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Les militaires sous le Directoire
(1796 à 1799)
La résistance des jeunes gens au départ pour l’armée, déjà réelle auparavant, est devenue la règle sous le Directoire. Alors qu’on ignore tout des faits de guerre des Mossétans, heureux ou malheureux, au cours de cette période, rien ne nous est caché sur l'absence totale d’enthousiasme pour la chose militaire. Le jeune homme de 20 ans doit choisir entre la liberté apportée par la Révolution et les contraintes collectives de la Défense de la Nation. Déserter ou partir ? Il exploite tous les moyens pour se dérober. Mais la réponse de l’État aux insoumis sera la Loi Jourdan de 1798 qui fixera les fondements de la conscription et qui restera le socle de la Défense nationale jusqu’à la création de l’Armée de métier de 1997.
En juillet 1795, le traité de Bâle a mis fin au conflit contre nos voisins espagnols. Les unités de Miquelets ont été dissoutes et les "éclaireurs" de Mosset ont quitté l’Emporda pour revenir au village. Ils y ont retrouvé leurs familles, leurs amis, leurs métiers. Ils ont découvert la nouvelle organisation administrative et l'importance de Mosset devenu chef-lieu de canton.
La quasi-totalité des biens de d'Aguilar ont été rachetée par les Corcinos, les Prats, les Matheu et les Lavila. L'épisode de la terreur n'est qu'un mauvais souvenir. Vont-ils vivre en paix ?
Non ! La guerre se poursuit contre l’Angleterre, l’Autriche et l’Italie où se distingue déjà un certain Bonaparte qui s'est adjoint le général Lannes, bien connu des Miquelets de Mosset
Les départs aux armées se font toujours dans le cadre de la levée en masse du 23 août 1793 : tous les Français de 18 à 25 ans sont réquisitionnés. Mais en début de 1796, les conditions du départ sont plus dures à la suite de l’arrêté du 3 novembre 1795 (12 brumaire an IV)
Article 1
Tous les congés et réquisitions accordés depuis le 4 avril 1795 (15 germinal) jusqu'au 2 août 1795 (15 thermidor) à des militaires ou jeunes gens de la première réquisition sont reportés comme non avenus.
Article 2
En conséquence, tous les militaires ou jeunes gens concernés seront tenus, sous peine d'être poursuivis et punis comme déserteurs, de rejoindre, avant le 6 décembre 1795 (15 frimaire), le corps auquel ils appartiennent. S'ils n'ont encore été compris dans aucun corps, de se présenter au quartier général de l'armée le plus voisin du lieu de leur domicile où leur sera indiqué le corps dans lequel ils devront servir (1) Nos Miquelets sont dans ce cas.
Un mois après ces arrêtés et 4 jours avant la fête du village de la Saint Julien, le 7 janvier 1796, Pierre Thomas (1765-1814), commissaire du directoire exécutif de l'Administration municipale du canton, rend compte à sa hiérarchie des prochains départs au titre de cette "première réquisition :"Les jeunes gens paraissent bien disposés à se conformer à la loi et la majorité a pris la feuille de route. Un seul motif retient encore dans leurs foyers ceux de la commune de Mosset et, par suite, ceux des autres endroits.
Compréhensif et conciliant, le commissaire Thomas se fait alors leur porte-parole des jeunes gens auprès du Département : "Vous jugerez, dans votre sagesse, les moyens à prendre pour obliger ces jeunes gens à partir de suite ou s'il serait plus convenable en se rendant à leur désir." Mais cette méthode n'a aucun effet.
Ils sont désolés, disent-ils, de ne pouvoir point différer leur départ. Je leur ai dit tout ce qu'il est possible de dire pour les engager à préférer leur devoir à leur plaisir. Je leur ai rappelé que la patrie aurait peut-être besoin d'eux au moment où ils seraient à leur plaisir ; que les vrais républicains ne doivent connaître les fêtes qu'après avoir vaincu tous leurs ennemis. Ils ont été sourds à ma voix" ainsi qu'à celle de "leurs agents municipaux respectifs, auxquels ils ont répondu qu'ils se rendraient de la meilleure volonté possible à leurs devoirs, mais... après la fête. "
Un mois plus tard, la situation n’a pas changée. Le 8 février, il est dans l'obligation de " notifier à ceux de Mosset, Molitg et Campôme qu'ils doivent être en marche le 10 février au matin." Il reconnaît et avoue alors : "Je n'ai fait que perdre mon temps" en utilisant "la voix de la douceur et de la persuasion." Il menace de faire appel aux gendarmes de la brigade de Prades et à la Garde Nationale sédentaire pour les contraindre. Il réussit à faire respecter la date du 10 février, mais ses efforts se heurtent au comportement des jeunes gens de Prades.
