1789 - Histoire de Mosset

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1789

XVIIIe siècle > Révolution

1789 - Les brigands - La Milice Nationale (1)

Les militaires sous l'ancien régime

Au XVIIIe siècle Mosset n'a pas connu la guerre sur son territoire et ses habitants ont manifesté un pacifisme parfait.
Cependant la proximité de l'Espagne a conduit certains notables, en quête de gloire et d'honorabilité, à participer à la défense de la frontière. Au début du siècle, Pere Angel Parès, né à Vingrau en 1675, marié et décédé à Mosset, est qualifié dans un acte notarié de 1705, de "Capitaine des fusiliers de Montagne dans le bataillon du sieur Beller(1)." Dans un autre document il est désigné comme "Capitaine d'arquebusiers."

Arquebusier
Arquebusier

En 1726 une milice est créée à Olette pour protéger la frontière. Quatre Mossétans y sont enrôlés par tirage au sort : Emmanuel Assens (1700), Grégori Sagui (1696), Joan Cantié (1703) et Sébastien Matheu (2) (1696-1745).
En 1772, Jacques Pompidor (1731-1803) est nommé dans la Capitainerie Générale du Roussillon par le duc de Noailles, Gouverneur de la Province de Roussillon, Conflent et Cerdagne. Les gardes de cette organisation sont de véritables réservistes prêts à intervenir rapidement. Ils sont astreints d'acquérir et d'entretenir, à leurs frais, leur équipement ; En contrepartie ils bénéficient d'avantages fiscaux et judiciaires.

Ont aussi été membres de cette "Capitainerie" Estève Busquet (1712-1781) beau-père de Joseph Parès de Mosset (1736-1770).et Bonaventure Castell (1716) avec son fils François Castell (1686-1760) respectivement beau père et beau frère de Maurice Matheu (1732-1812).

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Duc de Noailles
Duc de Noailles
Mosset en 1789 (4)

L'organisation administrative générale est toujours celle de l'ancien régime.

Jean Thomas, batlle depuis 1754, est décédé en 1788 à 80 ans. Son rôle était devenu secondaire et d'Aguilar ne s'était pas pressé pour le remplacer.
En 1789, la fonction est tenue par  Julien Corcinos (1745-1820) mais, comme nous le verrons, certains disent et écrivent qu'il "se dit batlle." plus qu'il ne l'est..
Il est assisté du sous-batlle, ou sergent, Julien Prats (1747) chargé de la police locale mais qui est aussi garde des forêts de d'Aguilar et, à ce titre, sous les ordres de Pompidor. Par ailleurs, la sécurité est assurée par deux clavaires, Maurice Cossey (1724-1813) et Léon Ville (1745-1821), nommés par la Communauté et soumis à l'autorité des consuls.
Les 3 consuls sont le jeune Isidore Lavila (1758-1825), premier consul, Bonaventure Cossey  (1732-1813) et Jean Anriquel (1741-1819).
Les biens de d'Aguilar sont gérés par Jacques Pompidor et qui, de ce fait, est le percepteur des dîmes.

Isidore Lavila contre Julien Corcinos
Isidore Lavila est l'homme clé de la Révolution à Mosset. Dernier Consul de l'ancien régime, il en tire toute la légitimité. Plus républicain que révolutionnaire, il met tout le dynamisme de ses 30 ans au service de la communauté. Il combat l'injustise et les privilèges avec un souci constant d'ordre et de lutte contre l'insécurité.

