'un parti seigneurial. La maison d'Aguilar avait ses employés et ses alliés : outre le batlle, officier seigneurial, le marquis déclare «détenir» deux « hommes d'affaires » en 1742 ; ils sont chargés de faire (page 208).
Annexe 1 - Le président, l'araignée et la chèvre
Annexe 2 - Contrat de mariage entre Pierre de Bon et Jeanne d’Aguilar en 1755.
Annexe 3 - Œuvres pieuses
Annexe 4 - Thérèse Pompidor et les perdreaux
Annexe 5 – Le Marquis d’Aguilar maire de Perpignan.
Annexe 6 - Bail à ferme avec Escanyé en 1779 et Maurice Matheu en 1788
Annexe 7 - Biographies - Isidore Pompidor - Julien Corcinos - Maurice Matheu.
Annexe 8 - Testament du marquis Pierre d’Aguilar en 1792.
Annexe 9 - Extrait des registres de la juridiction de la baronnie de Mosset (ADPO 3J/334)