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Climens contre Borreil
Le premier procès-verbal sur cette affaire est dressé par Maurice Matheu, juge de paix et officier de police judiciaire du canton de Mosset Du 21 août 1799 (4 fructidor an VII) il nous apprend que,
"Sur la clameur publique, il s'était produit un assassinat sur la partie du territoire de Mosset dite "Tauleria", à 1/2 heure de Mosset. Maurice Matheu, accompagné des notables : Jacques Ruffiandis officier de santé, Thomas Grau (1774-1836), Sébastien Bazinet (1777-1845), avait trouvé, sur le chemin de Mosset à Montfort, entre deux rochers au départ de la métairie "den Mosolle" au-dessus de la 'Tauleria", Sauveur Augustin Climens, cultivateur de Mosset, étendu par terre et baigné dans son sang, provenant des blessures qu'il avait sur son corps."
Sauveur Augustin Climens dit Augustin est cultivateur et berger à Mosset. Né le 19 septembre 1743 à Mosset, il a épousé en 1772 Marie Anne Corcinos (1744-1788). Veuf, il habite probablement avec son fils Lin Climens (1772-1845) au 2 Escaler de Bonavista.
Il y est transporté immédiatement et étendu sur son lit afin que le chirurgien Jacques Rouffiandis puisse l’examine et rédiger son constatepas moins de 7 blessures
En effet il les décrits ainsi
"1. une plaie avec perte de substance à la partie antérieure et inférieure de la jambe gauche à l'extrémité du tibia, longue d'un pouce et demi [4 cm] et profonde de 5 lignes [1cm];
2. autre plaie avec perte de substance à la partie antérieure et inférieure de la jambe gauche à l'extrémité du tibia, longue d'un pouce et demi et profonde de 5 lignes ;
3. autre plaie à l'avant bras ;
4. autre plaie au visage des tempes au nez ;
5. autre plaie au visage à la lèvre supérieure ;
6. autre plaie à la tête aux pariétaux ;
7. autre plaie … "
Martin Climens (1751-1838) 48 ans, ancien maire de 1794 et cousin de la victime, puis François Dimon (1758-1819) 40 ans, cultivateurs de Mosset et premiers témoins, sont interrogés deux jours plus tard, le 23 août 1799 (6 fructidor). De l'audition d’Antoine Mir (1736) 63 ans et de son fils Paul Mir (1780) 19 ans et de Paul Saget (1755) 45 ans, tous les trois de Campôme, il ressort que la veille du jour de l’agression, vers 5 heures du soir, alors qu'ils moissonnaient un champ du blessé, situé au "Pla de Pons", le nommé Joseph Borreil est venu dire à Lin Climens, fils du blessé, qu'il a des droits sur un champ des Climens. Une altercation s'en suivit.
Joseph Borreil est dés lors suspecté d'être l'auteur de l'agression et il est prévenu "d'avoir frappé à coups de sabre Sauveur Augustin Climens dans le dessein de le tuer."
Joseph Borreil (1768-Avant 1830), âgé de 32 ans, est né à Campôme en 1768 mais habite Mosset. Il a épousé Jeanne Costeseca de Mosset. Il mesure 1 mètre 67 (5 pieds, 2 pouces), ses cheveux sont clairs et son visage est allongé.
Le 24 août 1799 (7 fructidor), Etienne Craste (1772), qui porte le titre d’huissier, et qui sera jugé pour assassinat mais non condamné quelques années plus tard, se rend, fort d'un mandat d'amener, chez Joseph Borreil. Mais n'y trouve que sa femme, Jeanne Costeseca et sa soeur Marie Rose Costeseca (1768-1831). L’épouse ne sait pas où se trouve son mari.
Investigations des autorités de Prades
A Prades, le commissaire du Directoire exécutif, qui considère que l'affaire n'est pas du ressort du juge de paix du canton de Mosset, reprend les investigations et poursuit l'instruction. Trois mois après l’agression, "le 2 frimaire courant (23 novembre 1799), les citoyens Albert Tarral et Laporte, gendarmes nationaux du département en résidence à Prades, sont porteurs d'un mandat d'arrêt contre Joseph Borreil, prévenu d'avoir attenté à la sécurité individuelle d'Augustin Sauveur Climens, l'ayant frappé à coups de sabre dans le dessein de le tuer, l'ont conduit à la maison d'arrêt de Prades."
Interrogé le lendemain, Joseph Borreil répond qu'il est faussement prévenu du délit dont on l'accuse. "Sauveur Climens ne l'a accusé que parce que ils avaient eu des disputes ensemble au sujet d'un morceau de terre que le dit Climens lui avait semé, sur laquelle il demandait son droit, que cette demande fut suivie, de la part du dit Climens, de menaces, et même qu'il lui tira un coup de pierre qui l'atteignit au bras gauche, duquel coup il entendait poursuivre le dit Climens et que celui-ci pour empêcher une pareille poursuite l'a accusé."
