XVIIIe siècle - Requête au Roi de 1774 - Histoire de Mosset

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XVIIIe siècle - Requête au Roi de 1774

XVIIIe siècle > Ancien régime
Au Roi


Les suppliants se pourvurent en justice pour faire cesser l'abus que faisait le Seigneur de son autorité ; mais ce dernier eut raison devant les Juges subalternes. Les Suppliants étaient appelants de la Sentence devant le Conseil de Perpignan lorsque l'Edit de 1768 parut. Comme il a changé les formes stipulées par celui de 1766, les Suppliants s'assemblèrent devant le Juge royal pour la nomination de leurs Officiers. Le Seigneur, dont on s'était passé, parce qu'il n'a aucun titre pour gêner les Suppliants, et que la possession, suivant la loi de la matière, s'évanouit sans titre, le pourvut néanmoins en Justice, où il demanda la nullité des assemblées et de tout ce qui en était résulté, sous prétexte d'une violation à leur prétendu droit.
Le 13 Décembre.1768, il surprit un Arrêt sur Requête au Conseil de Perpignan, qui lui adjugea ses conclusions, à la charge cependant par lui de se conformer à l'article 67 de l'Édit de 1768 ; Cet article porte que les Seigneurs des lieux qui sont dans l'usage de nommer les Consuls , justifieront de leurs titres dans l'année par-devant les Tribunaux de chaque ressort.
L'article 64 du même Edit de 1768, enjoint de présenter la liste de ceux sur les rangs, aux Commandants des Provinces, aux sieurs Intendants et aux Tribunaux, pour être approuvés, sauf à en rayer ceux qu'ils croiront les moins dignes ; il ne parle point des Seigneurs de paroisses ; ainsi celui de Mosset ne pouvait plus connaître des affaires de la municipalité ; cependant il insista pour continuer l'exercice des droits qu'il s'était créé à cet égard, et il eut le crédit de faire rendre un nouvel Arrêt, du 26 Janvier 1769, par lequel le Conseil de Perpignan ordonna l'exécution de celui du 13 Décembre précédent, à la vérité on n'a accordé au Seigneur qu'une jouissance provisoire, à condition que dans l'année il rapporterait ses titres, et l'Arrêt ordonne l'exécution de l'Edit de 1768.
Cet Edit exclut des charges municipales et Conseils de ville les Fermiers des Communautés et tous ses débiteurs. Les Échevins de Mosset plaidaient avec les Suppliants, et ils étaient leurs débiteurs ; néanmoins le Seigneur les fit maintenir dans leur place d'Échevins: ils devinrent par-là les créatures du Seigneur, et ils lui ont tout accordé au préjudice de la Communauté.
Les Suppliants furent donc obligés de recourir de nouveau au Conseil de Perpignan ; ils remontrèrent que leurs Échevins n'exécutaient pas l'Édit de 1768 ; et que pour mettre la Communauté dans l'impossibilité de pouvoir fournir aux frais de ses demandes, ils avaient, à l'aide du Seigneur, et contre le vœu général des habitants, supprimé une subvention .qui se percevait fur chacun d'eux, de l'agrément de tous les sieurs Intendants de Perpignan. En un mot ils se plaignaient de ce que le Bailli du Seigneur gênait les suffrages dans les assemblées, contrevenait en tout point à l'Édit de 1768
Le Conseil de Perpignan fut entraîné par l'évidence des faits et la contravention du Seigneur ; et comme ils ne pouvaient absolument lui donner gain de cause, il rendit un troisième Arrêt le 31 Mai 1769, par lequel ce Tribunal a renvoyé les Parties au Conseil de Sa Majesté. Mais cet Arrêt a accordé, sous le bon plaisir du Roi, le provisoire des demandes au Seigneur, et il conserve au Conseil Souverain tous les différends de ce provisoire ; tellement que les Bailli et autres Officiers du Seigneur continuent de gêner et
gouverner les assemblées de la Communauté de Mosset et, sans autre titre que la faveur qui lui est accordée sans la représentation d'aucun titres et contre la lettre, et le vœu de l'Édit de 1768.
Tels sont les huit procès qui obligent les Suppliants de recourir a l'autorité de Sa Majesté. On a vu que chacun de ces procès a pour fondement, une vexation qui tend à dépouiller et dominer des vassaux par les droits du plus fort. Ces droits contraires à l'humanité et à la justice, ont beaucoup plus d'accès dans une province éloignée que dans celles qui approchent la majesté du trône  un Seigneur riche et puissant à la Cour ne connaît d'autres principes que ceux de la générosité et de la paix; il est le père de ses vassaux ; fors cœur, modelé fur celui de fort Souverain, ne respire que bonté, et ses sujets ne vivent que pour bénir ses jours et désirer sa prospérité. Au contraire, un Seigneur placé, pour .ainsi dire, dans un nouveau monde, deux cent lieues : de la Capitale, ne connaît que sa puissance; elle consiste principalement à la réussite de toutes ses volontés, à dominer aveuglément les Sujets, non comme ses vassaux, mais comme ses esclaves ; aussi ces derniers ont la douleur de ne pouvoir que plaindre les vicissitudes qu'ils éprouvent de la part de leur Seigneur ; elles sont poussées à un degré si affligeant pour les Suppliants, qu'ils ne peuvent se dispenser de réclamer la justice de leur Souverain, afin qu'il daigne mettre des bornes au crédit de leur Seigneur.

