Période de 1853 à 1861 - Le clergé - Histoire de Mosset

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Période de 1853 à 1861 - Le clergé

XIXe siècle > 1853 à 1861

Les relations avec le Clergé


Mosset : Un enfer pour les curés !
Au cours de la période de 1852 à 1861, Mosset a connu 2 curés desservants : Denis Fuix puis François Iglesis. Tous les deux ont eu à se plaindre du comportement de certains habitants à leur égard. Ces mauvaises relations ont conduit à leur demande de changement. Déjà Rigobert Roca, prédécesseur de Denis Fuix, dont "l'ennui s'empara de l'âme du jeune curé isolé sur cette montagne," n’avait résisté que 5 mois. IL écrira avant de déserter la paroisse : "J'ai aussi été le but des traits de la calomnie et je ne me suis pas justifié. Mais ce qui m'a été le plus sensible, c'est que ces coups m'avaient été donnés, soit par des personnes à qui j'ai fait du bien, soit même par des mains qui, au lieu de m'abattre, auraient dû me soutenir. " Et on peut lire dans la lettre de son frère, l'abbé François Roca, curé de Prades, à l'évêque : " Mon frère, malgré toute la violence qu'il peut faire, ne peut plus tenir au poste qui lui a été désigné. J'ai, moi-même, été frappé de stupeur lorsque j'ai été l'accompagner à Mosset. Je pouvais à peine retenir mes larmes en voyant dans quel affreux pays était relégué mon frère, qui depuis l'âge de 14 ou 15 ans avait ses habitudes à Perpignan."
Mosset est donc au XIXe siècle une paroisse féroce pour les prêtres venus d’ailleurs. Le prédécesseur de Rigobert Roca y avait été desservant 27 ans de 1808 à 1835. Il y était né et y mourru à l’âge de 80 ans, c’était Joseph Climens (1761-1845)


Conflit entre les Corcinos et l'abbé François Iglesis, en 1858

Charivari
Lettre de M. Iglesias du 15/05/1858 au sous-préfet

"Dans la nuit du 14 au 15 et du courant mois, quelques hommes se sont  présentés à la porte de la maison curiale pour y chanter une chanson pleine d'insolence. La même insulte a été faite, à la même heure, au trésorier de la fabrique (NDLR : Julien Roquefort (1803-1880) était, en 1856,  secrétaire de la fabrique). Hier au soir encore, en sortant du chapelet, la même chose s'est renouvelée avec une effronterie sans égale, dans la place qui avoisine l'église et le presbytère. Sous un gouvernement aussi juste et aussi  équitable que celui de notre immortel Empereur, un tel scandale ne peut pas rester impuni. Sa grande âme serait indignée si une pareille impudence restait sans châtiment.
Quatre ou cinq coupables sont déjà connus. Le frère  du maire
[Le maire est Maurice Corcinos, le frère concerné est Etienne] est dit-on à la tête de ce désordre. La conduite dont il est accusé aujourd'hui, il la déjà tenue autrefois à l'égard de mon  vénérable prédécesseur. Il est nécessaire que ceci finisse aussi. J'ai la douce confiance qu'une forte leçon leur soit donnée et que vous voudrez bien défendre et protéger la cause de l'ordre.

Par le même courrier, Monseigneur,  est avisé de ce qui se passe à Mosset.
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Iglesias
" (ADPO 2V32)

Procès verbal du commissaire de Police du canton de Prades du 05/06/1858
Le curé a remis une copie de la chanson en langue catalane  et a déclaré "La dite chanson est une insulte pour moi."
Six témoins ont été désignés par le curé :
Joseph Rolland, aubergiste [Gaudérique 21 ans ou Jacques son père de 59 ans], chez qui le chanoine a été  chahuté par plusieurs individus le jeudi 13, jour de l'Ascension, jusqu'à 10 heures du soir.
Joseph Cortie [né en 1825], cordonnier, qui a déclaré avoir fait partie du charivari et a signalé plusieurs individus qui avaient  chanté avec lui. (ADPO 2V32)