On note qu'aucune partie plaignante ne s'est présentée dans les 2 jours qui suivent la remise du prévenu à la maison d'arrêt. A la suite de l'ordonnance du 5 frimaire an 8 (11 décembre 1799), le prévenu est alors traduit devant un jury spécial qui déclare que l'accusation est fondée. Ce jury est constitué de :
François Brandoly de Marquixanes,
Sébastien Porra de Serdinya,
Pares ou Paris aîné de Corneilla,
Joseph Levis d'Olette.
Mais Joseph Borreil disparaît. Le 20 nivose an 8 (10 janvier 1800), un huissier se rend à son domicile assisté de Julien Prats (1747-après 1807) remplissant les fonctions de crieur public.
Le 12 prairial an 8 (1 juin 1800), il est jugé par le tribunal criminel des Pyrénées Orientales par contumace et est condamné à mort.
Sans que l'on sache si Joseph Borreil a été arrêté ou s'est présenté aux autorités, il est interrogé le 1 prairial an 9 (21 mai 1801). En ce qui concerne le jour du crime, le 4 fructidor an 7, il a un alibi : "Il partit de Mosset à 5 heures du matin, au lieu dit "Estardé" avec Jacques Verdier, Etienne Radondy (1766-1813) dit '"Pagot" et Baptiste Bruzy (1749-1822 dit "Gayo"). A "Estardé", ils travaillèrent tout les 4 toute la journée et en plus avec Augustin et Michel Mestres, deux frères de Campôme, qui moissonnèrent avec eux."
Jugement du Tribunal criminel des Pyrénées Orientales du 13 messidor An IX (2 juillet 1801)
"Le conseil de l'accusé a requis que le citoyen Sauveur Augustin Climens (1743-1812) et le citoyen François Pares, 7e et 18e témoin de la liste en soient rayés, attendu que Parès a rempli les fonctions d'accusation et que la déposition de Climens écrite dans le procès verbal annexée à l'acte d'accusation a été lue aux jurés."
"Quoique le citoyen Pares ait rempli les fonctions de juré d'accusation, il n'a pas rempli celles de juge ; qu'en outre ses fonctions sont finies et qu'il peut avoir eu connaissance du crime et que Sauveur Augustin Climens, blessé ne peut être considéré comme véritable témoin dans toute l'étendue du terme mais bien comme un indicateur. Les deux citoyens seront donc entendus."
Les témoins entendus sont les suivants :
1. Martin Climens (1752), cultivateur, 48 ans,
2. François Dimon (1758-1819), cultivateur, 42 ans,
3. Paul Saget (1755), 45 ans,
4. Antoine Mir (1736), 63 ans,
5. Paul Mir (1780), 19 ans, fils d’Antoine,
6. Françoise Mir (1785), 14 ans, fille d’Antoine,
7. Augustin Lin Sauveur Climens (1777-1845), 37 ans, cultivateur,
8. Anne Marti (1743-1817) femme Pacouil (1745-1822), 50 ans, tous de Campôme.
9. Julien Cantier (1778), 21 ans, tailleur,
10. Thérèse Matheu (1781), 18 ans, fille du juge de paix,
11. Sébastien Pacouil (1745-1822), 52 ans, tailleur,
12. Françoise Matheu (1784-1850), 16 ans, fille du juge de paix,
13. Michel Salgas (1732), 67 ans, cultivateur,
14. Marguerite Gaspar (1748-1836), 36 ans, épouse de Joseph Assens (1745-1829), tous de Mosset
15. Martin Jampy (1763), 36 ans, cultivateur, de Corneilla du Conflent,
16. Simon Illes fils (1765), 34 ans, de Corneilla du Conflent,
17. François Pares (1765), 34 ans, maire de Corneilla du Conflent.
L'accusé a exposé divers faits sur lesquels les citoyens, produits par l'accusé, ont été entendus :
1. Augustin Mestres,
2. Michel Mestres,
3. Etienne Radondy dit "Pagot", (1766-1813)
4. Baptiste Bruzy, dit "(1749-1822).
Aux questions : "Est-il constant que :
1. le 4 fructidor an 7, Augustin Sauveur Climens a été blessé ?
2. Joseph Borreil en est-il l'auteur ?
3. L'acte était-il volontaire ?
4. Avec le dessein de tuer ?
5. Avec préméditation ?
Les réponses sont positives sauf à la quatrième.
Joseph Borreil est condamné à 1 an de prison, 1000 francs d'amende et aux dépens. Mais le 15 messidor an 9 (4 juillet 1801), le commissaire du gouvernement demande la cassation du jugement
Jugement du Tribunal de cassation des Pyrénées Orientales du 17 fructidor An X (4 septembre 1802)
La condamnation est réduite à 1000 francs d'amende et 500 francs de dépens.
Le maire de Mosset, Isidore Lavila, fait savoir, le 30-12-1806, que Joseph Borreil n'est pas solvable. (ADPO 2U181 et 2U40).