PREMIER PROCÉS

L'intérêt est la source ordinaire des divisions parmi les hommes, les Habitants de Mosset en ont fait la funeste expérience. Le feu Marquis d'Aguilar  fit publier des criées , le 17 juillet 1718, dans la ville de Mosset ; leurs dispositions avaient  pour objet, non seulement la police du terroir, mais encore la conservation du domaine de la Seigneurie, et l'établissement de plusieurs droits qui lui étaient utiles, et onéreux à ses Vassaux
La Communauté, suppliante, ne pouvait se soumettre à ces criées sans consentir à la subversion totale de ses privilèges ; aussi, après avoir fait les démarches les plus respectueuses pour engager le feu Marquis d'Aguilar à terminer par la voie de la conciliation les contestations auxquelles ces criées donnaient lieu, elle forma opposition par devant le Juge au Siège de la Viguerie du Conflent, à l'exécution des articles 3,4, 5, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 20, 22, 23, 27, 29, 34, 35, 45 et 51 de ces criées. Par sa Requête du 14 Janvier 1738, elle conclut à la suppression ou modération de ces articles, et à la maintenue définitive dans ses droits, possessions, privilèges et libertés.
Les dispositions de l'article 3, 4 et 5 étaient relatives la dîme de toute espèce de fruits ; les déclarations que les Parties ont donné respectivement pendant l'instruction du procès, les a mises d'accord sur ces articles, de façon qu'ils ne fournissent matière â contestation.
L'article 8 imposait l'obligation aux ex-Consuls de Mosset de rendre les comptes de leur administration au Seigneur, ou à la personne qui serait par lui commise. Les moyens d'opposition de la Communauté suppliante, convainquirent le feu Marquis d'Aguilar de l'injustice de cet article.
Les articles9, 10, 12,14 et 16 concernent la chasse et la pèche, et l'établissement des devoirs pour la chasse. Le Marquis d'Aguilar crut qu'il n'y avait que la Chambre du Domaine du Roi de la Province de Conflent, qui pût connaître de l'opposition en question ; en conséquence il en demanda le renvoi par-devant cette Chambre, et l'obtint par Arrêt du Conseil souverain de Roussillon, du 10 Avril 1739.
Le Marquis d'Aguilar se proposait d'être tellement absolu dans sa terre, que, par l'article 13, il imposait à ses Vassaux la nécessité de passer tous leurs actes d'acquisition par-devant le Notaire Greffier de sa Juridiction ; les moyens que la Communauté suppliante fit valoir ne lui permirent pas de dissimuler que le droit était insoutenable et  portait l'empreinte de la vexation, aussi s'en est-il désisté.
Il s'est également désisté de l'article 30, dont la disposition avait pour objet de rendre banale la boucherie qu'il tient dans la ville de Mosset.
Les Parties sont d'accord sur la disposition des articles 29 et 45, de façon que la contestation se trouve réduite aux articles 20, 22,23, 27, 34, 3 5 et 51.
Les articles 10,23 et 3 4 sont relatifs aux banalités et se régissent par les mêmes principes ; la Communauté suppliante, en parlera dans la suite : l'article 22 fait défenses aux habitants de Mosset de danser publiquement en la place de Ville, ou en particulier, de donner des sérénades et tirer des coups de fusil dans les rues sans l'expresse permission du Seigneur ; la Communauté  convaincue que les règles d'une saine police  exigeait que le Seigneur fut instruit des divertissements publics, afin qu'il fût à même d'y faire régner le bon ordre, convint de la justice de l'article pour ce qui concerne les danses publiques ; mais elle soutint que c'était vouloir pousser trop loin la domination du Seigneur, que d'assujettir ceux qui veulent danser chez eux, ou donner dans les rues des sérénades, à en demander la permission ; que cette sujétion était inconnue, non seulement dans les bourgs, mais encore dans les villes Royales de la province, et notamment à Perpignan ou il y a de bons règlements de police bien observés ; la Communauté a même par exubérance de droit fait dénoncer aux. Officiers du Seigneur ces divertissements particuliers, sans être cependant tenue d'attendre leurs permissions, et ce fut avec les modifications qu'elle forma son opposition à cet article, dont elle a été déboutée par la Sentence du Juge de la Viguerie du Conflent, du 29 mars 1735 ; ruais les motifs de la Communauté sont trot justes pour qu'elle ne doive pas s'attendre à voir réformer cette Semence, quant à ce chef.
L'art. 27 et l'art. 3 5 se règlent aussi par les mêmes principes ; l'art. 27 fait défense aux Habitants de faucher du foin dans les montagnes et terroir de Mosset, si ce n'est dans les fonds qui leur appartiennent.
L'arc. 3 5 contient des défenses de défricher et ferrer, soit dans les forêts, soit dans les vacants du terroir, sans la permission du Seigneur, à peine de 25 liv.
La Communauté forma opposition à l'exécution entière de l'art. 2.7, et à l'égard de l'art. 3 5, elle la borna aux défenses de défricher et semer dans les vacants.
La province du Roussillon a des lois inconnues au reste du Royaume, relativement aux droits respectifs du Seigneur et des Habitants sur les choses dépendantes de la Seigneurie. Ces droits sont consignés dans l'usage Strate, rapporté dans les Constitutions de Catalogne, livre 4, titre 5 , dont voici une traduction littérale " les sentiers, les chemins publics, eaux courantes, sources d'eaux vives, parages, bois, landes et pierres qui sont dans cette Principauté de Catalogne, appartiennent aux Seigneurs, non en aleu ou en domaine, mais uniquement pour l'usage de leurs vassaux, exempts de toute condition ou charge onéreuse. "
Si l'on réfléchit bien sur les expressions énergiques de ce Privilège, on se convaincra sans peine que les vassaux ont autant de droit que leur Seigneur dans la conformation des choses dépendantes de la Seigneurie, et dont l'usage cité fait l'énumération ; qu'ils ont une liberté entière d'en user dans toute l'étendue qui peut leur convenir ; que les Seigneurs n'ont sur ces choies qu'un droit de garde, de prééminence, ou de défenses en faveur de leur vassaux ; qu'ils ne peuvent pas gêner ou empêcher cet usage directement ni indirectement, en tout ni en partie, le rendre onéreux, ni l'assujettir à aucune condition ou servitude.
Ces deux articles (le 27 et le 35) contiennent des dispositions destructives des principes que cette loi renferme. Par l'art. 7 le Seigneur se constitue seul maître des herbages que son terroir produit naturellement, tandis que la Loi citée attribue à ses vassaux un droit égal au sien ; ces vassaux ne peuvent être remplis de leur usage à cet égard, qu'en faisant manger les herbes par leurs bestiaux, et en emportant chez eux pour les nourrir pendant le temps qu'ils doivent les tenir dans leurs granges.
Ils observent que le terroir de Mosset est extrêmement froid, qu'il est couvert de neige une partie considérable de l'année, et qu'il abonde en pâturage : si les habitants ne pouvaient pas emporter du foin chez eux pour nourrir leurs bestiaux pendant l'hiver, il ne leur ferait pas possible de les entretenir.
Ils en ont usé de la sorte pendant un temps immémorial, la preuve en est au procès ; ainsi le feu sieur Marquis d'Aguilar, et aujourd'hui le sieur Lebon , son représentant, à cause de la Dame son épouse, est à tous égards mal fondé â soutenir la disparition de cet article.
Pour ce qui concerne l'article 35, l'opposition de la Communauté n'a pour objet que de faire supprimer la disposition de l'article, qui contient des défenses de défricher et semer les vacants.
La Loi citée attribue aux Habitants des lieux un droit d'usage illimité fur les vacants ; les membres de la Communauté peuvent donc les défricher et  les semer, sans avoir besoin de la permission du Seigneur : ils ont ajouté aux principes qui dérivent de cette loi en leur faveur, la preuve de leur possession immémoriale, dans laquelle ils se font toujours maintenus de défricher et semer ces varans sans en demander aucune permission ; aussi, ces principes et ces preuves ont déterminé le Juge à accueillir l'opposition de la Communauté, sur ces articles.
La disposition de l'article 51assujettir les Habitants à demander au Bailli  le nombre des bestiaux qu'ils enverront faire fourrager en hiver hors le terroir de Mosset, lesquelles dénonciations seront écrites dans un registre tenu à cet effet par le Bailli.
La Communauté a soutenu que cette prétention était nouvelle et insolite, que ses membres n'y avoient jamais été assujettis, et elle a fait à cet égard la preuve la plus complète. Cependant pour éviter une contestation à cet égard, elle avait offert, dés l'introduction de l'instance, de faire des déclarations verbales du nombre des bestiaux que les Habitants enverraient pâturer en hiver, et c'est avec cette modification que le Juge de la Viguerie a supprimé cet article.
Le Marquis d'Aguilar est décédé, il n'a laissé que des nièces à sa succession. Le lieur Lebon, frère du sieur Intendant, et Premier Président du Conseil Souverain de Perpignan, a épousé l'aînée, qui lui a apporté en dot la Seigneurie de Mosset à condition qu'il prenne le nom et les armes des sieurs Mariés, Marquis d'Aguilar.
Tel est le, puissant adversaire- que les Suppliants ont à combattre. Il a repris les errements du feu Marquis d'Aguilar, et a interjeté appel de la Sentence du Juge de la Viguerie de Conflent, relativement aux trois articles 27 ; 35 et 5 I des criées ; mais on espère que son appel n'aura aucun succès.
Les articles 20, 23, et 34 ont, comme on l'a déjà dit, différentes banalités pour objet ; à savoir, le 20e celle du four, le 23e celle du cabaret, et le 34e celle des moulins ; ces banalités prétendues par le Seigneur s'étendent encore à la boulangerie, et à la gabelle leur discussion est facile, elle est écrite dans les principes admis dans le ressort du Roussillon à l'égard des banalités.
Les banalités sont prohibées dans ce ressort, in Cathalonia districtus sunt prohibiti, disent tous les Auteurs ; on ne peut, suivant eux, l'acquérir qu'au moyen d'un titre ; on n'en connaît que de deux: espèces de valables : la première est un privilège ou concession spéciale ; la féconde une convention expresse entre le Seigneur et les Habitants : telle est la pureté des principes.
Il y a cependant certains Auteurs qui ont estimé qu'on pouvait acquérir la banalité par prescription, mais ils. Ont exigé le concours de certaines circonstances : la première, que celui qui la prétend, en soit en possession depuis un temps immémorial ; et la seconde, qu'il ait donné un caractère à sa possession par des criées portant injonction d'aller à leur four ou moulin, et (les défenses de faire le contraire.
Trois conditions essentielles doivent accompagner ces criées : la première qu'elles soient faites en vertu d'un Jugement ; la seconde, par une proclamation publique, à cause qu'elles doivent donner aux Parties intéressées une connaissance parfaite des droits auxquels on veut les assujettir ; la troisième, qu'elles aient été suivies de l'acquiescement général et uniforme de tous les Habitants : enfin comme c'est cette dernière condition qui est le principal fondement de l'acquisition de ce droit, il suit que la preuve en est à la charge de celui qui prétend l'avoir acquis.
Les Auteurs qui ont estimé qu'on pouvait acquérir la banalité par prescription, n'ont pas perdu de vue ce que ces droits ont d'odieux ; c'est pourquoi à la place d'un titre réel que la pureté des principes exige, ils ont substitué un titre que la possession, aidée de certaines circonstances, fait présumer ; ils ont donc voulu que celui qui prétend avoir acquis ces droits par la prescription, prouve qu'il en a usé par droit de servitude tendant un temps immémorial et qu'il allégué un titre avant d'articuler sa possession . Le défaut d'allégation du titre fait présumer qu'il n'en a jamais eu, et que la possession est vicieuse.
Quant à ce qui concerne la possession immémoriale, ses effets extraordinaires, et les conditions requises pour en remplir la preuve, on le réfère aux Auteurs qui ont traité cette matière ; on se contentera d'observer que tous conviennent que le défaut de la moindre de ces conditions fait entièrement tomber cette preuve.
Le Seigneur n'a produit aucun titre constitutif de ses prétendues banalités, il a tenté la preuve de la possession immémoriale ; mais en l'articulant il a omis les principales conditions requises ; il n'a allégué aucuns titres gui ayant pu y donner lieu ; son enquête est d'ailleurs composée de témoins ses vassaux, ses débiteurs emphytéotiques, Officiers de fa Juridiction à ses gages et membres de la Communauté, qualités qui les rendent reprochables, et doivent faire rejeter leurs dépositions du procès. La preuve de son enquête est enfin inférieure à celle de la communauté, qui a produit des témoins étrangers, et qui a fortifié ses preuves par la production des titres, qui rappellent des temps ou le Seigneur ne jouissait pas de ses prétendues banalités.
Les articles 20, 23 et 34 de ses criées dévoient donc être supprimés ; cependant le Juge de la Viguerie en a maintenu la disposition ; la Communauté en a appelé ; les Parties ont entièrement instruit leur appel par devant le Conseil Souverain du Roussillon ; mais le défaut de fonds a empêché la Communauté d'en suivre le Jugement. Cet obstacle n'a pas pu arrêter le Seigneur, qui est puissamment riche ; ainsi, il est à présumer que c'est la certitude de l'injustice de sa demande, qui est la cause de son inaction.
La dernière procédure faite dans le procès est du 7 Février 1761, le Seigneur a cherché à profiter de ce temps de calme pour dépouiller la Communauté de quelques-uns de ses autres droits.