Déclaration du curé desservant : " J'ai reconnu François Laplace, cela m'a étonné car c'est un jeune homme qui a des principes très religieux. Au reste ce jeune homme chantait-il  ?
Mais je ne sais pas les paroles de la chanson qu'il chantait. (NDLR : Curieux ? Le commissaire de Police a reçu du curé une copie de cette chanson. Peut-être le curé ne sait pas lire le catalan !)
Un individu disait : " T'en recorderas  Catherine !
[Catherine est le nom de la servante du curé.] Je crois que Pares Sébastien, Casimir Gaché, Etienne Dimon et Joseph Bonnerich se trouvaient là par curiosité. Je n'ai que des éloges à déposer aux  individus que je viens de dénommer. "
" La chanson a été faite sous prétexte que j'aurais attaqué en chaire la moralité de toutes les filles de Mosset, ce qui n'a jamais été dans mes intentions. J'ai seulement dit que j'exhortais  les père et mère d'envoyer les enfants à l'école pour éviter la chute. J'ai dit aussi que certaines filles étaient " pourrabajades " et je n'entendais par là que de parler de certaines familiarités que je voulais empêcher. Le  prétexte vient aussi de certaines discussions avec le maire
[Maurice Corcinos], la famille Corcinos et la famille Lavila au sujet de choses de l'église.
Il y a plusieurs offres de réconciliation que Monsieur le  maire n'a pas voulu accepter.
" (ADPO 3U2857 - Tribunal de première instance de Prades - Instruction des affaires)


Déclarations de témoins :
Baptiste Sale (1810), 48 ans, maréchal ferrant :

" Dans la nuit du 13 au 14 mai, j'allais chercher  une cruche d'eau et, en passant, je vis un groupe d'individus qui chantaient non devant le presbytère mais sur la place publique " de dal ". Dans ce groupe j'ai vu François Lavila qui tenait une chandelle, Louis Lavila qui tenait un  papier.

Émile de Massia (1829), 28 ans, propriétaire à Molitg.
Etienne Corcinos n'a pas chanté, ni Louis Lavila. "

Interrogatoire des prévenus :
Corcinos Etienne
, 50 ans, fils de Baptiste  et de Françoise Matheu : " J'atteste que je n'ai pas chanté. "
Corcinos Baptiste, 22 ans, propriétaire, fils de Maurice (Le maire) et de Catherine Fabre :
" J'ai chanté… A présent je la comprends,  je me repens. Du reste si je l'ai chantée c'est parce que Monsieur le curé en chaire avait déprécié toute ma famille. "
Lavila François, 38 ans, propriétaire, fils de Barthélemy et de Marguerite Climens  : " … J'aurais à me plaindre de Monsieur le curé parce que l'an passé, le 24 juin, il dit à mon frère : " homme sans honneur et sans réputation. "
Louis Lavila (1826), 31 ans, meunier marié à Marie  Ruffiandis, 2 enfants, fils de Barthélemy et de Marguerite Climens : " Le 14 mai il y avait environ 200 personnes. "
Laplace François (1829-1879), 24 ans, propriétaire, fils de Joseph et de Marie Galaud : " J'ai chanté l'air mais non pas les paroles que je ne sais pas. Monsieur le desservant me dit que j'étais fort compromis et de dire qui m'avait engagé à chanter, promettant qu'on me mettrait en liberté. Je lui ai dit que personne ne m'avait  engagé. "
Manaud Isidore (1837-1887), 21 ans, propriétaire, célibataire fils de Jacques et de Mas Rose :
Cortie Joseph (1825), 32 ans, cordonnier fils de Jacques et de Marie Commenge : " Je ne sais pas les paroles de la chansonnette, l'air très peu. Je n'ai fait que murmurer et Not, qui m'accuse, en a fait autant et presque toutes les personnes en ont fait autant. "
Berdier Martin (1836), 22 ans, célibataire,  chevrier fils de Baptiste et de Marguerite Radondy : " Si j'ai entendu chanter dans l'auberge après que Rolland l'ait apportée su la table. J'étais avec Dimon. Je n'ai pas chanté ni fait attention à ceux qui  ont chanté."
Biscaye François (1827-1900), 31 ans, meunier, marié à Marie Grau il y a 8 ans, 2 enfants, veuf.
Bonnarich Joseph (1834), 24 ans, fermier, célibataire fils de Sébastien et de Marie Fabre  : " J'ai vu Louis Lavila lire la chanson. "
Sarda Hyacinthe (1835), 23 ans, célibataire fils de Joseph et de Marie Estoube : " Lorsque je sortis de l'auberge le 13 mai j'entendis qu'on chantait la chanson et quand  je pouvais en pêcher quelques mots je chantais aussi. "
Pares Sébastien (1836), 22 ans, cultivateur, célibataire fils de Gaudérique et de Rose Cantie : " J'étais présent à l'auberge dans l'appartement  d'où l'on trouva la chanson. J'entendis la lecture qu'en fit Assens. J'allais vers les lieux où l'on chantait la chanson par curiosité avec Joseph Bonnarich mais ni lui ni moi nous n'avons chanté. Louis Lavila lisait la  chanson, Baptiste Corcinos était à côté de lui et chantait. Manaud et Cortie chantaient aussi.»
Hullo Emmanuel (1838), 18 ans, berger fils d’André et de Marie Anne Pascal.
Dalbies Jacques (1840), 18 ans, voiturier fils de Barthélemy et de Catherine Chambeu.
Cantie Bonaventure (1837), 20 ans, cultivateur fils de Joseph et de Rose Chambeu.
Pacouil Joseph (1833-1902),  24 ans, tisserand fils de François et de Marguerite Chambeu : " Je n'ai fait que traverser la place avec Joseph Pares de Prades. "
Gaché Casimir (1840), 18 ans, cordonnier fils de Bonaventure et de Marie Antoinette Payre.
Ville Joseph (1832-1929), 22 ans, cultivateur fils de François Léon et de Thérèse Mestres : " J'étais dans l'appartement Rolland où l'on apporta la chanson, quelqu'un cherchait  à la déchiffrer. "
Dimon Etienne (1830-1908), 27 ans, cultivateur fils de André et de Marie Anne Pascal.
Monceu Emmanuel, 22 ans, habite Prades fils de Gaudérique et de Marie Riqué.
Mestres Nicolas (1833-1914), 25 ans, propriétaire, célibataire fils d’Isidore et de Marie Anne Botet.
Escanyé Sébastien (1836), 22 ans, tailleur, célibataire fils de Jacques et de Marie Porteil.

