Abbaye de Clariana - Histoire de Mosset

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Abbaye de Clariana

XVIIe siècle

L’ABBAYE DE CLARIANA

Saint ANDRÉ de JAU
ou
Sainte MARIE de JAU

Remarque liminaire

Le texte qui suit est de Monsieur Michel Grosselle que je remercie de me permettre de le publier. Alors que le site sur l'Histoire de Mosset ne traite pas les périodes antérieures à 1600 des éléments sur le Moyen âge et en particulier sur l'abbaye de Clariana y sont les bienvenus.

Ruines de l'abbaye de Clariana en 2013
Clarianz Vue Générale

Préface

Ce document est issu de la collection GALLICA de documents numérisés de la Bibliothèque Nationale de France (BNF). L’Abbé Jean Baptiste de Roquelaure dans son livre « Histoire de la Haute Vallée de l’Aude » paru en 1879 et maintes fois rééditée, et toujours en vente actuellement, nous parle du Monastère de « Saint André de Jau ». Depuis, dans bien des publications, on le retrouve sous cette appellation. Or, il n’y a eu qu’un seul Monastère près du Col de Jau et il s’agit bien de celui dont il est question ici, qui est également connu sous le nom du « Monesty ou Monestir ». Nous verrons qu’il fut appelé également « Cleyriana » dans certains actes ainsi que « Clariana » du nom de sa montagne. [De l'autre côté du Col de Jau, dans l'Aude,] ceci est à rapprocher de la rivière, affluent de l’Aiguette, la Clarianelle qui a sa source près du Col de La Maranne, également d’un ancien lieu-dit de Counozouls « Le Peyron de Clarianne » (Carte de Me Tribillac en 1900, de La Coume d’En Garaud) et aussi du nom que portait, en ce temps-là, à Evol et en Capcir le Massif de Madres, celui de « Clarianne ! » (Histoire du Capcir et des capcinois, Etienne Badie 1986 et Revue Terra nostra n° 53, 54, 55, 56 - 1986) et (Notice historique de la Vicomté d’Evol des communes d’Evol et d’Olette, de Bernard Alart. Volume 46 de la Sté Agricole, Scientifique et Littéraire des P.O. (1905)).

A n’en pas douter, pour nos anciens le Massif de Madres portait le nom de Clarianne.

Mais M. Alart nous dit aussi « … monastère désigné sous les noms de Calana et de Dovaria, et sous celui de Monasterum de Januarus ou de Jano » et cite sa source : Le « Gallia Christiana », tome 6, qui concerne les diocèses de la Narbonnaise. Nous trouvons dans cet ouvrage paru en 1739 une carte, sur laquelle sont portés les deux noms du monastère : St Andreas et Beati Maria de Januarus mais surtout le texte intégral qui le concerne. Nous relevons ici « vel Jau » (ou autrement Jau) et « vel de Jano » ou autrement de Jano)  En voici d’ailleurs le texte intégral.


C   L   A   R   I   A   N   A.

A Lio nomme Calana & Dovaria, sive etiam monasterium de Januariis vel de Jano, ut scribit Jongelinus in sua ordinis Cisterciensis abbatiarum notitia ; fortasse Jau, vel S. André de Jau diœcesis Helenensis, filia Ardorelli e linea Pontiniaci, jam exstabat anno 1162 quo Artaldus Helenensis episcopus hanc abbatiam tradidit Ardorellensi abbati. Sita est supra montem de Moncet juxta Corbariæ vallem, sed modo tum monachis tum ædificiis destituta est.


A   B   B  A  T   E   S.

I ) Martinus abbas erat monasterii de Clariana anno 1162 quo illud Ardorello traditum est.
II ) Raimundus Petri abbas de Clariana ord. Cisterc. obiit VI. calend. Decembris ex necrol. Silvæ majoris tom. IX. fragm. Stephanotii.
III ) Josephus Chaupi al. Kaupi baccalaureus Parisienfis a rege nominatus est abbas B. Mariæ du Jau die XI Aprilis an 1705.