Llotge par J.J. Ruffiandis
La Llotja_1

Le 27 décembre 1788 est une date historiques qui marque le début du changement de régime. Le conseil communal devient "Conseil spécial" dont le représentant du seigneur est exclu. L'assemblée est réunie dans la maison consulaire du 5 Plaça de Dalt. Isidore Lavila, fait une première déclaration, comme il aime les faire, modèle d'engagement républicain et de probité. (4)
Messieurs.
La charge de consul, à laquelle la communauté a voulu me nommer, me met, aujourd'hui, dans une alternative bien critique. Cependant, l'honneur et la probité seront toujours mon guide et je  m'exposerai à perdre la bienveillance de mes plus grands amis pour soutenir les droits de la communauté qui me les confie. Je ne prétends jamais faire aucune démarche que, préalablement,  je ne vous ai fait assembler pour prendre votre conseil. Je suis persuadé que vos avis ne partiront que d'un esprit d'impartialité et de justice. Le caprice, la haine, la vengeance n'habiteront jamais parmi vous. C'est le moyen de ne pas s'enfourner dans de mauvaises affaires et de faire régner l'ordre dans la communauté.
Nouveau dans la charge de consul, je ne puis encore en connaître tous les usages. Cependant il me paraît que, de tout temps, on a appelé le batlle à tous les conseils qui se sont tenus mais je sais aussi que le conseil n'a pas voulu admettre le nommé Julien Corcinos qui se dit batlle.


Cependant je ne cacherai pas qu’il est bien désagréable, pour moi et pour mes collègues, d'être exposés à quelques affaires particulières en faisant assembler  le conseil sans son assistance. Je voudrais que vous trouviez un moyen pour que la communauté ne perdit pas ses droits et que nous ne soyions pas exposés.

C'est sur quoi je vous pris de délibérer après avoir réfléchi de nouveaux sur la suffisance des droits de la communauté."

Et sur cette proposition le conseil a délibéré "que jamais Julien Corcinos, soit disant batlle, ni aucun autre hors du corps municipal, ne doit assister aux Conseils Spéciaux qui se tiendront, attendu qu'il ne [prouve] pas à la communauté qu'il est batlle. Et d'ailleurs, il ne peut pas l'être conformément à l'usage et à la transaction faite entre messire don Galceran de Cruilles et la comunauté en date du 7 février 1647.
Et la communauté déchargera Messieurs les consuls de toutes les poursuites, qu'on pourrait faire contre eux, pour n'avoir pas appelé Corcinos à ces conseils spéciaux.
"
Avant de clôturer la réunion trois événements récents sont débattus. Ils renforcent ceux qui veulent écarter Corcinos. Les conflits entre les clavaires de police, Maurice Cossey et Léon Ville, soumis aux consuls et le sergent Julien Prats, homme de Corcinos, sont devenus insupportables La double autorité du batlle, représentant du seigneur, d'une part et, d'autre part, des consuls représentant le peuple, la première  l'emportant sur la seconde, doit cesser.
Le premier cas, en date du 22 décembre, concerne Joseph Pajau (1734-1794)  à qui Jacinthe Estéba  (1730-1794) aubergiste et boulanger (fermier du seigneur) refuse de vendre du pain. Les clavaires, après avoir verbalisé, font intervenir le sergent de police Julien Prats pour saisir des objets qui feront office de gages. Julien Corcinos, informé, a exigé du sergent de rendre les objets. Et les autres constatent : "Corcinos a empêché impunément le cours de la justice."  
Le second, en date du 20 novembre, concerne la réprimande, que Lavila a adressée au sergent Julien Prats. Il avait confisqué une bouteille de vin portée par la jeune Tereza Alzeu. Le sergent explique qu'il n'a fait qu'obéir aux ordres de Corcinos qui interdit la vente  hors du monopole du  cabaret seigneurial. Et les autres de commenter :"Corcinos semble, par ces procédés vouloir anéantir toute autorité consulaire."
Le troisième résulte de l'interdiction des tables de jeu, ouvertes au cabaret, pendant les offices divins. Julien Corcinos ordonne au fermier tenant le cabaret de d'Aguilar de ne pas se soumettre aux ordres des consuls.
Mosset vit en 1789 au rythme des Assemblées du Conseil Spécial qui se déroulent et se succèdent selon un  processus quasi invariable :
- appel des citoyens "au son de la cloche,"
- sous la présidence du premier consul, Isidore Lavila en présence des deux autres consuls
- dans la maison consulaire mais parfois dans l'église ou à la Plaçe de Dalt en fonction du nombre des participants.
- en présence des clavaires, Maurice Cossey et Léon Vila
- plus une dizaine de  personnes qui forment le conseil spécial.
le secrétaire, depuis le 25 janvier 1789, est Jacques Ruffiandis(
5). Il a remplacé Joseph Vilanove, l'instituteur.
Le 9 février, le Conseil Spécial se préoccupe du rôle des impôts dont il a été fait lecture la veille, à l'issue de la grande messe du dimanche, et pour lesquels "un nombre considérable de particuliers se trouvent surchargés." Joseph Prats (1742-1814), Augustin Garriguet (1737-1808), Joseph Galaud (1757-1816) et Pierre Angel Parès (1747-1806), qui prêtent serment, sont només taxateurs.