SECOND PROCÉS

A l'instigation de l'Adversaire, les Officiers de sa Justice rendirent une Ordonnance en forme de criées, le 27 Février 1767, qui faisait défenses à tous les habitants de Mosset de dé défricher dans les vacants (qu'on supposait appartenir au Seigneur) sans une expresse permission de sa part, à peine de cinquante livres. Ces Officiers dénoncèrent des bans à quelques particuliers qui avaient fait de pareils défrichements ; mais l'appel incident que la Communauté interjeta de ces criées, suspendit la poursuite de ces bans.
La faculté de faire des défrichements dans les vacants, tient fort à cœur les habitants de Mosset, à cause qu'elle procure à ceux d'entre eux qui sont pauvres, et qui sont en très grand nombre, une subsistance honnête, qui est le fruit de leur travail.
Le Seigneur, pour, augmenter sa domination dans le terroir de Mosset a toujours pensé â faire dépendre cette faculté d'une permission ; ainsi, voyant que le premier moyen ne lui avait pas réussi, il s'imagina de faire rendre par les Officiers de sa Justice une  Ordonnance en forme de criées, qui confondit les vacants avec les terres complantées en bois ; c'est ce que les Officiers eurent la complaisance de faire le 7 Août 1771, en défendant les défrichements, soit dans les vacants, soit dans les bois, en ordonnant le banniment des fruits semés dans les défrichements déjà faits ; cette Ordonnance fut suivie de l'exécution la plus sévère.
La Communauté alarmée avec raison de ces nouveautés, donna une requête au Conseil Souverain du Roussillon, le 9 Septembre 1771 ; elle y exposa, que les criées de 1767 et 1771, contenaient un attentat à la sentence du juge de la viguerie du Conflent, qui maintenait les habitants dans la possession de défricher et semer les vacants ; qu'elles étaient également attentatoire à l'autorité du Conseil Souverain, à cause que l'appel de cette sentence était pendant par devant lui ; en conséquence elle demanda acte de l'appel incident qu'elle déclara interjeter de l'Ordonnance en forme de criées, du 7 Août 1771; conclut à ce que cet appel incident et celui interjeté de l'Ordonnance du mois de Février 1767 , fussent joints à l'appel principal de la Sentence du Juge de la Viguerie du Conflent, du 21 .Mars 1753 et jugeant lesdits appels par un seul et même Jugement, ils mis et ce dont est appel , au néant , émendant , ladite Sentence sortît son effet ; quant â l'article 3 5 des criées de t 1 S , â ce qu'il fut sursis à l'exécution des criées de 1767 et 1771 , et accordé pleine et entière main - levée des fruits saisis aux habitants , contre lesquels il avait été procédé par saisie , en conséquence des criées de 1771. Cette requête fut répondue d'un soit signifiée pour y répondre dans vingt-quatre heures, et successivement communiquée au sieur Procureur général du Roi ; elle fut signifié l même jour; le seigneur y réle 11, et conclut à un sursis pendant trois jours, et subsidiairement à ce que la Communauté fût déboutée de ses conclurions ; il ne fit point signifier sa requête ; le Conseil Souvea rendu un Arrêt le 13 du même mois de Septembre 1771, qui adjugea à la Communauté ses conclurions.
Cet Arrêt fut signifié au Seigneur, aux Officiers de Justice et aux séquestres, afin qu'ils eussent respectivement à s'y conformer.
Cependant les séquestres ne restituèrent les objets saisis que le mois de Décembre suivant, après plusieurs diligences de la Communauté, et à la veille d'une contrainte par corps qui allait être décernée contre eux d'autorité du Conseil Souverain.
Les.Officiers de la Justice seigneuriale, par un abus monstrueux de l'ordre judiciaire, et par une complaisance servile, et peut - être sans exemple, pour le seigneur, firent des verbaux de visite des défrichements faits dans le terroir de Mosset dont le résultat était qu'ils avoient été tous faits dans les bois et forêts, ou dépendances.
Les.Consuls et Syndics de la Communauté sommès pour assister à cette visite, refusèrent d'y comparaître sous tes motifs d'incompétence et de suspicion des Juges du Seigneur, motifs qu'ils déduisirent dans un acte qui fut signifié au Procureur fiscal de la Justice seigneuriale.
. Ces Officiers dévoués au seigneur, ne s'en tinrent pas là, ils instruisirent une procédure criminelle contre deux habitants de Mosset, qu'ils condamnèrent au fouet et au bannissement, comme atteints et convaincus d'avoir fait des essartements dans les bois et forêts. Leur Sentence a été confirmée par Arrêt du Conseil Souverain, sur les dépositions de coupables témoins. On en parlera dans la suite
Munis de tous ces avantages, qui étaient le fruit de l'intrigué, le Seigneur forma opposition à l' exécution de l Arrêt provisoire rendu par le Conseil Souverain, le 13 Septembre 1771; il prétendit qu'il avait été rendu par surprise et sur de faux exposés ; qu'il était contraire â l'Ordormance de 1669, concernant les Eaux et Forêts, parce qu'il ordonnait un sursis à un Jugement préparatoire concernant les Eaux et Forêts. (Les criées du 7 Août 1771.)
La Communauté donna une requête dans laquelle elle démontra que les criées du 7 Août 1771, contenaient deux dispositions dont la première concernait les vacants, la seconde les bois et forêts ; qu'elle n'avait demandé sursis qu'à la disposition qui contenait des défenses de défricher dans les vacants ; et qu'à l'égard de celle qui défendait d'en faire dans les bois et forêts, elle n'avait jamais entendu en empêcher l'exécution. Elle soutint au surplus que le Seigneur était non recevable dans son opposition, puisqu'il avoir été partie, et duement appelé dans la cause sur laquelle était intervenu lArrêt du 13 septembre 1771.
les Parties plaidèrent pendant huit audiences, et quoique les fins de non-recevoir qu'opposait la Communauté, fussent évidemment justifiées par la disposition des articles 7 et 3 de l'Ordonnance de 1667, au titre des requêtes civiles : ce. pendant le Conseil Souverain, par son Arrêt du 4 Février 1772, admit cette opposition, et y faisant droit, leva le sursis qu'on crut être accordé à l'exécution de l'Ordonnance en forme de criées , du mois d'Août 1771 ; ordonna que les grains saisis, qui avoient été fermés dans les bois et forêts, landes , bruyèplaces vaines et vagues, et rives des forêts : feraient restitués aux séquestres ; et à l'égard de la disposition de ces criées qui défendaient de défricher dans les varans, ordonna que son Arrêt du 13 Septembre ferait exécuté suivant fa forme et teneur, tous dépens demeurant compensés.
En conséquence de cet Arrêt, le Seigneur somma les Consuls et Syndics de la Communauté, de faire restituer ès mains des séquestres, tous les grains saisis sous le prétexte qu'ils avoient été saisis dans les bois et forêts, et que là preuve en résultait des verbaux de visite faits par le Juge de Mosset, produits au procès.
Les Consuls. et Syndics répondirent que l'Arrêt du 4 février n'avait jugé que la question de droit, c'est-à-dire que les saisies des grains semés dans les bois et forêts, devaient être soutenues, et que celles des grains semés dans les vacants étaient injustes, mais qu'elle avait laissé la question de fait ; à savoir, s'il y avait eu des grains semés dans les bois et forêts; que le Conseil de Perpignan n'avait eu aucun égard aux verbaux de visite dressés par les Officiers de la Justice de Mosset, puisque s'il y avait eu égard, il aurait ordonné la restitution de tous les grains saisis entre les mains des séquestres, à cause qu'il résultait de ces verbaux, que les grains saisis avaient été tous semés dans les bois et forêts, landes et bruyères ; les Consuls et Syndics soutinrent que les grains saisis avaient été serrés dans les vacants ; ils offrirent cependant, au cas où il y en aurait eu dans les forêts, de les restituer, et de faire cette distinction par un ex-pertage ; mais par autre Arrêt du 22. Juin 1772, les Consuls et Syndics ont été condamnés à restituer les grains et fruits compris dans lesdits états, â peine de 1000 livres et aux dépens.