Les réquisitionnaires
Les réquisitionnaires sont les jeunes gens requis par la Nation pour partir au service de l'armée. Au début 1796, ils sont appelés dans le cadre de la "première réquisition" du 16 nivôse an IV. (27 décembre 1795).
En effet, "les jeunes gens m’avaient promis de partir le 23 pluviôse [11 février] la plupart se mirent en marche et se rendirent à Prades bien résolus et déterminés à suivre la route que la loi leur a tracée. Ils ne restèrent pas longtemps dans cette louable intention quand ils apprirent à Prades que ceux de la commune ne pensaient point encore partir. Les malintentionnés et les ennemis de la République n’eurent pas beaucoup de peine à les engager à revenir dans leurs foyers et à les indisposer contre ceux qui leur conseillaient d’obéir et contre moi en particulier ; au point que le lendemain de leur retour une de mes vignes fut entièrement dévastée et une grande partie des souches arrachées. Malicieusement je me suis informé avec les plus raisonnables des motifs qui les avaient engagés à rétrograder.
Ils m’ont dit qu’ils ne voulaient point partir tant que ceux de Prades ne partiraient pas avec eux et que je n’aurais pas besoin de les y contraindre pourvu que ceux de Prades fissent leur devoir, ni plus ni moins.
Ne pouvant point employer la Garde Nationale sédentaire sans courir le risque de compromettre l’autorité, j’ai requis la Gendarmerie de Prades. Je crains cependant que le commandant ne puisse point, pour le moment, répondre à ma réquisition, attendu qu’il est déjà très occupé pour les cantons de Prades et de Vinça."
Malgré sa force de conviction, Thomas ne réussit pas à faire respecter la loi. Le 11 mai 1796, il refait le point : "J'ai vu s'effectuer avec plaisir le départ des réquisitionnaires de cet arrondissement. En vérité, ils ne sont pas tous partis mais le petit nombre qui reste ne restera pas longtemps, d'après les derniers états qui m'ont été fournis par les divers agents municipaux. Il en résulte que la commune de Mosset ne renferme que trois réquisitionnés dont ln malade. Celle de Molitg aucun. Celle de Campôme cinq dont un convalescent et un autre en réclamations à raison de sa surdité. Celle de Nohèdes 11 et celle d'Urbanya 4. Et celle de Conat 3.
Ce n'a été, jusqu'ici, que par la voie de la persuasion que j'ai déterminé mes concitoyens à se rendre au poste de l'honneur.
Je suis toujours dans l'intention néanmoins de n'employer la force armée que lorsque tous les autres moyens auront été reconnus insuffisants. Je crains des excès auxquels on s'est porté dans certaines communes des environs qui ne feront qu'aigrir les esprits et faire du mal à la chose publique. Je me détermine cependant à avoir des moyens rigoureux que la loi autorise si les circonstances l'exigent."
Par exemple, il fait appel "à la brigade de la gendarmerie de Prades pour tâcher de se saisir de ceux de Nohèdes qui sont les plus réticents et qui comptent sur la position du lieu, qui les favorise, pour se soustraire aux recherches."
L’Administration du canton établit l’état des jeunes gens du canton de la première réquisition.
Pour l’ensemble du canton 94 jeunes gens y figurent, dont 32 pour Mosset selon le tableau suivant.
État des jeunes gens de la première réquisition établi parl'Administration Municipale du Canton de Mosset avec indication des malades, de ceux qui ont pris leur feuille de route et des exemptés |
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Mosset |
Molitg |
Campôme |
Conat |
Urbanya |
Nohèdes |
Avec feuille de route |
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Jacques Assens 1774 Total = 16 |
Mathieu Sarda 1774
|
François Mestres Total = 14 |
Martin Payre Total = 12 |
Étienne Salies Total = 12 |
Jean Ponsaillé, Total = 11 |
Sans feuille de route |
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Jean Russe. Total = 6 |
Michel Vernet 1772 Total = 1 |
Gaudérique Lhosten 1774 Total =2 |
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Malades |
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Augustin Salies 1771-1829 Total = 9 |
Pierre Fourcade 1772 Total = 3 |
Julien Saleta Total = 5 |
Felip Auberne Total = 1 |
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Exemptés |
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Pierre Cortie 1775-1818 |
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Etat au 11 ventôse an IV (1 mars 1796 - Régérence : ADPO L380 Pict 168 |
Les jeunes gens qui participent à la production de fer, matériau stratégique pour les activités d’armement, pourraient bénéficier de l'exemption. Mais à Mosset, la seule forge remise en service est celle que Julien Corcinos a achetée le 8 août 1795 (21 thermidor) et qui emploie 3 jeunes gens "de l'âge de la réquisition pour joindre l'armée: "
- Bonaventure Matheu (1775) commis.