Les 15 et 16 février, le 19 avril et le 7 juin, le sujet est l'audit des comptes de la communauté depuis 1777. Ils ont été approuvés.

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l'approbation des cahiers de doléances

Le 13 avril c'est l'approbation des cahiers de doléances et la désignation des 4 "députés" qui "ont accepté ladite commission et promis de s'en acquitter fidèlement : " Izidore Lavila, Jean Escanyé, Joseph Porteil et Léon Vila iront les porter et les défendre, le 16 avril, au juge du Siège Royal de la Viguerie du Conflent et Capcir à Prades(6) , après que les textes aient été lus par le vicaire Galiay au prône de l'église le dimanche précédent.
Suivent 25 signatures mais sans celles de ceux qui sont liés à d'Aguilar : Jacques Pompidor, Maurice Matheu, Julien Corcinos, Julien Prats mais qui, intelligemment, sauront rapidement devenir des leaders de la Révolution mossétane.

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Mosset et les brigands (4)

Huit cents brigands aux portes de Mosset ?
Au soir du 5 août 1789, Isidore Lavila reçoit une première lettre des consuls de Montfort-sur-Boulzane et une seconde le lendemain matin. Montfort est, dans l'Aude, à une douzaine de kilomètres de Mosset en ligne droite et à moins de 4 heures de marche.

Première lettre - Montfort le 5 août 1789.- Messieurs
"Quoique nous soyons d'une province différente de la vôtre, nous ne sommes pas moins voisins et citoyens. C'est en ces deux qualités, que nous croyons devoir vous prévenir des malheurs qui nous menacent et afin que vous vous teniez sur vos gardes et, aussi, que nous puissions nous secourir mutuellement.
Les consuls de Caudiès viennent de nous donner avis qu'il y a, du côté de Quillan, une bande de brigands, d'environ 800 hommes, qui ont dévasté Rivet et d'autres villages du côté de Puivert et Quillan.
En conséquence nous avons enrôlé tous les habitants de notre communauté capables de porter les armes et nous sommes toujours prêts à marcher au secours de nos voisins.

Sébastien Escanyé (1759-1832)
Signature de Sébastien Escanyer (1759-1832)

Armement des particuliers
de Mosset en 1792
     - fusils 12 sabres ou épées 9 - pistolets 7 -

Nous espérons que vous voudrez bien nous faire connaître vos intentions sur le secours que nous devons nous porter et si nous pouvons compter sur vous, dans le cas où nous aurions le malheur d'en avoir besoin, comme vous pouvez compter sur nous en toutes les occasions. Il serait bien que vous préveniez les communautés voisines."

Post-scriptum :

« En mon nom particulier. Je vous en prie. Je serai à la tête de 100 hommes. N'en parlez point à ma mère.»

Sébastien Escanyé

La lettre, signée par un consul, porte le post-scriptum suivant signé Sébastien Escanyé (1759-1832) : "Ne croyez pas que cette lettre soit un badinage. Je vous assure que c'est la vérité qu'on vous y annonce."

Seconde lettre
Elle est écrite par le seul Sébastien Escanyé qui fait partie en 1789 de la commission qui rédige le cahier de doléances du Roussillon et sera Commandant de la Garde Nationale de Vinça. Rappelons qu'il est né à Mosset dans la maison qui porte sa date de naissance "1759 - Dia 24 mars" au 1 Escaler d'en Dolfe et qu'il sera député en 1791."

