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La voûte de l'église
La voûte de l'église Saint Julien et Sainte Basilice s'est effondrée en 1851. Les conditions et la date exacte ne sont pas connues. Ce sinistre est le plus important que l'édifice ait connu depuis son achèvement en 1747 ; il fait l'objet de la réunion du Conseil Municipal du 4 mai 1851.
La remise en état va durer 10 ans. Quatre municipalités successives devront trouver des solutions aux problèmes financiers et techniques. La dernière réunion du Conseil Municipal sur ce sujet aura lieu le 11 mai 1865 ; le maire sera alors Gaspard Palol.
Financement
Dés cette première réunion du Conseil Municipal en mai 1851, le problème à résoudre est clairement posé. Le maire Sébastien Bazinet l'expose aux conseillers et aux citoyens les plus imposés et fait adopter la délibération suivante : "La commune se trouve dans une position trop critique pour supporter, d'un seul coup, l'imposition extraordinaire nécessaire pour honorer le devis de 8661 francs, dressé par M. l'Architecte du Département."
Il demande donc au Préfet de "vouloir bien faire accorder par le gouvernement un secours aussi avantageux que possible et sans lequel elle ne pourrait, de longtemps, entreprendre la réparation."
Rien ne paraît s'être passé sous les mandats des deux maires suivants, Etienne Corcinos et Isidore Porteil, soit de 1851 à 1855. Ce n'est que quatre ans plus tard, le 17 mai 1855, que le nouveau maire Maurice Corcinos, bien que considéré par le sous-préfet comme anticlérical, remet le sujet en délibération devant le Conseil.
L'inflation est inexistante au XIXe siècle mais le devis des travaux passe de 8661 francs à 9450 francs. Il est aussi certain que les dégradations du reste de l'édifice se sont aggravées. Dans un souci d'économie, l'assemblée propose de diminuer ce montant en apportant certaines modifications techniques : suppression de l'exhaussement de l'église et remplacement de la voûte par un plafond avec poutrelles.
Cette idée est abandonnée et le 24 juin 1855 le Conseil estime indispensable la reconstruction de la voûte et décide à cet effet l'appel à l'impôt.
Changement de curé
Depuis 1836 le curé desservant de la paroisse est Denis Fuix (1801-1868) originaire de Prades.
En 1866, Joseph Sobra, un de ses successeurs, écrira : "Entre autres chagrins dont il fut abreuvé de la part de certaines personnes, mais qu'il savait supporter en homme de courage, il eût la douleur de voir s'effondrer une partie de la voûte de son église paroissiale. Découragé à la vue des immenses travaux à entreprendre pour refaire cette voûte en ruine, sur sa demande, il fut nommé, en 1856, au poste de Los Masos."
Il est remplacé par Le curé François Iglesis (1812-1873), et le même Joseph Sobra écrira à son sujet :
"Homme d'initiative et d'une rare énergie, Monsieur Iglesis fut choisi par ses supérieurs pour occuper le difficile poste de Mosset. Après avoir fait ses adieux à ses bien-aimés paroissiens d'Eus [1851-1856], il vint prendre possession de sa nouvelle paroisse le 1er mars 1856.
Il convoqua les paroissiens à la petite chapelle de Coma Gelada, qu'il avait fait restaurer passablement pour y célébrer les services divins et s'occupa sérieusement de son église paroissiale en ruines. "(1) En effet La Capelleta est utilisée comme lieu de culte. Le 26 juillet 1857 un chemin de croix est même érigé en présence de François Roca (2), curé archiprêtre de Prades, chanoine honoraire de Perpignan. C'est probablement le chemin de croix de Saint Julien car l'opération inverse, et dans les mêmes conditions, a lieu le 14 avril 1861. Par ailleurs, l'église Saint Julien reste partiellement utilisable ; par exemple les réunions des fabriciens [membres de la fabrique qui est l'organisation laïque chargée de la gestion de l'église] ont toujours lieu à la sacristie.
Inscription au budget 1857
La décision de commander les travaux est prise à l'unanimité, lors du Conseil Municipal du 22 mai1856 qui réunit les 13 conseillers et, conformément à la loi, les 12 citoyens les plus imposés. Le maire Maurice Corcinos fait valoir le bon sens : "considérant que plus on attendra, plus le chiffre des dépenses s'élèvera, puisque la voûte de l'église s'écroule tous les jours, et comme le seul moyen d'obtenir un rabais considérable de la part du soumissionnaire est d'avoir les fonds en caisse afin de payer les entrepreneurs au fur et à mesure."
