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Le pin bicentenaire
Vous avez tous vu notre pin communal, celui qui se dresse, sur nos têtes, au-dessus du clocher. Certains quadragénaires l'on déjà vu 300.000 fois. Et vous, qui ne le voyez qu'au mois d'août, le connaissez-vous ? Il est né en février 1802.
Tout d'abord elle a amassé, pendant des décennies, des poussières et des herbes sèches dans un coin abrité du clocher pour, peu à peu, constituer un substrat favorable. Ce véritable nid étant prêt, elle a arraché, probablement sans ménagement, sur les pentes de "Ladou" sous la "Foun de l'Entounedou", une graine de pin sylvestre, une variété des plus résistantes, sélectionnée sur les terres les plus prometteuses, pour enfin la transporter et la déposer sur notre clocher. "Ladou", pourquoi ? Depuis deux siècles la communauté de Mosset luttait contre le seigneur de la baronnie au sujet des droits des habitants sur les vacants du territoire. Alors que les Révolutionnaires les plus aisés avaient réussi le partage des biens immobiliers de d'Aguilar au village, les vacants restaient propriété de l'exilé. En 1802 la cause paraissait perdue. Alors des forces brutales et aveugles se sont déchaînées. Comme les actuels arracheurs de maïs transgèniques, les brassiers de Mosset ont commencé à défricher les forêts contestées de "Ladou" et les deux gardes de d'Aguilar ont été assassinés. Au total six personnes y ont perdu la vie. Et alors comme la colombe portant le brin d'olivier, la tramontane a porté la graine dérobée aux terres contestées. Mais si ainsi il était mis fin aux hostilités, cette graine devenue arbre, n'en restait pas moins, face à l'ancien château des d’Aguilar, au même niveau, pas au-dessus mais pas au-dessous, le symbole du défit, de l'opiniâtreté et de la continuité de ceux qui persistaient à faire valoir leurs droits. Sous l'égide du pin haut-perché, la lutte se poursuivit sur deux générations. Le différent fut résolu en 1861, le pin mesurait alors 1,60 m, taille moyenne du conscrit mossétan de l’époque, mesurée sous la toise du conseil de révision. Mais cette tramontane, sans laquelle le pin mythique ne serait pas, est devenue le pire des adversaires. Au début, haut de quelques centimètres, abrité, presque coincé entre la borne d'angle, la maçonnerie qui entoure l'horloge et le mur de la guérite de protection de l'escalier, il s’est développé sans grande difficulté, seule la sécheresse le mettait à l’épreuve. Puis, prenant de la hauteur, la tramontane n'a eu de cesse de le pousser, inlassablement, de jour comme de nuit. Il résista, il se cramponna. Au risque de déstabiliser son support, il enfonça encore plus profondément ses racines, qui se faufilaient entre les pierres.
Un examen attentif montre un tronc régulier de 15 centimètres de diamètre sur une hauteur d'un mètre à partir du bas. Son support vital ne couvre pas plus de 1 m 2 . C'est un substrat organique de 20 à 25 cm d'épaisseur constitué de terre et d'aiguilles. Le pin produit quelques cônes miniatures de 1 cm de diamètre mais probablement stériles. Les pousses sont réduites. Il paraît avoir trouvé un équilibre avec le milieu environnant. Il ne se développe probablement plus mais paraît recevoir suffisamment d'eau de pluie pour sur vivre encore longtemps. Pourquoi dans des conditions extrêmement sévères notre pin a-t-il si bien résisté ? De quel environnement exceptionnel a-t-il bénéficié ? Qu'a-t-il trouvé qu'il n'aurait pas eu en d'autres lieux ? La seule particularité est le clocher. Que lui apporte-t-il ? Bien entendu c’est l’acoustique du lieu. Il baigne régulièrement dans les vibrations sonores émises par les cloches religieuses et l'horloge laïque. L'intensité sonore générée par les cloches à quelques mètres de distance est extrêmement élevée. Peut-être 110 dBA. Un niveau difficile à supporter ; un homme n'aurait pas résisté dans des conditions semblables. Le nombre de cérémonies sur la période est de l'ordre de 20000, soit en moyenne une centaine par an, ou une tous les 3 ou 4 jours. Donc forte intensité mais relativement peu fréquente comparée à la diffusion de l'heure. L'analyse des délibérations municipales montre qu'une horloge a toujours existé à Mosset depuis l'an 1800. Par contre l'horloge actuelle n'a été mise ne place qu'au XX ème siècle, comme le prouve la carte postale de 1900. L'emplacement exact et le système utilisé au XIXème siècle, ne me sont est pas connus.
En supposant qu'il a toujours été ce qu'il est actuellement, c'est à dire fonctionnement chaque 1/4 d'heure, chaque heure, de jour et de nuit, tous les jours, l'horloge s'est manifestée 40 millions de fois. On peut imaginer que l'effet sonore agit de deux façons : tout d'abord sur l'arbre lui-même, les vibrations sonores favorisant l'action de la sève, un peu comme ces plantes d'appartement qui se développent d'autant mieux que la maîtresse de maison leur parle avec tendresse et considération. Mais l'effet le plus important serait dû à l'élimination des parasites et des moisissures qui ne sauraient résister aux vibrations sonores répétées.