Messieurs,

Si vous êtes citoyens, si vous nous regardez comme vos frères, si enfin vous êtes secourables, venez avec  autant d'hommes armés que vous pourrez. Les brigands sont à La Peyre et on les a vus descendre à Axat. Les consuls de Lapradelle et ceux de Caudiès et enfin ceux de tous les villages voisins viennent de nous écrire pour nous prier de partir incessamment et de se joindre à Lapradelle à la pointe du jour. Il faut prévenir ces scélérats et ne pas les laisser approcher de nos villages. Ainsi, Messieurs, assemblez autant d'hommes que vous pourrez et venez de suite armés avec des fusils, haches, broches ou triques. Le temps presse. Vous pouvez passer par ici où vous serez attendus par 25 hommes. Les autres prendront le devant.
Nous sommes avec les sentiments des vrais patriotes. Vos amis et serviteurs."

Sébastien Escanyé pour les consuls de Montfort
Post-scriptum : "En mon nom particulier. Je vous en prie. Je serai à la tête de 100 hommes. N'en parlez point à ma mère."

Mosset le 6 août 1789

A Mosset, en toute urgence, les cloches sont sonnées et les deux lettres sont lues dans l'église aux citoyens assemblés autour de Lavila et d'Escanyé. On le croyait parti "à la tête de 100 hommes."
Tous les Mossétans qui sont en mesure de porter les armes sont réquisitionnés. Maurice Matheu, 62 ans, en prendra le commandement.
"Attendu que notre communauté se trouve dépourvue de fusils et de munitions de guerre, Isidore Lavila est chargé de demander au commandant de la place de Villefranche de prêter et fournir une centaine de fusils avec les munitions... Cette délibération sera diffusée au commandant de la province et aux autres villes de Conflent ainsi qu'au seigneur de notre communauté Monsieur le marquis d'Aguilar." Les règles du moment sont encore respectées.
La délibération porte les signatures habituelles mais aussi celles de ceux que l'on peut considérer comme des "conservateurs" qui se manifestent pour la première fois : Jacques Pompidor et surtout le curé Joseph Parer. Celle de Julien Corcinos n'y figure pas.
On ne sait rien de la suite et des actions menées contre les 800 brigands. Que sont-ils devenus ? Le principe de précaution n'était pas, en 1789, inscrit dans la constitution mais tout laisse croire qu'il en a été largement abusé. On ne connaît que le procès verbal de la réunion du surlendemain. Elle paraît clore l'événement. Là aussi, on sent la démesure mais Mosset, porté au pinacle, ne s'en plaindra pas.

La ville de Montfort reconnaissante
Assemblée sur la place de Montfort, le 9 août 1789, plus d'une centaine d'hommes, parmi lesquels Sébastien Escanyé, Nicolas Laguerre mais très peu de Mossétans, le premier consul de Montfort, fait les propositions suivantes :
"
Je ne doute pas que vous ne soyez tous pénétrés de la plus vive reconnaissance envers tous les habitants de la ville de Mosset. Je suis persuadé qu'il n' en est pas un parmi vous qui ne verse jusqu'à la dernière goutte de son sang pour défendre ladite ville si elle se trouvait dans le cas où nous avons cru l'être nous-mêmes. Le zèle avec lequel ces généreux voisins ont volé à notre secours sur une simple lettre que je leur ai écrite, pour leur faire part de nos alarmes, est une preuve authentique et non équivoque de leur affectueux dévouement… et nos descendants pourraient oublier le grand service que nous venons de recevoir... Il est encore de notre devoir de l'inscrire dans nos annales."

Après délibération le procès verbal renchérit : le village de Montfort "ne peut jamais méconnaître le service important que la ville de Mosset a voulu lui rendre en envoyant à son secours une grande quantité de ses habitants.