- François Freu (1769-1825) voiturier.
- Baptiste Corcinos (1774-1848) commis.
En mai 1795 les deux derniers étaient Miquelets dans la région de Figueres en Espagne et compagnons de Valent Comails dans ses démêlés avec la justice militaire.
Le 9 février 1796 (20 pluviôse an IV), le propriétaire de la forge, le père de Baptiste Corcinos, intervient pour qu'ils soient "autorisés à rester employés et dispensés de se rendre à l'armée."Consciente de l'importance de la mise en production de cette forge pour les besoins des armées, l'Administration cantonale transmet la demande avec avis favorable. De plus, elle demande la réquisition de la forge, ce qui impliquerait d’y retenir les employés, même si la loi ne permet pas de les dispenser de service armé.(3)
Ils n’ont pas été entendus.
Le 27 décembre 1795, vu les attestations des officiers de santé qui l'ont examiné, l’instituteur Étienne Craste (1772) est rayé de la liste des jeunes gens de la réquisition compte tenu de sa "vue basse." (1)
Les années précédentes, les officiers de santé locaux accordaient quasi-systématiquement des certificats de complaisance. Le contrôle est maintenant assuré par des officiers extérieurs sans liens avec le canton.
Le 11 avril 1796, François Cathala (1774) dit "Domengo," Baptiste Fabre (1771-1833) et Julien Costeseca (1772-1798), tous malades et sujets de la réquisition, sont dans l'impossibilité de se rendre auprès des officiers de santé en raison même de leurs infirmités. Un officier de santé est donc nommé pour venir auprès d'eux et constater leur état.
François Cathala avait déjà bénéficié d'un sursis en 1794 grâce au certificat de l'officier de santé de Mosset.
Julien Costeseca (4) décédera le 1er avril 1798 à Mosset On n'en connaît pas les circonstances, mais on peut estimer que sa demande était justifiée.
Quant à Baptiste Fabre, il obtiendra, à juste titre, satisfaction quelques années plus tard, comme on le verra un peu plus loin.
Il en est de même pour Sauveur Pebrell (1768-1823) Lui, n'a obtenu son congé définitif qu'à 33 ans, le 17 juin 1801. Son cas avait été examiné, une première fois, le 9 février 1796 devant l'Administration cantonale qui s’est déclarée incompétente pour " juger ses incommodités qui le rendent incapable de faire le service militaire, entendu que les officiers de santé qu’elle a nommés ne sont pas aptes à cet égard pour juger (3)."
Une nouvelle demande sera examinée le 22 juin 1800 par le nouveau maire de Mosset, Isidore Lavila qui écrit : "Vu la présente pétition, le renvoi qui en a été fait par le sous-préfet de Prades le 2 du courant, l'extrait de l'exemption accordée à l'exposant par le commissaire central le 25 mars 1796 (5 germinal an IV), le maire de la commune de Mosset considérant que les motifs exposés par le pétitionnaire sont vrais, qu'il souffre depuis longtemps de mal aux yeux, que son infirmité, au lieu de diminuer, augmente à mesure qu'il avance en âge, qu'il avait été déjà renvoyé de l'armée lors de la guerre contre l'Espagne, [1793] qu'il n'est porté sur aucun rôle des contributions, ne possédant aucune propriété, que la République ne serait pas bien servie par lui pour repousser ses ennemis, surtout s'il était employé aux avant-postes, sur ces motifs estimables, il y a lieu de lui accorder les fins de sa demande de pétitionnaire (7)."
Pas de vétérans à Mosset
Le maintien de la tranquillité publique.est une préoccupation permanente des gouvernants pendant la Révolution. Ce rôle est normalement assigné à la Garde Nationale. Mais son organisation, l'inexpérience et la mauvaise volonté de ses troupes la rendent peu efficace.