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Dans un autre lieu nommé Calana et Dovaria où était le monastère de Janus ou de Jano comme l’écrivit Jongelinus dans sa mise en ordre (des actes) de l’Abbaye Cistercienne qui le fit connaître ; ou alors Jau ou aussi St André de Jau, au diocèse d’Elne, « fille » d’Ardorell de la lignée de Pontigny, existant déjà en l’an 1162, et dont Artaldus Evêque d’Elne dit qu’il appartient à l’Abbaye d’Ardorell, qu’il est situé sur la montagne de Mosset et jouxte la vallée de Corbaria, mais tantôt occupé par des moines, tantôt délaissé.

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Ce texte est instructif pour le nom du Col de Jau. Il s’agit donc du Col de Janus, Dieu des portes et passages, représenté avec deux visages surveillant entrée et sortie. Egalement des commencements et présidant au début de chaque année dans son temple. (d’où le 1 er mois de l’année : Janvier, Januariis, Janus !)

Ce texte nous donne aussi la clé de la particularité de la porte du Monastère, en effet, sur un montant, on voit un visage très dégradé, le voilà donc maintenant identifié. C’est le dieu Janus.

Porte d'entrée
Clariana porte d'entré

On peut encore savoir par ce texte que la vallée de Mosset était appelée « Vallée de Corbaria », elle doit son nom à l’ancien monastère de Corbiac, situé rive droite de la Castellane, à mi-chemin entre Campôme et Mosset, monastère qui dépendait de St Michel de Cuxa. Corbiac et la vallée sont mentionnés dans le « Marca Hispanica sive limes de Petro Marca » à plusieurs reprises.
Ardorell était une ancienne abbaye bénédictine devenue rapidement monastère cistercien (de Cîteaux) en 1147 qui donnera celui de Jau (1162). Ardorell, ruinée lors des guerres de religion, est située à Payrin-Augmontel dans le Tarn.
Il est vraisemblable qu’un édifice religieux portant le nom de St André existait bien avant, comme à Ardorell, puis aurait été développé en monastère par les moines cisterciens, qui vénéraient la Vierge
Marie, et qu’ils l’ont rebaptisé en Ste Marie de Jau ou de Clariana, car seul, le troisième abbé que nous fait connaître le Gallia Christiana est dit « de Beati Mariæ du Jau ».
Nous ne saurons rien des lieux de Calana et Dovaria qui devaient designer des lieux proches du monastère. Ils n’ont laissé aucune trace sur les cartes.

Nouvelle découverte concernant le Monastère de Jau.   (juin 2013).