Carte avec Mosset e Montfort

Ils ont montré le plus grand zèle pour défendre cette communauté et pour aller, même, prévenir l'arrivée des brigands dont on nous menaçait de l'approche et, qu'en conséquence, il ne laissera jamais échapper aucune occasion pour témoigner à cette généreuse ville la juste reconnaissance dont la présente assemblée est pénétrée.

Est déclaré coupable d'ingratitude quiconque de ce village de Montfort oserait refuser son secours à ladite ville de Mosset, à quelque époque que ce soit, si elle se trouvait en avoir besoin pour des causes justes et légitimes."

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La ville de Montfort témoigne

«… la plus vive reconnaissance envers les habitants de la ville de Mosset. »   

Banquet républicain organisé le 6 août 2009 à Caudiès

Ce banquet est organisé le 6 août 2009 pour célébrer le 220ième annivarsaire de la premuère Fédération de France tenue le 6 août 1789 sur la place de la Fédération à Caudiès de Fenouillèdes.

La Fête de la Fédération nationale est la fête qui fut célébrée au Champ-de-Mars de Paris, le 14 juillet 1790, premier anniversaire de la prise de la Bastille.
A Caudiès, cette fête de l'union fut célébrée moins d'un mois après le 14 juillet 1789. C'est donc bien la Première fête de la Fédération en France.


Joseph Armagnace écrit :

"Le cinq août, un express venu de Bugarach, annonce la présence des paysans du côté de Chalabre et de Rivel.
Les émeutiers approchaient, on les avait vus près de Quillan. L'alarme fut vive. Le tocsin sonna toute la nuit.
À la nouvelle du danger qui menaçait Caudiès, prés de 1500 patriotes accoururent des villages voisins, notamment de Saint-Paul, Montfort, Sournia et Mosset. Mais la journée se passa sans que l'on aperçut les bandes armées que l'on redoutait.

Plaque commémorative de 1779 à Caudiès

La municipalité de Caudiès profita de ce répit pour garder les généreux compatriotes qui avaient volé au secours de la commune.
Elle vota 500 livres qui, jointes aux dons des habitants, servirent à l'organisation d'un immense repas. Ces agapes fraternelles eurent lieu dans le pré dit du Saint-Sacrementqui à partir de ce jour servi à célébrer en plein air toutes les réjouissances révolutionnaires.
Et le soir du six août, une Fédération, la Première de France, fut solennellement jurée. Là, les chefs des troupes accourus des divers villages affirmèrent qu'ils étaient toujours prêts à voler au secours de Caudiès. Le maire, Pepratx, les remercia au nom de la population, et, pour cimenter les sentiments patriotiques qui groupaient tous les citoyens de la région sous le même drapeau, il déclara qu'il serait aussi nécessaire que glorieux, de former entre toutes les communes voisines une fédération « qui, dit-il, réunissant nos intentions et nos serments, nous trouverait le bonheur de maintenir de toutes nos forces le bien de la nation. » Les étrangers pressants acclamèrent cette propositionil en jurant solennellement, au milieu d'un enthousiasme indescriptible, de se porter mutuellement assistance dans toutes les occasions."

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La milice nationale de 1789

Origine des milices de 1789
Les milices sont le contrepoids aux événements populaires violents de 1789. Les bourgeois réformateurs veulent contrôler et limiter les effets de ces mouvements spontanés et anarchiques qui pourraient les dépasser dans leur volonté réelle de changement. L'exemple national typique de ces "dérapages" est la prise de la Bastille le 14 juillet.  En réaction, la ville de Paris créera immédiatement la première Milice Nationale.
A Prades(
7), les 27 et 28 juillet, " les bureaux sont pillés... dès que parvient la nouvelle de la prise de la Bastille."
De tels actes provoquent un réflexe sécuritaire général et, à l'exemple de Paris, chaque commune se dote d'une milice dont la mission officielle est d'assurer la sécurité intérieure, l'armée assurant la sécurité extérieure.
Le 27 juillet à Perpignan, on compose, "une milice bourgeoise et, dans l'enthousiasme populaire et à l'unanimité, on en confie le commandement au Marquis d'Aguilar(
8)." Ce d'Aguilar est le fils de Pierre d'Aguilar, encore seigneur de Mosset. Ce dernier sera, quelques mois plus tard, le premier maire de Perpignan.
La naissance de ces milices, plus ou moins improvisées, conduit le pouvoir à les organiser et les justifier : "La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confiée."
A Mosset, l’annonce des 800 brigands signalés par Sébastien Escanyé dans la région de Montfort, en août dernier, quelle qu'en soit la réalité et la nature, a fortement influencé les esprits et favorisé la mise sur pied de la Milice locale.