Extrait du jugement

Par jugement du 10/06/1858 par le tribunal de première instance de l'arrondissement de Prades, en séance correctionnelle  sur les poursuites de Monsieur le Procureur Impérial d'une part et d'autre part : … suivent 23 noms…
Ont été déclarés coupables d'outrages envers M. le desservant de la commune de Mosset en raison de ses fonctions ou  de ses qualités et condamnés chacun par corps à 25 francs d'amende :
1 - Corcinos Baptiste (1836) 22 ans, fils du maire Corcinos Maurice (1804-1863),

Lavila Louis, (1826) meunier. (ADPO 2V32)

2 - 11 francs d'amende à ceux qui sont reconnus coupables de bruits, de tapage injurieux et nocturne de nature à troubler la tranquillité :
Louis Lavila, (1826 ), 22 ans, meunier. qui avait éstimé que :  " Le 14 mai il y avait environ 200 personnes. "
François Lavila (1824-1885), 24 ans, propriétaire,
frère du précédent, qui se justifie : " … J'aurais à me plaindre de Monsieur le curé parce que l'an passé, le 24 juin, il dit à mon frère : " homme sans honneur et sans réputation. "
François Laplace (1829-1879), 27 ans, propriétaire : " J'ai chanté l'air mais non pas les paroles que je ne sais pas. Monsieur le desservant me dit que j'étais fort compromis et de dire qui m'avait engagé à chanter, promettant qu'on me mettrait en liberté. Je lui ai dit que personne ne m'avait engagé. "
Isidore Manaut (1837-1887), 19 ans, propriétaire,
Joseph Cortie (1825), 21 ans, cordonnier : " Je ne sais pas les paroles de la chansonnette, l'air très peu. Je n'ai fait que murmurer et Not, qui m'accuse, en a fait autant et presque toutes les personnes en ont fait autant. "
François  Biscaye(1827-1900), 31 ans, meunier.
Joseph Isidore Bonnarich (1834), 22 ans, fermier :  " J'ai vu Louis Lavila lire la chanson."
Hyacinthe Sarda (1835-1893) : " Lorsque je sortis de l'auberge le 13 mai j'entendis qu'on chantait la chanson et quand je pouvais en pêcher quelques mots je chantais aussi. "

3 – 5 francs d'amende pour les mêmes motifs que précédemment :
Emmanuel Hullo
(1838-1914), 20 ans, berger
Jacques Dalbies
(1840), 18 ans, muletier
Joseph Pacouil (1833-1902), 23 ans, tisserand : " Je n'ai fait que traverser la place avec Joseph Parès de Prades
Sébastien Escanyé (1836-1883), 22 ans, tailleur d'habits,


4 - N'ont pas été condamnés :
Etienne Corcinos (1806-1862), 50 ans, secrétaire de la mairie, frère du maire : qui est catégorique : " J'atteste que je n'ai pas chanté. "
Il est le plus âgé. Tous les autres ont moins de 30 ans.
Martin Berdier (1836), 22 ans, chevrier : " Si j'ai entendu chanter dans l'auberge après que Rolland l'ait apportée sur la table. J'étais avec Dimon. Je n'ai pas chanté ni fait attention à ceux qui ont chanté. "