Dans la bulle du pape Serge IV datée de l’an 1011 il est fait mention du Monastère de Jau en ces termes :
[…] & alodem de Canolia, atque villam Castellani cum duabus Ecclesiis ibidem fundatis, scilicet sancti Andræ ac beatæ semper virginis Mariæ, cum decimis & primitiis & alodibus ad easdem Ecclesias pertinentibus. Eadem itaque villa habet affrontationes sive terminos de una parte in Petrafixa, quæ sita est in terminio de villa Mollegio, de alia parte in arca de Casalono, & vadit per comam qua pergitur ad flumen Ted, de tertia parte in ipsos casales de Mengono, de quarta terminum de Canova vel Petrafixa, & inde usque in flumen Ted. Et ultra ipsum flumen , quantum tenebat Seniofredus Comes in die obitus suis […]
[…] Et l’alleu de Canolia aussi la propriété de Castellani, avec deux églises au même endroit bâties, savoir Saint André et aussi la bienheureuse et toujours vierge Marie avec les dimes, le primitif et les alleux au même lieu qui appartiennent aux églises. De même donc la propriété confronte dans ses limites d’une part Petrafixa qui est situé à la limite de la « villa » de Molitg d’autre part « arca de Casalono » et s’avance par la vallée qui se poursuit jusqu’au fleuve Têt, d’un troisième côté aux baraques de « Mengono » et du quatrième à la limite de Canova ou encore Petrafixa et de ce lieu jusqu’au fleuve Têt, et autant que détenait, même de l’autre côté du fleuve, le comte Seniofred le jour de sa mort. […]
Voilà qui appelle quelques explications. La vallée de Mosset dans sa totalité appartient à Catllar mais elle se décompose en deux parties, la partie haute est un alleu au monastère de Jau, qui comprend dans son territoire, ou ailleurs, des alleux qui lui appartiennent. Nous verrons qu’ils ont des propriétés à Escouloubre au Garabeil, à Ille sur Têt et aussi le domaine de Jau dans la vallée de l’Agly, près d’Estagel. La partie basse à partir de Petrafixa qui est sa limite Nord est l’alleu de Catllar. Tous deux dépendent de l’abbaye de St Michel de Cuxa, et dans la région qui nous concerne, sont jusqu’en 1258, lors du traité de Corbeil, la propriété des comtes de Barcelone évidemment, avec la Cerdagne, le Conflent, le Roussillon, le Vallespir, une partie du Capcir et aussi le Fenouillèdes qui lui, se verra rattaché au royaume de France, avec de gros ennuis à venir pour Counozouls devenu village frontière. Il n’est pas possible de savoir quels noms portent aujourd’hui tous ces lieux. Toutefois on pourrait rapprocher Canolia de Calana, qui sont avec Dovaria, qui restera obscur, trois noms du lieu où se situe le monastère de Ste Marie de Jau, ex St André, peut-être ceux des alleux du Monastère. Castellani lui, est indiscutablement le village actuel de Catllar La première mention du lieu est Castellanum en 948. Ce nom vient de son premier propriétaire du VIIIe siècle ou IXe siècle, Castellanus, Castellan ou Castella. Il est aussi à l'origine du nom de la rivière de Catllar, la Castellane. Sur la commune de Catllar et au Nord, se trouve une chapelle, dédiée à St Jacques qui était une halte pour les pèlerins sur la route de Compostelle. Elle se trouve à côté d’un ancien chemin dit « du Languedoc » et non loin de là, une légende veut, telle qu’elle m’a été rapportée sur place, que la cuve vide qui se trouve sur un éperon rocheux, aurait été creusée par un moine pour en faire son tombeau. On ne voit vraiment pas d’autre utilité à ce travail dans ce coin de garrigue sans eau. Nous ne sommes pas très loin de la bordure Est de la limite de la commune de Catllar plus au Sud. De là à penser que ce moine était Casalono … c’est fort possible ! Cela expliquerait « l’arca » dont il est question et elle se situe au bon endroit, près de la limite de l’alleu, devenue ensuite limite communale. C’est un coin extraordinaire de beauté sauvage qui mérite une visite des ses orris restaurés il y a quelques années, ce qui m’a valu de les visiter lors d’une réunion, avec l’architecte, des responsables de la mairie de Catllar et un groupe d’ariègeois amoureux de constructions en pierre sèche. La limite de l’alleu se poursuivait ensuite vers le sud, comme celle de la commune rejoignant aussi la Têt. Le cas d’une ancienne limite de fief devenue communale n’est pas rare. Ainsi pour Codalet et Sirach, en face, sur l’autre rive de la Têt, un texte de l’an 937 dit : «
… usque in rivum Merdarium et usque in fluvium Ted. » Soit : « jusqu’au ruisseau Merdarium et jusqu’au fleuve Têt ». Aujourd’hui ce ruisseau s’appelle le Mardé, et c’est bien là qu’elle se situe toujours. Ce sont aussi des possessions du comte de Barcelone Sunifred comme le précise le pape Serge IV dans sa bulle, les citant en une longue litanie. Les baraques, chaumières ou cabanes (Casales) de Mengono n’ont pas laissé de trace. Elles devaient se situer quelque part sur la limite Sud, le long de la Têt. La limite de l’autre côté de la vallée de la Castellane est assez floue. Il est dit : de Petrafixa ou Canova, situés à la limite de la « villa » de Molitg, elle descend aussi jusqu’à la Têt. En amont et en vis à vis de la limite Est, il est donc vraisemblable qu’elle se situait sur la crête de la vallée, en rive droite de la Castellane. Une dernière remarque sur cette vallée, elle porte plusieurs noms, suivant les textes et leurs dicteurs, dont celui de « Valle magna », la grande vallée.

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Dîme :
Contribution que devaient fournir les habitants d’une paroisse pour l’entretien des religieux et de l’église.

Primitif : Contribution en blé et en vin que les habitants de la paroisse devaient fournir annuellement.
Petrafixa : Roche plantée

Arca: C’est soit un coffre, soit un cercueil. Ici il s’agit d’une tombe.

 
Mis à jour le 13/02/2018
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