TROISIÈME PROCÉS

C'est un principe constant, que lorsque le Seigneur a un intérêt personnel dans une cause, son Juge n'en peut pas connaître ; il est également certain que lorsqu'une contestation est pendante par devant un tribunal égal ou supérieur, un autre Juge n'en peut pas connaître.
La contestation sur la faculté des habitants de Mosset, de faire des défrichements dans leur terroir, était pendante par devant le Conseil Souverain, par l'appel qui avait été interjeté de la Sentence du Juge de la Viguerie de Conflent, du 24 Mars 1755, le Seigneur avait fait naître une nouvelle contestation en fait ; à savoir, ce qui était dépendant des forêts on vacants ; le motif de cette contestation avait pour objet de dépouiller indirectement les habitants de Mosset de leur possession, l'intérêt du Seigneur y parait trop visiblement pour qu'il suit permis de douter de l'incompétence et suspicion de son Juge.
Cette question de fait était une dépendance de celle principale, qui était pendante par-devant le Conseil Souverain: ce tribunal avoir d'ailleurs défendu l'exécution provisoire des criées du 7 Août 1771, par son Arrêt du 13 Septembre suivant ; tout concourait donc à interdire la connaissance et l'instruction de ces contestations au Juge de Mosset. Cependant ce Juge sans aucun droit, et au mépris des règles ci-dessus établies, jette la consternation parmi les Suppliants, il appesantit sur eux le glaive de la justice seigneuriale, et il les oblige d'abandonner, leur possession par la crainte du châtiment.
Le Procureur fiscal donna un réquisitoire contre Gaudérique et Jean Ruffiandis  père et fils, habitants de Mosset, accusés d'avoir essarté et incendié une partie du terroir qui était en bois et forêt ; il fit recevoir une information contre ces particuliers, composée de témoins pervers et dévoués à l'iniquité, ces particuliers furent décrétés de prise de corps, condamnés au fouet et au bannissement.
Comme ils n'étaient coupables d'autre crime que d'avoir fait des actes conformément à la possession immémoriale des habitants, la Communauté se joignit à eux sur l'appel au Conseil de Perpignan ; ils présentèrent ensemble une requête à ce Conseil le 13 Novembre 1771, dans la quelle ils exposèrent les vexations qu'ils éprouvaient de la part des Officiers de la Justice de Mosset ; que la partie de terrain usurpée par les père et fils Ruffiandis n'était ni bois, ni forêt, ni dépendance des forêts ; que la procédure instruite par les Juges de la Seigneurie ne méritait aucune foi, à cause de la suspicion, inhabilité et incompétence de ces Juges.
Sur ces motifs les Suppliants conclurent à l'élargissement des père et fils Ruffiandis, et à ce qu'il fût fait défense aux Juges de Mosset de procéder par la voie ordinaire ou extraordinaire contre les particuliers qui auraient sait des défrichements dans le terroir de leur Seigneurie, jusqu'à ce que le Conseil eût jugé définitivement ce chef de contestation, et que le Seigneur eût fait borner les bois de la terre de Mosset.
Cette requête fut répondue d'un fait signifié, et successivement communiquée au Procureur Général du Roi ; elle fut signifiée le 14 ; le Seigneur y répondit le 23 par une requête, au bas de laquelle il y eut une ordonnance de fait joint, signifié et communiqué.
La Communauté y répliqua par un acte signifié le 3 Décembre, où elle somma le Seigneur de remettre les pièces de la procédure, pour servir au jugement de ce procès ; la Communauté attendait l'expiration du délai pour remettre les pièces ; mais le surlendemain le Conseil de Perpignan rendit un Arrêt confirmatifs de la Sentence des Juges de Mosset.
La Communauté délibéra le 17 Décembre de former opposition à cet Arrêt. Elle porta sa délibération aussitôt au bureau de l'Intendance pour la faire homologuer, et présenta le même jour une requête au Conseil souverain, dans laquelle elle conclut à ce qu'elle fût reçue opposante à l'exécution du susdit Arrêt', pour l'intérêt qui pouvait la concerner, et à ce qu'il sût fait défenses aux Juges de Mosset de s'immiscer en aucune façon dans la connaissance des questions relatives aux défrichements, jusqu'à ce que le Conseil ait jugé définitivement cet objet de contestation, et que le Seigneur ait fait borner les bois par des marques visibles.
Le Syndic aurait bien pu `produire une délibération de la Communauté, mais elle n'était pas homologuée, parce que le sieur Intendant, frère de l'Adversaire, avait par son ordonnance du 21 Décembre, déclaré n'y avoir lieu à l'homologation de cette délibération. .
Cependant, les motifs que la Communauté faisait valoir dans sa requête, rendaient cette homologation juste et nécessaire. Le Conseil souverain avait paru pénétré de cette justice, puisqu'au bas d'une requête de la Communauté, du 20 Décembre 1771, il avait mis son ordonnance du 23 ; -portant qu'avant .toute chose la Communauté, suppliante, se pourvoirait d'une délibération dûment homologuée ; à la vérité, on savait dés lors le refus du sieur Intendant, frère du Seigneur de Mosset, d'homologuer la délibération ; ainsi les Suppliants furent empêchés par le frère de leur Adversaire de pouvoir secourir leurs concitoyens, et de stipuler leurs droits. Les Ruffiandis ont été les tristes victimes des liens donnés à la Communauté, leur condamnation a été exécutée, ils ont subi le fouet sans autre crime que d'avoir voulu user des droits et possession où sont les habitants de défricher les vacants de leur territoire ; on a été si pénétré de l'injustice commise à cet égard, que les Ruffiandis sont restés sans aucuns obstacles à Mosset, et que leurs propres ennemis les considèrent comme victimes de la cause commune ; afin de s'en assurer incontestablement, il faut jeter un coup d'œil sur les motifs qui devaient annuler la Sentence des Juges de Mosset.
Ils consistaient, en ce que les Officiers de cette Justice seigneuriale de Mosset étaient suspects, incompétents et empêchés d'agir dans l'objet du procès criminel des père et sils Ruffiandis, ce qui rendait leurs procédures nulles et cassables, aux termes des principes et des Ordonnances ; en ce que le terrain défriché par le père et le fils Ruffiandis avait été défriché plusieurs fois dans l'espace de 40 ans par les habitants, et que le Seigneur de Mosset avait perçu la dîme sur les fruits qui en étaient provenus ; en ce que le terrain, bien loin d'être forêt, ou dépendant d'aucune forêt, est éloigné de la forêt dite de Cubazet, qui en est la plus proche, d'environ un quart de lieue ; en ce qu'il confronte de deux horizons avec des terres inféodées, tenues en culture, qui outrepassent le terroir des deux côtés ; en ce qu'il y avait à la vérité quelques arbustes et broussailles, mais que cela ne le rendait pas forêt, car autrement il faudrait dire que tout le terroir de Mosset, tant terres cultivées qu'incultes, serait une forêt, puisqu'on y voit partout des broussailles et quelques arbres ; en ce que l'opinion publique avoir de tout temps donné le nom de vacant à. ces parties de terrain ; que la possession publique et tranquille des habitants de les défricher, et la bonne foi des père et fils Ruffiandis, devaient les mettre à l'abri de toute peine ; en ce que la Communauté devait les mettre â couvert de toute peine ; en ce que la Communauté devait être reçue opposante à l'exécution de l'Arrêt dont il s'agit :
1°- par le motif de la justice évidente de l'opposition ;
2°- parce qu'elle avait été reçue partie au procès par les appointements rendus par le Conseil Souverain au bas des requêtes des Suppliants, et que le Conseil avoir néanmoins jugé le procès avant l'expiration du délai de remettre les pièces, et sans avoir visé les pièces.
Ces motifs démontraient la légitimité de l'opposition et l'injustice du refus d'homologuer la délibération de la Communauté ; ce refus empêcha les secours que la Communauté eût pu donner aux deux pauvres habitants, qui ont été les tristes victimes de la complaisance aveugle des Juges de Mosset pour leur Seigneur.

QUATRIÈME PROCÉS

Il résulte de tout ce qu'on vient d'exposer, que le premier procès est une source perpétuelle de troubles. Il conviendrait donc de le juger incessamment, ce qui ferait renaître la paix et l'harmonie dans le terroir de Mosset.
Les. dernières Lois, qui annoncent une justice gratuite, avaient donné la plus solide espérance aux Suppliants, ils s'étaient en conséquence empressés pour profiter de leur bénéfice, afin de faire terminer ce procès primitif et principal ; mais un inciqu'a fait naître le Seigneur, a mis obstacle à ce projet.
Il a donné une requête au Conseil Souverain le 20 Mars 1772, par laquelle il a demandé la cassation de toute la procédure le prétexte de l'incompétence du Juge de la Viguerie ; il a fondé cette incompétence sur ce que le procès concernant une opposition â une ordonnance en forme de criées du Juge de Mosset, cette opposition ne pouvait être portée que par-devant ce Juge, et qu'aucun autre n'avait ou le pouvoir de modérer, ou de supprimer les dispositions des criées.
La Communauté a opposé en défenses, des fins de non-recevoir et des moyens au fond.
Les fins de non-recevoir ont été prises de ce que, l'Adversaire a non seulement consenti l'instruction de la procédure par-devant le Juge de la Viguerie, mais que lui-même y a eu recours, et de ce qu'il y a trois Arrêts du Conseil de Perpignan, confirmatifs de cette procédure, contre lesquels le Seigneur n'a pas réclamé.

Les moyens au fond ont consisté à dire, que suivant les anciennes Lois, suivies dans le pays, les Juges des Vigueries sont les Juges naturels de toutes les causes d'entre les Seigneurs, les Communautés, qu'ils sont Juges d'attribution des droits de Souveraineté, des questions concernant les dîmes et pacages, que les articles des criées ont trait à des droits de cette espèce, ce qui fait que la Communauté a pu, à tous égards, porter cette cause par-devant le Juge de la Viguerie du Conflent, dans le district duquel la Baronnie de Mosset est située, et par conséquent que le Seigneur est évidemment mal fondé à demander la cassation de cette procédure.

Le Conseil de Perpignan a néanmoins rendu Arrêt, du 30 Avril 1772 , qui a cassé toute la procédure, la Sentence du Juge de la Viguerie et tout ce qui l'a suivi.
Cet Arrêt a plongé la Communauté dans la consternation la plus affreuse, il ne petit assurément se soutenir, l'équité et: la violation de tous les principes en prononcent la nullité.

CINQIÈME PROCÉS

Ce procès a commencé par une requête présentée au siège de la Viguerie du Roussillon, au nom de la Communauté, le 14 Janvier 1760 ; elle y conclut à ce qu'il lui fût permis de faire assigner le feu Marquis d'Aguilar, aux fins de voir décharger la Communauté des redevances à elle imposée par les reconnaissances seigneuriales de 1700 et 1756, et à ce que les énoncés contenues dans lesdites reconnaissances, contenant les devoirs de la Communauté, fussent déclarées comme non avenues, le tout comme contraire aux titres primordiaux.
Le feu Marquis d'Aguilar reconnut la justice de cette assignation et  offrit de déférer à ce qui faisait l'objet de la de mande de la Communauté.
Peu de temps après il se pourvut par-devant le même Juge pour obliger la Communauté à fournir sa reconnaissance seigneuriale, conformément aux titres primordiaux : la Commué reconnut la justice de cette demande, et s'y soumit ; mais elle demanda au feu Marquis d'Aguilar la confirmation de tous les droits, privilèges et usages de la Communauté, comme l avaient fait tous ses prédécesseurs.
Le feu Marquis d'Aguilar, qui se proposait de faire perdre de vue les droits de la Communauté pour pouvoir l'en dépouiller définitivement, a éludé cette confirmation, il n'a pas osé combattre directement t les titres où font contenus les droits de la Communauté, mais il s'est retranché à soutenir que la Communauté était non recevable à faire valoir ces droits dans cette cause.
Il est de maxime dans le ressort que, torus processus pro libello habetur, qu'on peut augmenter la demande en tout état de cause, la changer, pourvu que le fond de la demande subsiste, modo radie alis causa non mutetur. Les droits de la Communauté sont d'ailleurs consignés dans des titres qui sont le propre ouvrage du Seigneur de Mosset, ils ne doivent par conséquent pas lui être suspects, et il ne peut avoir aucun moyen légitime à leur opposer. Aussi la Communauté espère-t-elle que ses conclusions lui seront adjugées.
Elle a donc un grand intérêt à voir juger ce procès ; mais le Seigneur actuel use de son crédit pour s'éterniser, et il empêche la Communauté de lever des deniers qui serviraient à le pour; il a même eu le crédit de faire supprimer, contre le vœu du plus grand nombre : des Suppliants, un droit de vingt cinquième, qui était établi de temps immémorial sur les Habitants, et autorisé des prédécesseurs Intendants, pour fournir aux dépenses communes de la Communauté. La dernière procédure du cinquième procès en question est du premier Septembre 1761.