Il est donc décidé, sous réserve de l'accord des autorités supérieures, d'emprunter à Maître Xatard (1803-1863), notaire à Prades, la somme de 9000 francs, au taux de 5 %, avec un remboursement annuel jusqu'en 1864.
Le même jour, et pour le même budget, les recettes prévues sur les comptes de la commune étant insuffisantes, il faut donc trouver un moyen pour rembourser le capital de 9000 francs, empruntés au notaire Xatard.
La commune est donc prête à "s'imposer jusqu'à concurrence de la somme de 0,20 F par franc, sur le principal des quatre contributions : foncière, personnelle et mobilière, portes et fenêtres, et patente pendant huit années."
Ces impôts sont les "quatre vieilles " établies par la Constituante. C'est ainsi que l'impôt sur les portes et fenêtres fut institué par le Directoire, pendant la Révolution française, le 4 frimaire an VII (24 novembre 1798), et supprimé en 1926. Son assiette était établie sur le nombre et la taille des portes et fenêtres. Il ne touchait ainsi que les propriétaires, et introduisait une sorte de proportionnalité, les plus aisés payant également plus d'impôts.
Cet impôt expliquerait-il le grand nombre d'alcôves dans les maisons de Mosset dans les maisons du XXe siècle ?
Adjudication
L'aspect financier maintenant réglé, il faut commander les travaux. L'adjudication a lieu le 12 octobre 1856 en séances privées suivies de séances publiques. Trois maîtres maçons sont soumissionnaires : Nuixe Pierre (1811) à Prades, Rauly Jean (1813) à Prades et Grau Nicolas à Mosset.
Les travaux seront confiés à celui qui accordera le rabais le plus fort sur le montant de base de 8749 francs. Avec son offre de 8526 francs (soit 2,5%), c'est Nuixe qui est choisi.
Les soumissionnaires ayant indiqué que les travaux ne pourraient être réalisés durant la saison d'hiver, ils s'ouvriront le 1er mars 1857 pour une durée de 8 mois.
Nicolas Grau (1799-1871) de Mosset est un "Malpas". Les "Malpas" sont maçons à Mosset de père en fils depuis Abdon Grau (1730-1797) jusqu'à Isidore Grau (1890-1966).
Travaux supplémentaires
Mais il s'avère un an plus tard, alors que les travaux devraient s'achever, que des travaux supplémentaires sont indispensables : "L'église de Mosset depuis longtemps sans entretien a souffert des dégradations bien plus importantes qu'on ne l'avait présumé et il est de toute nécessité de réunir de nouveaux fonds pour l'exécution de travaux indispensables dont le rejet mettrait la commune hors d'état de continuer ceux qui sont en cours mais encore compromettraient la conservation de ceux qui y ont été projetés. Ainsi on avait présumé que les deux tiers des tuiles pourraient être conservées. Cependant malgré le soin apporté par l'entrepreneur, la moitié seulement a pu être réemployée. Il a été aussi nécessaire de refaire des parties de murs tout à fait détériorées par suite des infiltrations qui existaient depuis longtemps.
Les pieds droits des arcs-boutants, les arceaux soutenant la couverture ont dû aussi être augmentés. Entre lé crépissage intérieur et le mur, l'eau s'infiltrait depuis de longues années. Ce crépissage tombe en plaques et il est de toute urgence de le refaire. La chute de la voûte a brisé la tribune, le sol, les grilles et il est aussi nécessaire de réparer certains objets. "
"Le devis dressé par M. l'architecte départemental s'élève à la somme de 2089 F… la commune de Mosset espère en la bonté de M. le Préfet pour obtenir un secours qui lui permette de ne point laisser inachevées des réparations aussi importantes et qui sont véritablement au-dessus de ses forces, vu le devis primitif s'élevant à la somme de 9 450 F ainsi que les intérêts de l'emprunt de 9000 F"
Cet appel a été entendu puisque "une somme de 1000 F accordée par Son Excellence Monsieur le Ministre de l'Instruction Publique et des Cultes le 3 août 1859."