Sébastien Parès (1836), 20 ans, cultivateur : " J'étais présent à l'auberge dans l'appartement où l'on trouva la chanson. J'entendis la lecture qu'en fit Assens. J'allais vers les lieux où l'on chantait la chanson par curiosité avec Joseph Bonnarich mais ni lui ni moi nous n'avons chanté.
Louis Lavila lisait la chanson, Baptiste Corcinos était à côté de lui et chantait. Manaud et Cortie chantaient aussi.»
Bonaventure Cantié (1837), cultivateur.
Sébastien Graner (1822-1878),

Chanson en version française


Nous chanterons les merveilles
De ce mauvais corbeau
Qui nous casse les oreilles !
De mauvaises paroles des Sarda.  
Sarda crie la sentence  
Homme de bien ne peut être.
Sarda cochon par ta présence
Nous découvre ta foi.

Tu n'entends faire que des religieuses
Et les hommes te font peur.
Mais attache toi bien les souliers
Car tu es dans un pays nouveau
Où on ne mange pas de la paille.
Nous connaissons ton intention
Et nous voyons que tu es une canaille
Qui vend la religion.

Malgré ça n'aie pas tant de fiertés.
Ignorant et orgueilleux
Tous ceux que tu ravales
Se mouchent à tes sermons.
Apôtre de basse classe
Plus sot qu'il ne paraît
Prêchant à ta place
En paroles de portefaix.


Les demoiselles chevronnées
Qui montent ton sérail
Vers toi marchent fougueuses
Comme les poules vers le coq.
Priasse te donne la courage
Pour pouvoir les contenter.
Tu resteras sans capture
Quand tu serais bouc et bélier.

De ta bouche infernale injuriante
N’est une poline morale   
Qui ne convertit personne.
Courage, tes boutades
Viennent toutes de la cour.
De ces abandonnées
Qui occasionnent ton malheur.

Grand Dieu ! Quelle doctrine !
Nous voyons corrompre le monde
Et martyr de Palestine
Rebelle par de tout son fruit  
Fuyons d'un coup misérable  
Qui tout en nous parlant de Dieu  
Tout entier se donne au diable.
Fuyons tous, si vous me croyez !

Chanson en version catalane


Cantarem las maraveilles
D'aqueil Brout d'escourbas
Que nous trinque las oreilles !
Tout babous des Sarda
Sarda crida la sentacia
Homme de ber no pot ser
Sarda porc per la teu presencia
Nous dessales la teu feix.

Tou nou bas far qua bayates
Y lous hommes te fan pou
Mas corde te las sebates
Es dins oun pays tout nou
Assi nou se menge pailles
Ta couneichim l'intentiou
Sebeu ques oun canailles
Que te benes la religiou.

Las donzeilles chavrounades
Que mounten lo teu serail
A tou courren affougades
Comme las guellinnes al gail
Priasse te doungui force
Per aicho contentar
Ne resteras sensa amorce
Quand series bouc y marra.

Per aicho no tinguis tant dales
Ignorant y orgouillous
Tout aquellous que tou revales
Se mouquen als teus sermous
Apostoul des baiche classa
Mes sot que no pareix
Predicant à la place
En llengue das portefeix.

De la teu bouque infernale
injouriante
Nes oune pauline morale
Que nou converteix dingous
Couratgetes boutades
Toutes benen de las court
D'aquaixas abandonnades
Que feran lo teu malhour

Grand deu quine doctrine
Beyem corroumpre lo moun
Y marthyr de palestine
Rebelle gras de tout soun frouit
Fougim d'oune cop miserable
Que tout nous parlant de deu
Tout enter se donna al diable
Fougim touts si me creyou.

Casimir Gaché (1840-1924), cordonnier.
Joseph Ville (1832-1929), cultivateur : " J'étais dans l'appartement Rolland où l'on apporta la chanson, quelqu'un cherchait à la déchiffrer."
Etienne Dimon (1830-1908), cultivateur..
Emmanuel Monceu  (1836-1912)
,
apprenti maçon à Prades.
Nicolas Mestres (1833-1914), propriétaire..

Et tous sont condamnés solidairement aux dépens. Signé Joseph Felip, Procureur Impérial (3).

Lettre du 14/06/1858 du commissaire au sous-préfet
après le jugement :
" Je pense que vous ne pouvez et que vous ne devez avoir  l'entière confiance de Monsieur Corcinos pour administrer la commune. Ce n'est pas lui qui est maire, tout le monde vous le dira, mais bien son frère, Etienne Corcinos, qui fait beaucoup de mal à la commune. " (ADPO 2V32)

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Références
1 - ADPO 5V6
2 - ADPO 3U2857 - Tribunal de première instance de Prades - Instruction des affaires
3 - ADPO 2V32



 
Mis à jour le 13/02/2018
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