Le loi du 18 frimaire an V (8 décembre 1796) se propose d'apporter une solution par la formation de 200 nouvelles compagnies de vétérans nationaux.
Le 7 floréal An V (15 avril 1797) Mosset n'a pas répondu à la demande de François Arago, chargé du bureau de police du Département : Il n'y a pas de vétérans à Mosset. (11). Les vétérans de 1797 seraient les anciens militaires de l’ancien régime.
La loi Jourdan
Le 5 septembre 1798 (19 fructidor An VI), Baptiste Jourdan fait voter une loi qui institue la conscription et le service militaire obligatoire. L'article premier de la loi énonce :
« Français est soldat
et se doit à la défense de la patrie. »
Les citoyens sont appelés sous les drapeaux sur ordre ou par tirage au sort. Tous les jeunes gens de 20 à 25 ans sont astreints au service militaire de 5 ans. Ceux qui sont désignés par le tirage au sort sont les conscrits. Mais ceux qui ont tiré les bons numéros peuvent être appelés (réquisitionnés) en fonction des besoins ; ce sont les équisitionnaires. Les volontaires peuvent s'inscrire à partir de 18 ans.
Cette loi "est le texte "fondateur" de la conscription et du service militaire moderne. La guerre devient une obligation pour tous les citoyens mâles, sans se préoccuper de leurs motivations ou aptitudes au combat. La Nation exige le prix du sang et démocratise la gloire et la mort ! C'est une première dans l'histoire de l'humanité. La guerre n'est plus réservée à des professionnels comme sous l'ancien régime... Son objectif est de permettre une levée en masse selon les besoins. Cette loi fut encore plus mal acceptée que la levée en masse de 1793 et il y eut de nombreux réfractaires." (8)
Deux siècles plus tard, la loi du 28 octobre 1997 suspend, en France, la conscription mais réserve la possibilité de la rétablir en cas de crise grave menaçant l'existence de la Nation. En se cantonnant à une armée de métier, la France s'aligne sur les démocraties à l'anglo-saxonne (Royaume-Uni, États-Unis, Pays-Bas,.. ). Elle est suivie par l'Allemagne en 2011.
« Vous voulez la paix ; le chemin pour y arriver, c'est celui de la victoire.
La paix assurera le bonheur de vos familles.
Aux armes ! Conscrits.
Marchez à vos bataillons ;
faites connaître ceux qui chercheraient à se soustraire aux devoirs honorables auxquels la patrie les appelle. »
Le ministre de la Guerre le 29 Brumaire an VIII de la République Française, une et indivisible. Alix Berthier.
Les conscrits de l'an VII (6)
Jacques Michel Pajau (1778-1847), cultivateur, 1,6 m, âgé de 20 ans 3 mois 3 jours
Jean Vidal (1778), journalier, 1,652 m, âgé de 20 ans 1 mois 4 jours
Christophe Pacull (1778), journalier, 1,585 m, âgé de 20 ans 2 mois 13 jours
Paul Remaury (1778-1838), journalier, 1,571 m, âgé de 20 ans 3 mois 2 jours
Julien Prats (1778-1839), cultivateur, 1,652 m, âgé de 20 ans 4 mois 7 jours
Maillol Pierre (1778-1834), journalier, 1,652 m, 20 ans 5 mois 9 jours
Martin Cortie, journalier, 1,517 m, âgé de 20 ans 6 mois 10 jours au 25.09.1798.
En 1798, le premier appel de conscrits de 20 à 21 ans, dit de la première tranche, concerne en principe les jeunes gens nés entre le 22/09/1777 et le 21/09/1778
À Mosset, le 26 octobre 1798 (5 brumaire an VII)), Joseph Terrals et Joseph Galiay prêtre, représentants du peuple, signent la liste correspondante pour la commune de Mosset : six jeunes gens de Mosset y figurent.
La loi Jourdan concerne non seulement les nouveaux conscrits, mais aussi les jeunes gens enrôlés depuis août 1793 comme le furent les Miquelets dont les unités ont été dissoutes en 1795. Leurs séjours sous les drapeaux ont été inférieurs à la durée de 5 ans.
En ce qui concerne les sous-officiers, l'article 4 de la loi du 9 septembre 1798 (23 fructidor an VII) permet, provisoirement, d'échapper à la réquisition.