SIXIÈME PROCÉS

On a prouvé il y a un moment, que dans la province du Roussillon les Seigneurs ne sont pas propriétaires des pacages, eaux et forets, et autres choses dépendantes de leurs Seigneuries ; que leurs  Seigneuries que ces choses sont destinées à l'usage des Habitants et que les Seigneurs n'ont sur icelles qu'un droit de prééminence, de garde ou de défense en faveur de ces Habitants.
Le droit d'usage, qui compète aux habitants de Mosset, et donc fondé sur l'autorité de ces Lois ; l'intérêt qu'ils ont à conserves les choses desquelles ils sont usagers, est des plus sensibles, puisque leur destruction entraîne celle de leurs droits d'usage : la mauvaise administration de leur adversaire mène infailliblement à cette perte. Elle est causée par l'aliment qu'il veut fournir à ses usines.
Le Seigneur de Mosset possède deux forges, et un martinet dans la terre de Mosset ; il emploie le bois de cette Terre à l'entretien de ces forges, il coupe les arbres sans se conformer aux Ordonnances des Eaux et Forêts, et par ce moyen le bois est devenu rare depuis quelques années dans le terroir de Mosset.
Cet Adversaire fait essuyer toute sorte de difficultés aux habitants de Mosset ; tantôt il laisse passer une année sans leur marquer ni délivrer les arbres de futaie nécessaires aux réparations de leurs maisons et granges ; tantôt il le leur indique dans des parties inaccessibles ou d'un accès très difficile, tandis qu'if confirme pour l'usage de ses forges les arbres des forêts les plus à, portée des Habitants.
Ces derniers ont pris patience pendant quelques années dans la persuasion que leurs représentations respectueuses, qu'ils ne cessent de faire à leur Seigneur, produiraient quelques effets ; mais l'expérience les ayant convaincus que leur attente était vaine, la Communauté fit assigner, le 13 Septembre 1770, leur Seigneur par-devant la Chambre du Domaine du Roi, établie pour la connaissance des matières forestières, aux fins de voir fixer une partie du bois du terroir de Mosset pour être suis en réserve, et servir uniquement â l'usage des Habitants, avec défenses à leur Adversaire et à ses Préposés, d'en abattre aucun arbre pour l'usage de ses forges, laquelle partie serait marquée dans un endroit accessible, et à portée de leurs habitations autant que faire se pourrait, et déterminée eu égard au nombre des habitants, à la rigueur du climat, à la qualité de leurs bâtiment existants, ou présumés nécessaires, afin que leur droit d'usage fût réglé et conservé à perpétuité.
Le 2o Juillet précédent, la Communauté s'était pourvue à l'effet de réprimer les abus que les gens du Seigneur commettaient dans l'exploitation de leurs forêts, et qui tendaient à priver les Habitants de leurs droits d'usages.
Les Gens d'affaire n'ayant aucun moyen légitime pour éluder l'effet de la demande de la Communauté, déclarèrent dé la juridiction de la Chambre du Domaine du Roi, et demandèrent le renvoi par-devant leur Juge de Mosset.
Mais comme ce Juge ne pouvait pas connaître de cette demande, à cause de l'intérêt que le Seigneur avait dans l'affaire, que la juridiction de la Chambre du Domaine sur la matière de cette cause était incontestable, et qu'à tout événement ce Tribunal aurait exclu le Juge par la prévention, le Seigneur fut débouté du renvoi, par Sentence rendue le 15. Décembre 1770.
Le Seigneur a interjeté appel de ce Jugement ; il ne s'empresse pas de le faire juger, parce qu'il profite de cet appel pour continuer les abus dans l'exploitation des forêts, au préjudice des habitants de Mosset. Ce procès a donné lieu à un autre.

SEPTIÈME PROCÉS

Il est naturel que des malheureux, qui voient leurs droits les plus précieux, leurs privilèges et leurs libertés foulés aux pieds, cherchent un remède à leurs maux.
Ils examinèrent les titres de leur Seigneur ; ils y reconnurent qu'il n'était que Seigneur engagiste de Mosset ; ils délibèrent en conséquence, le 15 Juillet 1771, "de se pourvoir et munir  des permissions nécessaires pour assembler le Conseil, pour voir si la Communauté serait d'avis de faire des offres à Sa  Majesté pour la revente de leur Seigneurie, et de députer un Syndic à cet effet ".
Ils se plaignirent au surplus, dans cette délibération, des vexations qu'ils souffraient de la part de leur Seigneur ou de celle de ses préposés, et ils témoignèrent leur sensibilité avec des expressions peut-être peu ménagées.
Les auteurs du Seigneur, qui véritablement dont la terre de Mosset qu'à titre de bienfaits, et qui ne font conservée qu'à la faveur des finances payées aux coffres du Souverain, pouvaient par conséquent être dépouillés toutes les fois que le Roi voudrait user des droits de fa Couronne. Aussi le sieur Bon fut alarmé du projet de la Communauté, et dans la crainte des effets qu'il pourrait produire, il chercha à l'étouffer dés son principe
Il fit assigner la Communauté, d'autorité de la Chambre du Domaine du Roi, par exploit du 6 Septembre 1770, à l'effet de voir déclarer nulle la délibération du 15 Juillet précédent, et d'être maintenu dans la possession de se qualifier propriétaire incommutable de la terre de Mosset, avec défenses à la Communauté de l'y troubler, en quelque façon que ce fût, sous de fortes peines ; voir ordonner en conséquence, que les qualifications d'engagiste, contenues dans ladite délibération, feraient rayées et biffées.
La Communauté, par des défenses du 20 du même mois, observa au Seigneur, que n'ayant projette autre chose que de se munir de permissions nécessaires pour délibérer de se pourvoir par-devant le Roi, à l'effet de faire déclarer qu'il n'était que Seigneur engagiste de la Terre de Mosset, il n'était pas recevable à intenter la voie de la complainte, parce qu'il n'y a que les effets qui soient un trouble et non les projets de faire ; au surplus, pour éviter toute difficulté, elle consentait à ce que la délibération du 15 Juillet fût considérée comme non avenue.
Le Seigneur comprit apparemment le vide de ses moyens ; aussi, pour en relever la faiblesse, il déclara à l'audience du 15 Novembre suivant intenter la voie appelée par les Praticiens sinterdictum jactatorum.
La Communauté prouva que l'interdictum jactatorum était le fruit des rêveries des anciens Praticiens, que l'usage en était entièrement inconnu au bureau, et que même le Seigneur n'était pas dans te cas prévu par les auteurs, pour l'intenter
La Chambre appointa les Parties â mettre. La Communauté donna sa requête le 5 Janvier 1771, par laquelle elle demanda le jugement du procès. Le Seigneur, convaincu de l'injustice de sa prétention, a gardé le silence ; mais il s'était pourvu au Conseil du Roi, où il a surpris un Arrêt du 6 Mai 175 5 qui l'a reçu opposant à celui du 28 Juin 1750, qui avait ordonné la revente de la Terre et Seigneurie de Mosset : le Seigneur n'a osé mettre au grand jour son Arrêt ; il a craint qu'on ne lui dise que son chartrier est muni des titres qui déposent de la domanialité de fa Terre, et de trouver dans ses vassaux des adversaires en état de lui disputer avec avantage des droits qui soulagèrent leurs malheurs s'ils changeaient de mains ; aussi le Seigneur n'a osé faire usage de son Arrêt de 1755.
Mais à la faveur de toutes ses difficultés, il a trouvé le secret d'étendre son crédit et sa domination sur les Suppliants. Les lois concernant la municipalité ont donné lieu au huitième procès.

HUITIÈME PROCÉS

Les anciennes délibérations de la Communauté de Mosset prouvent qu'elle gérait et gouvernait elle-même ses affaires sans la permission ni le concours du Seigneur ; cependant le sieur Bon chercha encore à anticiper à cet égard sur les Suppliants. Il commença par engager les Officiers en place à demander son agrément pour les assemblées générales : cette prérogative due à la simple complaisance des Municipaux en exercice ne pouvait lier la Communauté ; néanmoins dans la suite le Seigneur a voulu qu'elle fit un titre contre les Suppliants.
L'Edit de 1766 dérangea la prétention du Seigneur, et il avait rendu la pleine liberté aux Corps de Villes pour l'élection de leurs Officiers. Mais le Seigneur de Mosset qui, depuis un certain temps, n'a d'autre règle que celle qui peut soutenir l'empire absolu qu'il veut avoir sur ses vassaux, a fait présider son Greffier et ses Juges à toutes les assemblées générales et particulières : il les a autorisés à être les seuls maîtres des billets dans tous les scrutins ; aussi tous ceux qui ont paru nommés ont été les créatures du Seigneur, qui a encore voulu choisir dans trois pour chaque place.
Les suppliants se pourvurent en justice pour faire cesser l'abus que faisait le Seigneur de son autorité ; mais ce dernier eut raison devant les Juges subalternes. Les Suppliants étaient appelants de la Sentence devant le Conseil de Perpignan lorsque l'Edit de 1768 parut. Comme il a changé les formes stipulées par celui de 1766, les Suppliants s'assemblèrent devant le Juge royal pour la nomination de leurs Officiers. Le Seigneur, dont on s'était passé, parce qu'il n'a aucun titre pour gêner les Suppliants, & que la possession, suivant la loi de la matière, s'évanouit sans titre, le pourvut néanmoins en Justice, où il demanda la nullité des assemblées & de tout ce qui en était résulté, sous prétexte d'une violation à leur prétendu droit.
Le 13 Décembre.1768, il surprit un Arrêt sur Requête au Conseil de Perpignan, qui lui adjugea ses conclusions, à la charge cependant par lui de se conformer à l'article 67 de l'Édit de 1768 ; Cet article porte que les Seigneurs des lieux qui sont dans l'usage de nommer les Consuls , justifieront de leurs titres dans l'année par-devant les Tribunaux de chaque ressort.
L'article 64 du même Edit de 1768, enjoint de présenter la liste de ceux sur les rangs, aux Commandants des Provinces, aux sieurs Intendants & aux Tribunaux, pour être approuvés, sauf à en rayer ceux qu'ils croiront les moins dignes ; il ne parle point des Seigneurs de paroisses ; ainsi celui de Mosset ne pouvait plus connaître des affaires de la municipalité ; cependant il insista pour continuer l'exercice des droits qu'il s'était créé à cet égard, & il eut le crédit de faire rendre un nouvel Arrêt, du 26 Janvier 1769, par lequel le Conseil de Perpignan ordonna l'exécution de celui du 13 Décembre précédent, à la vérité on n'a accordé au Seigneur qu'une jouissance provisoire, à condition que dans l'année il rapporterait ses titres, & l'Arrêt ordonne l'exécution de l'Edit de 1768.
Cet Edit exclut des charges municipales & Conseils de ville les Fermiers des Communautés & tous ses débiteurs. Les Echevins de Mosset plaidaient avec les Suppliants, & ils étaient leurs débiteurs ; néanmoins le Seigneur les fit maintenir dans leur place d'Échevins: ils devinrent par-là les créatures du Seigneur, & ils lui ont tout accordé au préjudice de la Communauté.
Les Suppliants furent donc obligés de recourir de nouveau au Conseil de Perpignan ; ils remontrèrent que leurs Échevins n'exécutaient pas l'Édit de 1768 ; & que pour mettre la Communauté dans l'impossibilité de pouvoir fournir aux frais de ses demandes, ils avaient, à l'aide du Seigneur, & contre le vœu général des habitants, supprimé une subvention .qui se percevait fur chacun d'eux, de l'agrément de tous les sieurs Intendants de Perpignan. En un mot ils se plaignaient de ce que le Bailli du Seigneur gênait les suffrages dans les assemblées, contrevenait en tout point à l'Édit de 1768
Le Conseil de Perpignan fut entraîné par l'évidence des faits & la contravention du Seigneur ; & comme ils ne pouvaient absolument lui donner gain de cause, il rendit un troisième Arrêt le 31 Mai 1769, par lequel ce Tribunal a renvoyé les Parties au Conseil de Sa Majesté. Mais cet Arrêt a accordé, sous le bon plaisir du Roi, le provisoire des demandes au Seigneur, & il confère au Conseil Souverain tous les différends de ce provisoire ; tellement que les Bailli & autres Officiers du Seigneur continuent de gêner &
gouverner les assemblées de la Communauté de Mosset et, sans autre titre que la faveur qui lui est accordée sans la représentation d'aucun titres & contre la lettre, & le vœu de l'Édit de 1768.
Tels sont les huit procès qui obligent les Suppliants de recourir a l'autorité de Sa Majesté. On a vu que chacun de ces procès a pour fondement, une vexation qui tend à dépouiller & dominer des vassaux par les droits du plus fort. Ces droits contraires à l'humanité & à la justice, ont beaucoup plus d'accès dans une province éloignée que dans celles qui approchent la majesté du trône  un Seigneur riche & puissant à la Cour ne connaît d'autres principes que ceux de la générosité & de la paix; il est le père de ses vassaux ; fors cœur, modelé fur celui de fort Souverain, ne respire que bonté, & ses sujets ne vivent que pour bénir ses jours & désirer sa prospérité. Au contraire, un Seigneur placé, pour .ainsi dire, dans un nouveau monde, deux cent lieues : de la Capitale, ne connaît que sa puissance; elle consiste principalement à la réussite de toutes ses volontés, à dominer aveuglément les Sujets, non comme ses vassaux, mais comme ses esclaves ; aussi ces derniers ont la douleur de ne pouvoir que plaindre les vicissitudes qu'ils éprouvent de la part de leur Seigneur ; elles sont poussées à un degré si affligeant pour les Suppliants, qu'ils ne peuvent se dispenser de réclamer la justice de leur Souverain, afin qu'il daigne mettre des bornes au crédit de leur Seigneur.