Création de la Milice à Mosset (4)
Isidore Lavila a mis toute son ardeur dans l'information des citoyens et l'organisation de cette   force. Tout a été fait pour que les habitants prennent conscience des menaces qui pèsent sur leur tranquilité. Dès le 23 août, "la déclaration du Roi, l'arrêté de l'Assemblée Nationale du 9 août" ont  été affichés et lus au prône de l'église. On remarquera, au passage, qu’en 1789, deux siècles avant internet, le texte d’un décret était lu à Mosset, deux semaines plus tard.

Contre l’insécurité
Le Dimanche 6 septembre 1789, une nouvelle déclaration du Roi est affichée et lue dans l'église. Elle est suivie d'un grand rassemblement de 300 hommes à la Plaça de Dalt.

La prise de la Bastille

Le premier consul, dans sa grandiloquence habituelle et de bon ton de l’époque, prend la parole :    " Si vous n'étiez déjà instruits des troubles qui affectent la France… je vous en instruirais aujourd'hui. Vous comprendrez, Messieurs, qu'il est de notre prudence de nous mettre en garde contre toute sorte de gens mal intentionnés."

En bon père de famille il les met aussi en garde contre eux-mêmes : "Et même les citoyens, dans les bornes du devoir, en les empêchant de se porter à des excès et d'user d'une excessive et pernicieuse liberté, que le défaut de subordination ne met que trop souvent en feu.  Je ne doute pas que vous ne soyez portés aux biens de l'ordre et que vous ne voyiez avec des yeux d'indignation les troubles et désordres qui sont arrivés. Il ne vous en coûtera donc pas pour faire une association qui tende à les prévenir et les faire cesser si le cas y échoit.
Je vous propose donc, Messieurs de créer une Milice Nationale
composée de tous les habitants capables de porter les armes pour le maintien de la paix, la défense des citoyens et contre les perturbateurs du repos public."
Il a été "unanimement délibéré" de créer cette Milice. Tous ceux qui voudront volontairement se faire enrôler pourront s'inscrire chez le secrétaire Jacques Ruffiandis dès le mardi matin suivant. Ensuite la milice sera organisée en compagnies, les chefs seront nommés et il sera prêté serment. Parmi les nombreuses signatures, on remarque celles de Sébastien Escanyé et Maurice Matheu.

Les 8 et le 13 septembre 1789
Mais, le mardi 8, l’enthousiasme est tombé. Le nombre d'inscrits est insuffisant. Les citoyens qui sortaient de la messe du dernier dimanche sont aujourd’hui aux champs et dans les cortals.  Le Conseil Spécial reporte sa réunion au jour du seigneur suivant. On pensait organiser à partir d’une liste de 300 noms, on fera le contraire : on organisera et les absents seront inscrits d’office. La méthode de l'amalgame des volontaires et des volontaires élus ou désignés sera quasi systématique pendant la Révolution. Elle permet de dresser des listes conformes aux objectifs de ceux qui les ont exigées.
Le Dimanche suivant 13 septembre, dans la maison consulaire, le "secrétaire fait la lecture de tous ceux qui se sont fait inscrire volontairement "
Le conseil spécial forme ensuite " 8 compagnies dans le nombre égal pour chaque compagnie, des enrôlés ou non enrôlés." Les archives détiennent le brouillon du tableau correspondant qui donne les noms de 226 hommes, volontaires ou non.(
9)