À Perpignan le 24 décembre 1798 (4 nivôses an VII), l'Administration départementale statue sur la situation de ces anciens Miquelets. Ceux de Mosset figurent dans le tableau ci-dessous. . A la vue vue de leur pétition, elle arrête que ces citoyens sont "provisoirement dispensés de partir mais ils restent toujours dans l'obligation de rejoindre lorsqu'ils seront appelés par le ministre de la guerre." (1)
Les anciens Miquelets de Mosset
Marty Verdier (1775-1860), Sergent de la Compagnie n°3 du 1er Bataillon
Jean Fabre (1770-1855), Sergent de la Compagnie n°1 du 2e Bataillon
Baptiste Corcinos (1774-1848), sergent Major de la Compagnie n°3 du 1er Bataillon.
.
La loi du 15 juillet 1799 (27 messidor an VII) relative aux dispenses et exemptions de service militaire "pour cause d'infirmité et d'incapacité, soit provisoires, soit définitives, accordées depuis le 23 août 1793 jusqu'à ce jour, à des conscrits ou réquisitionnaires, sont déclarées nulles, quels qu'en soient les motifs."
Seuls "les congés absolus de réforme délivrés par les conseils d'administration des corps pour cause de blessures ou d'infirmités contractées au service,(9)" ne sont pas concernés. Les anciens bénéficiaires doivent renouveler leur demande.
Qu'en est-il à Mosset ?
Baptiste Fabre (1771-1833) réclamait depuis plusieurs années. Blessé au combat contre les Espagnols, il se déplaçait avec difficulté. En 1796, on l'a vu, il ne peut aller à Prades se faire examiner par un médecin. Il renouvelle maintenant sa demande et obtient enfin le congé absolu tant réclamé : "novembre 1799 (brumaire an VIII) à Perpignan, le citoyen Fabre, né à Mosset le 24 mai 1771, domicilié à Mosset, compris dans l'appel de la loi du 23 août 1793 pour le service militaire, comme réquisitionnaire, a été reconnu atteint de 4 cicatrices, deux à chaque cuisse, occasionnées par une balle qui les a traversées, ce qui lui rend la marche pénible et difficile surtout lorsqu'il fait mauvais temps. Et d'après ces motifs il a été déclaré, à l'unanimité des membres du jury, hors d'état de porter les armes"(10)
Le 24 avril 1799, l’administration cantonale se fait tancer par le Département pour ne pas avoir fourni les états faisant le point, sur la situation des conscrits, demandée le 19 mars. "Vous n'avez pas encore satisfait à ce devoir. Le ministre par sa lettre du 10 avril 1799 (21 germinal an VII ) nous fait de vifs reproches sur notre retard.
Nous vous enjoignons donc à nous faire, le dit envoie, dans le délai d'une décade, à compter de ce jour. Passé le délai indiqué par la lettre du ministre nous ne manquerons pas d'envoyer des commissaires à vos frais qui s'exécuteront conformément à l'article 30 de la loi du 19 fructidor.
Il n'y a que 7 cantons en retard et vous êtes du nombre." (11)
Sur ce sujet, les archives renferment de nombreux tableaux manuscrits datés du 29 avril 1799 (10 floréal an VII). Certains, qui ne comportent pas moins de 11 colonnes, n’indiquent pas les dates de naissance, mais les âges exprimés en ans, mois et jours, ce qui a compliqué leur élaboration et leur contrôle. Les conscrits concernés sont ceux qui font 21 ans au cours de l‘an VII c'est-à-dire entre le 22 septembre 1797 et le 21 septembre 1798.
La date de calcul à laquelle ces âges sont calculés n’est pas mentionnée. Leur reconstitution, à partir des dates de naissance, conduit toujours à une date d’établissement du document à la fin du mois de septembre 1798. Les âges sont donc calculé à la fin de l’an VII, le 21 septembre 1798. (12)
36 déserteurs dans le canton de Mosset
Le 11 novembre1799 (20 brumaire an VIII), l'Administration municipale, sous les signatures de Terrals, Pineu et Lavila, confirme au chef du détachement de la force armée d'Olette que 36 déserteurs sont partis. "Conformément à l'article six de l'arrêté de l'administration centrale en date du neuf du courant, le détachement que vous nous avez envoyé le 13 a produit le meilleur effet possible pour obliger les déserteurs à se rendre à leur poste.
Ils sont au nombre de 36 qui se sont déjà rendus à Perpignan, en conséquence nous vous renvoyons la force armée de notre canton attendu qu'il n'y a plus aucun déserteur dans aucune commune de notre canton.