MOYENS

Les Suppliants ont d'abord à se plaindre sur le premier procès entre les Parties, d'une lenteur qui les consume en frais ; ils observent que son indécision les retient dans une espèce d'esclavage, et leur cause des pertes réelles par les avantages dont ils sont priés, et les droits que l'on perçoit à leur préjudice. Il est question dans ce procès de criées qui forment des règlements, par lesquels la Communauté de Mosset se trouve infiniment grevée. Ces règlements peuvent-ils être faits à l'arbitraire du Seigneur et de leurs Juges ? Ceux-ci peuvent-ils avoir le droit de faire des lois et se créer des titres? Tous les principes et les Ordonnances décident que non ; d'ailleurs ces règlements seraient réformables dans nombre d'articles, ainsi que les Suppliants l'ont établi sur l'histoire de ce premier procès.
Sur le second, les Suppliants ont à se plaindre de l'Arrêt du Conseil Souverain de Perpignan, du 4 Février 1772, rendu en faveur de leur Seigneur. Cet Arrêt réforme celui du même Conseil du 13 Septembre 1771, quoique celui-ci fût contradictoire. C'est une maxime du Droit, qu'aucuns Juges ne peuvent se réformer dans leurs jugements, si ce n'et par la voie de l'opposition, ou celle de la requête civile. L'Ordonnance de 1667, article 1, 2 et 3 du titre 35, indique les cas de ces deux voies, qui ne se rencontrent pas ici ; en effet, l'opposition suivant les deuxième et troisième de ces articles, n'est admissible qu'autant que le demandeur en requête n'aura pas été entendu sur le jugement ou arrêt contradictoire. Or le Seigneur de Mosset avait été entendu lors de l'Arrêt du 13 Septembre 1771. Il était donc non recevable dans fon son opposition ; l'Arrêt du 4 Février 1772, qui l'a néanmoins reçu opposant, est donc coupable de la contravention la plus formelle à l'ordonnance ; il doit par conséquent être annulé, ainsi que celui du 22 Juin de la même année, qui ordonne des restitutions contre le Suppliant: Celui du 13 Septembre 1771 est le seul qui puisse subsister par les motifs expliqués dans le récit des faits concernant cette affaire.
Sur le troisième procès, on a vu le Juge Seigneurial user des criées faites par son Seigneur au préjudice de la première instance, qui en suspendait l'exécution, et de l'Arrêt du 13 Sep1771, qui faisait défenses de les exécuter, pour condamner les Ruffiandis, père et fils, au fouet et à un bannissement. Sa Sentence a été confirmée par Arrêt du Conseil de Perpignan, du mois de Décembre 1771. Ces deux particuliers se trouvent condamnés pour des essartements dans les objets litigieux entre le Seigneur et les Habitants de Mosset : la condamnant a par conséquent pour principe un défaut de pouvoir dans la personne du premier Juge, qui avait les mains liées par le litige devant les Juges royaux , ou le Seigneur et les, habitants de Mosset, le Procureur Fiscal et le Juge Seigneurial ne pouvaient poursuivre ni décider un prétendu délit commis sur un terrain dont la propriété était en instance devant le Conseil Souverain de Perpignan ; le Bailli Seigneurial ne pouvait agir au préjudice de la litispendance en ce Tribunal, et de l'Arrêt qu'il avait rendu le 13 Septembre  1771, sans donner de1'activité aux criées du Seigneur, suspendues par ce même Arrêt. Le Conseil Souverain ne pouvait lui-même agréer les opérations des Juges du Seigneur, sans contrevenir à son propre Arrêt, et par conséquent aux principes. et aux Ordonnances, qui lui défendaient de se réformer.
Ces moyens qui frappent sur l'Arrêt de Perpignan doivent d'autant plus être accueillis, que cet Arrêt permet aux Juges d'une partie en procès indécis de poursuivre les habitants en particulier sujet des terrains pour lesquels le même Tribunal avait interdit toutes reprises au Seigneur vis-à-vis du général des Habitants, jusqu'à ce que ses titres aient été jugés par le Conseil Souverain. La conduite du Seigneur avait paru si irrégulière, les opérations du Juge Seigneurial si  insoutenables, que le Conseil de Perpignan avait reçu l'intervention des Suppliants et demande l'autorisation du sieur Intendant, pour pouvoir prononcer sur les demandes de la Communauté ; mais le sieur Intendant, comme on l'a ci-devant avancé', est frère du Seigneur de Mosset ; et quoiqu'en sa qualité de Premier Président du Conseil Souverain, il ait pu connaître la justice de permettre aux Suppliants de se défendre, il a été induit de refuser son autorisation à la Communauté. L'Ordonnance rendue à cet égard est du 21 Décembre 1771.
L'injustice de cette Ordonnance est palpable ; il n'est pas possible de ne point permettre à une Communauté de venir aux secours de deux de ses concitoyens , accablés par les Juges de leur adversaire, au préjudice d'un Arrêt et d'une litispendance, qui liaient les mains à ces Juges, et qui les rendaient absolument incompétents de tous les objets qui pouvaient avoir trait aux différends de la Communauté avec le Seigneur. On ne peur empêcher les Suppliants de faire connaître aux Juges saisis d'un principal, qu'une affaire nouvelle compromet ce principal, qu'elle en est un accessoire indivisible et préjudiciable, et toute choie demeurant en état sur .les contestations entre les Parties. Il y a plus, le Conseil de Perpignan ne devait pas exiger une nouvelle autorisation pour écouter les Suppliants sur leur intervention, parce que l'autorisation qui avoir permis à la Communauté de paraître en Justice pour réclamer  et se défendre contre leur Seigneur, devait suffire : l'Arrêt du Conseil et Perpignan, qui a demandé une nouvelle autorisation, est donc gratuit ; il n'exprime qu'une entrave mise à la Justice, que l'on reconnaît être due à la Communauté.
Les Suppliants supposeraient le contraire, et que véritablement une nouvelle autorisation fût nécessaire, le sieur Intendant n'aurait pas dû s'y refuser ; la Communauté l'a fait voir par la relation des faits ; ils établissent que l'affaire des Ruffiandis était une branche de celle encore indécise â Perpignan, et qui imposait silence aux Parties sur tous leurs différends au sujet des Criées du Seigneur : il est mémé â craindre que l'exemple des Ruffiandis ne, serve à l'adversaire pour enfreindre vis-à-vis d'autres particuliers les bornes que le Conseil de Perpignan lui avait mises, et qu'il ne profite du mépris fait à un Arrêt, et qu'il a eu le talent de faire approuver par le Tribunal qui l'a rendue, pour humilier et perdre ces autres particuliers, st aucuns s'avisaient de faire des essartements dans le même bien, quoiqu'il appartienne incontestablement à la Communauté, et par conséquent à tous les habitants dont elle est composée.
Cette ressource sera même un moyen indubitable pour empêcher le Jugement de la première affaire concernant les criées, et un motif excellent pour priver les Suppliants de leur patrimoine, parce quel' indigence des Habitants les empêchera de résister aux prétentions de leur Seigneur, et de réclamer contre les pertes que ce dernier imaginera pouvoir leur faire supporter.
On conçoit qu'une pareille position mérite toute l'attention de Sa Majesté, et combien Elle sera pénétrée de la justice de procurer à la Communauté des Suppliants la faculté de pouvoir se défendre sur l'intervention concernant l'affaire des Ruffiandis, il est indubitable que sans avoir égard aux refus d'autorisation la part du sieur Intendant, on doit la mettre en état de pouvoir former une tierce opposition à l'arrêt intervenu sur cette affaire, afin que les Suppliants puissent se faire restituer des torts, et prévenir les inconvénients qui, pourraient résulter de cet Arrêt.
Sur le quatrième procès, le Conseil de Perpignan a rendu un Arrêt du 30 Avril 1771, qui casse toute la procédure du Juge de la Viguerie, et tout ce qui l'a suivi, sous prétexte que ce Juge  était incompétent de connaître des criées faites par le Juge seigneurial de Mosset.; mais. le Seigneur avait plaidé volontairement devant le Juge de la Viguerie, il y avait appelé la Communauté en différentes circonstances, pour la faire condamner conformément â ses prétentions, et le Conseil Souverain avait rendu trois Arrêts contradictoires sur les Sentences de la Viguerie, sans aucune réclamation de la, part des Parties, qui y ont plaidé volontairement ; l'Arrêt du 30 Avril n'a donc pu annulé toutes les opérations antérieures ; le Seigneur était non recevable dés qu'il avait instruit et qu'il était intervenu des Jugements sur le fond. Le Conseil Souverain pouvait les rétracter sans contrevenir aux principes et aux Ordonnances, qui ne permettent pas aux  réformer leurs Arrêts, lorsqu'ils ne sont attaqués par les oppositions de droit ou la requête civile ; encore faut-il que les moyens qui faciliteraient l'une ou l'autre de ces voies, soient de nature à pouvoir opérer leur réussite. Or ici il n'y aurait pas eu lieu quand elles auraient été prises contre les Suppliants.