Encadrement de la Milice Natioale de Mosset en 1789

Compagnie

Capitaine

Lieutenant

Sergent

Caporal

Première

Pierre François Arrous  (1724-1801)

Gaudérique Porteil
(1779-1860

Cosme Thomas
(1774-1836

Joseph Escanyé
(1756-1832)

Deuxième

Joseph Porteil
(1752-1824)

Jean Climens
(1761-1849

Louis Oliver
(1759-1832)

Isidore Dirigoy
(1756-1811)

Troisième

Martin Climens
(1751-1828)

Thomas Corcinos
(1770-1867)

Joseph Estève
(1760-1834)

Joseph Terrals
(1766-1838)

Quatrième

Bonaventure Matheu
(1775)

Jacques Costeseque
(1723-1800)

Joseph Cantié
(1756-1824)

Marc Ruffiandis
(1740-1818)

Cinquième

Jacques Ruffiandis

Joseph Vilenove (1720->1792)

Valent Comaills
(1761)

Joseph Fabre
(1749-1806)

Sixième

Augustin Garriguet
(1737-1805)

Jean Ruffiandis

Jacques  Comenge
(1761-1826)

François Sagui
(1771-1797)

Septième

Joseph Prats
(1742-1814)

Isidore Pompidor
(1770-1837)

Jean Not
(1754-1811)

Jacques Cortie

Huitième

Jean Escanyé
(<1742-1796)

Jacques Fabre
(1749-1816)

Sébastien Pacouil
(1745-1822)

Pierre Mas
(1755-1821)

Le procès verbal du conseil précise les missions et les sanctions à l’égard des réfractaires : " Chaque compagnie, à tour de rôle, sera obligée de faire patrouiller chaque nuit. Quiconque contreviendra ou refusera d'obéir à son supérieur sera condamné et nous condamnerons à la peine de 24 heures de prison et 20 Sols payables sommairement au capitaine de la compagnie et, plus encore, en déclarant indignes de porter le nom de citoyen tous ceux qui s'y refuseront."
Puis le conseil procède à la nomination des chefs (Tableau ci-dessus). Dans ce groupe de commandement, on distingue quelques futures figures des membres des municipalités mossétanes des 10 prochaines années comme Pierre-François Arrous, Joseph Porteil, Martin Climens, Joseph Prats, Joseph Estève, Jean Ruffiandis, Joseph Terrals, Valent Comails, Jacques Comenge, Isidore Dirigoy et Sébastien Pacouil.
On découvre plusieurs membres d'une même famille, souvent dans la même unité : dans la 1ère compagnie, Pierre-François Arrous, soldat de 35 ans, est sous les ordres du capitaine Pierre-François Arrous, son père de 65 ans. Si le fils se dérobe il paiera 20 Sols à son père. Les plus jeunes côtoient les plus âgés : le soldat Thomas Grau (1774-1836) de 18 ans et Pierre François Arrous (1724-1821), 65 ans.

La milice de 1789 n'est connue que par les registres de sa création, On ne sait rien de l'exercice réel de ses missions. L'insécurité ne devait pas être aussi forte que ne le craignait Isidore Lavila. Elle a probablement peu ou pas remplie ses fonctions. Il est certain que l'équipement était des plus frustres : quelques fusil, quelques sabres.
Elle est néanmoins la première organisation de type militaire importante à Mosset comme dans l'ensemble du Conflent. Elle préfigure les futures Gardes Nationales locales qui subsisteront, sous tous les régimes, jusqu'en 1871. La première est celle de 1791. Nous la découvrons dans le prochainement.

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Références :

1 - ADPO 3E9/182
2 - ADPO 1C668
3 - http://histoiredemosset.fr/combattants.html
4 -
ADPO 100EDT10
5 - Ses honoraires sont de 90 livres par an.
6 - ADPO 100EDT2
7 - Histoire des catalans de Michel Bouille et Claude Colomer
8 - .Une société contre l'état de Michel Brunet. http://histoiredemosset.fr/aguilar_maire.html
9 - ADPO 100EDT45.

 
Mis à jour le 13/02/2018
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