Le 10 janvier 1860, ces travaux supplémentaires étaient en cours d'exécution. L'entreprise les a exécutés en avance. Mais le 11 mai 1860 il faut aussi reconstruire la tribune. Le devis dressé par l'architecte du département, s'élève à 795 francs. Le Conseil Municipal et son nouveau maire Isidore Ruffiandis de Sant Julia, à l'unanimité de ses membres décide d'ajourner l'approbation du présent devis,"vu que les deux autres devis n'ont pas été exécutés en tous points et, si on s'y était conformé, on n'aurait pas occasionné tous les dégâts."
Quelques mois plus tard, le nouveau Conseil Municipal se fâche et décide de poursuivre l'entrepreneur en justice. Probablement influencée par le maçon local, Nicolas Grau, on peut lire dans son réquisitoire : "La toiture est mal faite et les nombreuses gouttières qui se produisent en temps de pluie, en sont la preuve. Les contreforts de l'église sont mal confectionnés. La charpente de la toiture s'est déviée de son plan primitif par suite de l'emploi d'un mauvais bois de construction. L'entrepreneur a employé un mauvais plâtre dans la confection de la voûte et, de plus, il a omis de donner une dernière couche bien blanche. L'entrepreneur a produit des dégâts considérables en se livrant à la démolition de la voûte et il a fait tomber ainsi, en l'écrasant, la tribune de notre église et a broyé les grilles en fer de cette dernière. Les clauses du devis n'ont pas été observées ainsi que le procès-verbal de l'adjudication. Il n'a pas voulu se conformer à la décision des experts qui ont jugé son travail et à l'arrêté de M. le préfet en date du huit septembre 1860 .Nous devons recourir à des moyens rigoureux pour nous faire rendre justice par qui de droit."
Il est demandé à M. le préfet du département de poursuivre judiciairement l'entrepreneur. Nuix Pierre a été condamné en 1873 pour un montant de 700 francs.
Érection du chemin de croix
Le 14 avril 1861, dix ans après la chute de la voûte, la nouvelle érection du chemin de croix, revenant de la Capelleta, officialise le renouveau de l'église. La cérémonie est la stricte répétition, avec les mêmes participants, de celle qui a eu lieu 4 ans plus tôt. Mais il est probable que les offices religieux avaient repris dès l'année 1858 avant la fin de certains travaux comme ceux de la galerie.
Le 15 février 1864, une discussion s'élève entre les membres du Conseil Municipal sur les moyens de terminer, sur le plan financier, cette affaire le plus promptement tout en sauvegardant les intérêts de la commune. En effet, l'architecte départemental demande le versement à l'entrepreneur d'une somme de 1116 francs. Le Conseil demande la désignation de deux experts, un par partie concernée, pour analyser le dossier. La polémique continue le 11 mai 1865 à la suite des chutes de neige de l'hiver 1865. Le Conseil Communal décide d'attaquer devant les tribunaux M. Nuixe entrepreneur et M.Vignal architecte.
La réparation de l'église de Mosset à la suite du sinistre de 1851 aura été une des principales préoccupations de la pauvre commune de Mosset pendant une quinzaine d'années.
Laissons le curé Joseph Sobra successeur du desservant François Iglesis conclure : " Grâce au concours empressé du Conseil Municipal, un emprunt de 12000 francs fut effectué et on mit aussitôt la main à l'œuvre.
La voûte entière fut refaite à neuf. Les murs réparés, les chapelles et les autels restaurés. Tout occupé de ses grands travaux, le curé Iglesis, rempli d'un sain zèle, n'oubliait pas que le temple le plus agréable à Dieu est le temple de l'âme du chrétien ; aussi travaillait-il avec une ardeur exemplaire à introduire la dévotion dans l'esprit et le cœur de ses paroissiens. Il y parvint jusqu'à un certain degré. Et quand il aurait pu jouir du fruit de ses victoires, des animosités regrettables le forcèrent à demander son changement nécessaire. Il fut nommé procuré d'Olette."
Nous analyserons ses relations avec le microcosme mossétan est un peu plus loin.
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1 - Archives de la mairie de Mosset - Liste des curés et des vicaires qui ont administré l'église de la paroisse de Mosset de 1407 à 1944 - Rédacteur Joseph Sobra, curé de 1862 à 1866.)
2 - Frère de Rigobert Roca, curé de Mosset pendant 5 mois en 1835, prédécesseur de Denis Fuix)