1°- Parce que les procédures devant les Juges de la Viguerie étaient contradictoires, et qu'elles étaient confirmées par trois Arrêts ;
2°- Parce que les lois et les usages de la Province attribuent aux Vigueries les contestations entre les Seigneurs et les Communautés, et que ces Vigueries font Juges d'attribution des droits de souveraineté, et des questions concernant les dîmes et les pacages ; les criées du Seigneur de Mosset font pareillement attaquées dans les objets de dîmes et pacages ; ainsi à tous égards l'Arrêt du 30 Avril 1772, ne peut être, ne pourrait être exécuté ; la cassation n'en peut par conséquent paraître problématique.
Quant aux autres procès, il n'y a que des Sentences qui peuvent être réformées par le Tribunal d'appel, si ce n'est le huitième, où il y a un Arrêt du Conseil Souverain de Perpignan, qui renvoie les Parties au Conseil de Sa Majesté ; le cinquième desdits procès concerne la confirmation des droits de la Communauté, portée en la juridiction de la Viguerie, et que le Seigneur refuse, parce que cette confirmation rappelles droits en question, et mettrait des bornes définitives à toutes ses tracasseries, et aux prétextes qui servent à perpétuer les divisions entre les Parties, et pour l'empêcher, ce Seigneur a appelé à son secours une fin de non-recevoir, fondée sur ce qu'il prétend que les Suppliants sont non recevables à faire .valoir leurs droits sur cette cause ; il n'est pas possible qu'il puisse légitimer ce prétexte, puisque les Suppliants ne lui ont demandé la confirmation de leurs droits, qu'en ce qu'il les a actionnés devant les mêmes Juges, pour lui passer ou renouveler leurs reconnaissances seigneuriales en conformité des titres primordiaux il était naturel que les Suppliants, en consentant leurs reconnaissances au Seigneur, lui demandassent qu'il ait lui-même à confirmer les droits dont ils doivent également jouir d'une manière certaine et tranquille avec lui ces deux objets se lient ensemble, et sont également légitimes ; il est étonnant que le Seigneur veuille les diviser, et que la justice ne prononce que pour lui.
Le sixième procès a trait à la délivrance des bois nécessaires à la bâtisse des maisons et autres édifices publics et particuliers des Habitants. Il est pendant à la Chambre des Domaines de Perpignan parce que cette Chambre connaît de toutes les matières d'Eaux et Forêts; les Suppliants prétendent avec justice et suivant l'Ordonnance, qu'ils doivent obtenir une réserve pour la laisser croître en futaie, afin de pouvoir servir â leurs besoins domestiques, sans que leur Seigneur puise y toucher, et qu'il puisse se dispenser, ou empêcher la délivrance des arbres utiles aux nécessités de la Communauté ; elle a soutenu et elle soutient encore quo le Seigneur ni ses Préposés ne doivent pas alimenter les forges du Seigneur des bois de la Communauté, les principes et les Ordonnances sont trop favorables aux Suppliants , pour que le Seigneur croie qu'il pourra empêcher la demande de la Communauté ; aussi pour en éluder le Jugement et continuer la dévastation des bois des Habitants, il éloigne toute décision, suspecte toutes les Juridictions, et veut qu'il n'y ait que ses Juges qui puissent connaître de la matière, parce qu'ils a i9ènt et se conduisent au gré de ses volontés, on conçoit combien le Seigneur est encore mal fondé sur le sixième procès.
Le septième tend â prouver que leur Seigneur n'est qu'engagiste de la Seigneurie de Mosset, l'affaire a encore été portée a la Chambre des Domaines, elle y est pendante; â la vérité le Seigneur de Mosset , a obtenu un Arrêt du Conseil qui a ordonné qu'il n'y avait lieu à la revente de la Seigneurie, mais il n'empêche pas la question de domanialité prétendue par les habitants, ni la réclamation du Sieur Procureur du Roi de la Chambre clés Domaines sur l'enregistrement que le Sieur Bon est obligé de faire faire de son Arrêt de confirmation. Cet Arrêt, qui n'a pas encore vu le grand jour, sera obligé de paraître, alors on sera voir que la Seigneurie de Mosset est véritablement domaniale, et que la jouissance que les Seigneurs en ont eu, et tous les prétextes imaginables ne peuvent en changer 1a nature. Il est du devoir du ministère public de réclamer contre la  surprise et d'agir pour les intérêts de la Couronne, qui  lui sont confiés.
L'Arrêt de confirmation a méconnu les vrais titres de la Seigneurie de Mosset ; il est incontestable qu'étant mis sous les yeux de la Justice, ils opéreront le rapport de cet Arrêt qui préjudicie aux droits du droit et perpétue le malheur des vassaux qui avoient espéré la paix et leur tranquillité sous un Seigneur moins ambitieux et plus humain. Les Rois toujours mineurs et simples usufruitiers ne peuvent donner qu'une jouissance, qui ne peut en aucun temps et pour aucune cause, préjudicier aux propriétés de la Couronne ; ces principes et les titres qui prouveront la domanialité de Mosset feront plus particulièrement établis lorsqu'il sera question de prononcer sur l'objet de ce septième procès.
Le huitième et dernier concerne l'administration des municipaux de la ville de Mosset. Deux Arrêts des 3 Décembre 1763 et 26 Janvier 1769, ont accordé au Seigneur la nullité des assemblées tenues pour l'élection des Officiers municipaux, sous prétexte que le Seigneur n'y avait pas présidé, et qu'on n'y avoir pas rendu hommage à ses prétendus droits ; à la vérité ces Arrêts ordonnent au Seigneur de rapporter dans l'année les titres sur lesquels il appuie ses prétendus droits, mais ils conservent provisoirement le Seigneur dans ces droits , et par conséquent laissent les Suppliants dans la nécessité de suivre ce que leur Seigneur prescrira : aussi il a mis des personnes en place qui ont trahi les intérêts de la Communauté, et ce provisoire a servi au Seigneur pour éterniser ses volontés sur ce point, et  quoiqu'il n'ait pas rapporté dans l'année ses prétendus titres, on y a laissé continuer depuis 1768 la faculté de dominer les Suppliants, même dans les affaires contre lui. Les Suppliants s'en sont plaints, ils n'ont obtenu qu'un Arrêt de renvoi au Conseil de Sa Majesté.
Les Suppliants prétendent avec justice qu'ils doivent avoir pleine liberté, pour les différentes élections qui doivent s'observer pour la nomination de leurs Officiers; le jugement de cette affaire est réglé par l'Edit de 1765. On a dit que le Seigneur n'avait point de titres ; s'il en eût eu, il n'aurait pas attendu jusqu'aujourd'hui â les faire paraître, et il n'aurait pas employé que des longueurs ; et inspiré à la- veille d'un Arrêt définitif, le renvoi de la Cause au Conseil de Sa Majesté.
Tous usages et anciennes possessions ne peuvent suppléer au défaut de représentation de titres. L'art. 67 de l'Edit de 1768 le décide en termes formels ; le Souverain veut que la liberté des Corps et Communautés ne soit plus gênée par des servitudes dues à la force et aux surprises dé certains Seigneurs ; il veut que des Habitants toujours en proie à l'autorité des Seigneurs, qui ne chercheraient que leur profit, ne soient plus à 1'arbitraire de ces derniers ; il stipule que des vassaux déjà trop à plaindre de suivre et d'exécuter les engagements qui expriment un reste d'esclavage, ne soient liés que par des titres juridiques et en bonne forme ; enfin il veut, qu en se conformant à la Loi, chacun ait sous les yeux 1'abolitïon de toutes les marques opposées au Christianisme et à l'équité naturelle.
L'art. 64 de l'Édit de 1768 , qui nomme ceux qui doivent agréer les sujets présentés par les Corps de Communauté pour occuper leurs places municipales, ne fait aucune mention des Seigneurs ; et aucuns de ceux qui doivent examiner les personnes choisies , n'ont le droit de nommer, mais uniquement celui de rejeter les sujets que les examinateurs auraient des preuves réelles et positives de l'incapacité ; examen d'ailleurs qui n'est que de forme, parce que assurément un Corps est trop intéressé au gouvernement de ses affaires, pour croire qu'il se donnerait des hommes incapables de les gérer à leur satisfaction.
Ainsi tout milite pour expulser le Seigneur de Mosset de toutes ses prétentions à l'égard de la municipalité, et rendre aux Suppliants la liberté qui leur est accordée par l'Édit de 1768 pour leur élection municipale.

ANALYSE

Tous ces différends procès ont, comme on le voit, entre un Seigneur et une Communauté.
1°- Le Seigneur prétend se faire des règlements qui lui servent de titres pour asseoir des droits sur ses vassaux et pour priver ceux-ci dune grande partie de leurs Communaux. Les habitants lui résistent par les principes de la Loi, qui ne permettent à personne de faire des règlements, et qui proscrivent les titres que chacun se fait à lui-même.
2°- Ce Seigneur qui se trouve condamné sur ses prétentions ridicules, trouve le secret de faire anéantir les Arrêts contradictoires qui sont condamnés par un postérieur; à cet égard, les, Habitants soutiennent que les maximes du droit empêchaient le Conseil de Perpignan de réformer ces Arrêts contradictoires et que les Ordonnances prononcent la nullité du dernier Arrêt.
3°. Le Seigneur fait rendre des sentences par son Juge, qui flétrissent des Habitants pour des essartements qu'il prétend être défendu par ses criées ou règlements, quoiqu'un Arrêt en ait suspendu l'exécution ; il prive ainsi les autres Habitants, par la crainte des châtiments injustes , de la jouissance de leurs biens, dans lequel le Seigneur n'a rien; la Communauté veut intervenir dans ce procès particulier, on y met obstacle, quoiqu'il intéressé tous les Habitants ; et comme le Conseil de Perpignan reçoit cependant la requête des Suppliants , on a le crédit de faire ordonner rue la Communauté rapportera une autorisation du sieur Intendant, qui la lui refuse sur la sollicitationsans doute du Seigneur son frère.
4°-  Le Seigneur obtient un Arrêt qui casse toute la procédure et des Arrêts contradictoires donnés à 1'occasion des criées, ou règlements en question, et qui renvoie l'examen et le jugement de ces règlements devant le Juge Seigneurial. Quoique naturellement ce Juge ne puisse décider de la faculté que le Seigneur prétend avoir de faire des règlements, et que les Lois de la Province donnent la connaissance des différends entre un Seigneur et des Habitants de l'espèce de la matière comprise dans ces prétendus règlements, aux Juridictions des Vigueries.
5°. Le Seigneur demande à la Communauté de Mosset une reconnaissance des droits seigneuriaux, qu'elle lui accorde à condition qu'il lui confirmera f .1s droits par le menu, ce qu'il lui réfuté a. la Chambre des Domaines de Perpignan, où ce litige est pendant, quoique le détail exigé par les Habitants Toit conforme aux lois.
6°. Le Seigneur se refuse à la même Chambre, de consentir; une réserve des bois communaux, à accorder à la Communauté  la permission. de couper les arbres nécessaires à la reconstruire cet réparation de ses bâtiments, et de te dispenser d'alimenter ses forges et martinet aux dépens des dits bois communaux.
7°- Le Seigneur prétend que les Habitants doivent connaître pour patrimonial dans sa main la Seigneurie de Mosset, ce qu'ils refusent avec des titres et des lois immuables de la Cou
8°- Le Seigneur enfin veut régler l'Hôtel de Ville de Mosset, sans rapporter aucuns titres justificatifs de ses prétentions, les Habitants lui opposent l'Edit de 1768, qui le condamne en tout point sur ce dernier procès.
Tous huit sont d'administration ; il y en a quatre soumis a la décision du Conseil de Sa Majesté ; deux par la cassation des Arrêts qui se trouvent contraires aux Ordonnances ; les deux autres, â cause, d'un côté, de l'appel de l'Ordonnance du sieur Intendant concernant le refus d'homologation de la délibération pour intervenir dans les procès des Ruffiandis, aujourd'hui pour former tierce opposition à l'Arrêt qui a été rendu ; et de l'autre à cause de la municipalité renvoyée à Sa Majesté. En prononçant sur ces quatre procès dévolus au Conseil du Roi, les Suppliants croient pouvoir demander à Sa Majesté la réunion et l'évocation de tous devant Elle au Conseil de la grande Direction.
Il n'y a que cette voie pour abréger les procès. et éviter la ruine d'une Communauté, qui, elle le dit à regret, n'ose espérer la justice devant les Juges et les Tribunaux de son ressort, à cause du crédit et de la parenté de leur Adversaire dans ces Tribunaux; le crédit est au point que les Suppliants ne peuvent trouver des défenseurs, et lorsqu'ils en obtiennent d'office, ils leurs déclarent qu'ils ne peuvent bien défendre leurs causes, par la crainte qu'ils ont de se compromettre avec les personnes en place et en état de leur nuire.
Ces dans ces circonstances que les Suppliants réclament les bontés paternelles de Sa Majesté ; ils méritent assurément sa protection, et s'ils ont quelques regrets, c'est de n'avoir pu mériter celle de leur Seigneur.
A CES CAUSES, SIRE, plaise à. VOTRE MAJESTÉ casser et annuler les Arrêts du Conseil Souverain de Perpignan rendus contre eux au profit de leur Seigneur, les. 4 Février ; 30 Avril et 22 Juin 1772, recevoir les Suppliants, appelants de l'Ordonnance du sieur Intendant de Perpignan du 21 Décembre 1771, en ce qu'elle aurait refusé l'autorisation de la délibération de la Communauté de Mosset  pour intervenir dans le procès des Ruffiandis ; autoriser les Suppliants de former tierce opposition à l'Arrêt intervenu contre ces particuliers ; faisant droit sur le renvoi porté par l'Arrêt de Perpignan, concernant la municipalité de Mosset, débouter le Seigneur de toutes ses prétentions au sujet des assemblées et élection, faute par lui d'avoir administré dans l'année les titres que l'Arrêt de Perpignan du 13 Décembre 1768, lui avait ordonné de fournir dans ce délai ; lui faire défenses, et aux Officiers de sa Justice et ses Fermiers, de troubler ni d'exiger aucune chose de la Communauté à cet égard et ordonner au surplus que l'Edit de 1768 sera exécute selon sa forme et teneur ; et pour faire droit sur le fond des affaires dont la cassation des Arrêts vient d'être demandée, ainsi que sur la tierce opposition qui doit résulter de l'appel de l'Ordonnance qui a refusé l'autorisation de la délibération des Suppliants, concernant l'affaire des Ruffiandis, ordonner que les fonds desdites trois instances seront joints à ceux des quatre autres introduites et pendantes à la Chambre des Domaines et au Conseil Souverain de Perpignan, lesquelles seront également jointes et réunies aux trois premières ; ce faisant, évoquer le tout à Sa Majesté, pour être suivies et instruites suivant les derniers errements, et jugées au Conseil de grande Direction , au rapport de tel Maître des Requêtes qu'il plaira à Sa Majesté de nommer par un seul ou plusieurs Arrêts interlocutoires et définitifs, ainsi qu'il appartiendra; et condamner le Seigneur de Mosset aux frais de la présente Requête, de l'Arrêt qui doit intervenir sur icelle, à la restitution des sommes exigées et payées par la Communauté sur les trois objets fournis â 1a décision du Conseil de Sa Majesté, les autres dépens concernant le fond des sept autres procès à juger réservés ; permettre aux suppliants de donner assignation au Seigneur de Mosset dans les délais du règlement pour reprendre et suivre les errements des différends qui feront renvoyés en la grande Direction, et répondre sur toutes les demandes que les Parties pourront former
A l'occasion de toutes lesdites contestations, circonstances et dépendances, ainsi qu'il appartiendra. Les Suppliants continueront leurs vœux pour la santé et prospérité de VOTRE MAJESTE.

CONSEIL ROYAL DES FINANCES

M V O I L Q U I N

Avocat


A PARIS, chez P.G.Simon, Imprimeur du Parlement
rue Mignon Saint-André-des-Arcs, 1774



REMARQUES

1 - Jean de MARGARIT de BIURE de NEGRELL de CROUILLES de SANTA PAU (1686-1763), célibataire sans enfant, est le deuxième héritier après son frère Josep (1683-1707) mort juste après le décès du père, Joan d'Aguilar (1629-1701).
Il est seigneur de Mosset de 1709 à  avant 1763..
Il fait son testament à Mosset en 1740 en présence de
François Portell, prêtre curé de Mosset, (1692-1777)
Joseph Portell prêtre et vicaire de l'église de Mosset, (1708-1779)
Pierre Corcinos Batlle de Mosset, (1689-1745)
Emmanuel Pares, chirurgien, (1708-1788)
Thomas Corcinos laboureur de Mosset, (1714-1767)
Joseph Delseny négociant à Catllar,
Onofre Bordes notaire.

2 - Liste des criées
- 7 Juillet 1718
- 27 Février 1767 (Ordonnance en forme de criées)
- 7 Août 1771 (Ordonnance en forme de criées)
- 18 Juin 1772 Criée rédigée par François Escape notaire à Prades (ADPO 3J/334)

3 - Pierre de Bon de Saint Hilaire né à Montpellier devient marquis d'Aguilar par son mariage en 1754 avec Jeanne d'Aguilar fille de Dominique d'Aguilar (1687-1777).
Il semble avoir pris la responsabilité de la seigneurie de Mosset avant 1763 c'est-à-dire à la fin du procès N°1..

4 - Bailli ou Batlle au XVIIIe siècle
Galceran Matheu (1657-1720) de 1699 à 1720
Sebastia Matheu 1693-1745 de 1720 à 1722
Joseph Prats 1664-1736 de 1722 à 1736
Pere Corcinos 1689-1745 de 1737 à 1746
Emmanuel Parès 1708-1788 de 1746 à 1754
Jacques Costeseque1723- 1800 de 177 à 1788
Jean Thomas et Bassols 1707-1788 de 1785 à 1784
Julien Corcinos (1745-1820) de 1788 à 1790 et quelques jours en 1793.

5 - Galderich Ruffiandis 1713-1791 épouse  en 1734 Marie Ribera  1711-1791. Ils ont un seul fils Jean dit Jutge 1738-1818, époux de Madeleine Saleta puis de Rose Vidal. Ce n'est pas un ascendant de Jacques Joseph Ruffiandis, auteur de Mosset Vielle Cité.
 
6 - Engager au Moyen Âge finissant, remettre un fief, une seigneurie*, etc. en garantie d'un prêt d'argent. Les revenus de la "" financent les intérêts de la somme prêtée par l' "", qui doit en principe restituer les biens engagés lors du remboursement du prêt par le débiteur.

7 - Consuls
Isidore Porteil 1727-1778 en 1752
Jean Thomas et Bassols 1707-1788 en 1752
Jean Lavile 1721-1784 en 1758
Jaume Bès 1732-1800 en 1763
Isidore Pons 1723->1786 en 1764
Jean Dirigoy 1722-1813 en 1770.

 
Mis à jour le 13/02/2018
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