Si malgré la petite leçon qu'ils viennent de recevoir ils prenaient encore envie de réapparaître nous vous demanderions, de nouveau, de nous envoyer la force qu'il sera nécessaire. Salut et fraternité." On ne connaît pas la nature des moyens utilisés par la force armée pour atteindre une telle efficacité. Par contre, une note, du 9 juillet 1799, du capitaine Félix commandant une colonne de 19 gendarmes et hussards à cheval et de 110 hommes précise que la nourriture de ce détachement, y compris les chevaux, a été fournie par les particuliers de Mosset. (12)
Le 4 mai 1800 (14 floréal an VIII), l'agent municipal de Mosset , à requis 2 gendarmes pour conduire au dépôt de Perpignan le dénomméJean Joseph Fabre (1777) du bataillon auxiliaire du département, qu'il a pris soin de faire arrêter On apprend aussi qu'il est remplaçant de Lin Climens (1777-1845), conscrit de 2e classe. (2)
En effet, en exécution du règlement relatif aux remplacements de l'armée de terre du 18 mars 1800 (27 ventôse an VIII ), il est désormais possible d'être exempté de service militaire à condition de se faire remplacer et de verser la somme de 300 francs. Le premier usager à Mosset de cette faculté est Lin Climens fils d’un des plus aisés propriétaires de la commune.
Au même titre, le citoyen et futur maire de 1816 à 1821, Julien Prats(1778-1839) a versé, le 4 mai 1800 (14 floréal an VIII ), la même somme. (2)
Pour ceux qui ont de l’argent, cette possibilité d’échapper au service militaire se développera tout au long du XVIIIe siècle. Pour ceux qui n’en ont pas, elle pourra être, également, une opportunité, permettant d'amasser un pécule, mais dont seuls les héritiers seront, parfois, les bénéficiaires. Les remplaçants ont tenté leur chance et ont eu la force de sortir du cadre étroit de la vallée de la Castellane. Pionniers, ils seront suivis par leurs arrières petits enfants qui seront militaires de carrière ou fonctionnaires à Paris puis reviendront vivre leurs retraites à Mosset, à l'époque où les paysans n'en avaient pas.A leur tour leurs arrières petits enfants vivent aujourd’hui loin de Mosset. Ils sont parti aux Etats-Unis, en Roumanie, en Australie ou à Manchester. Prendront-ils leur retraite à Mosset ?
Depuis la Milice nationale de 1789, la Garde Nationale qui lui a succédé en 1791, reste d'une année sur l'autre, la force sédentaire qui doit s'opposer à d'éventuels "dérapages institutionnels." Si elle a joué un rôle important à Paris les premières années de la Révolution puis le 13 vendémiaire an IV, elle s'est contentée, à Mosset de 1796 à 1799, de respecter timidement les directives administratives concernant sa formation. On ne lui connaît aucune action, aucun déploiement, aucun combat. Et comme on l’a vu à propos des déserteurs, sa mise en oeuvre ne pourrait que discréditer l’Administration cantonale, à laquelle elle est subordonnée. Par contre, son organisation annuelle a beaucoup occupé cette même Administration.
Après une réorganisation en 1795 tenant compte des nouvelles prérogatives des cantons, une seconde structure est mise en place en 1796, sous le Directoire. Elle est sensée tenir compte des événements parisiens du 5 octobre 1795 (13 vendémiaire an IV) en s'appuyant essentiellement sur des bataillons mieux contrôlables que les grandes unités. Cet aspect n'a pas touché le canton de Mosset, les effectifs n'ayant jamais dépassé quelques centaines.
La circulaire départementale du vendredi 22 avril 1796 (3 floréal an IV) envoyée aux communes fixe les modalités de formation des compagnies. "Vous rassemblerez tous les citoyens de votre commune, dimanche prochain, depuis l'âge de 16 ans jusqu'à 60. Vous formerez une compagnie de 82 hommes qui nommeront leurs chefs c'est-à-dire 1 capitaine, 1 lieutenant, 2 sous-lieutenants, 4 sergents, 8 caporaux et 2 tambours et 64 volontaires."(2)
Dans les Pyrénées Orientales chaque canton doit avoir son bataillon regroupant les compagnies. Celui de Mosset devra en compter 8. Chaque village forme une compagnie sauf Urbanya et Nohèdes qui s'associent pour n'en former qu'un seul alors que Mosset en organise trois. Mais l’effectif du canton de Mosset ne permet pas de former 8 unités de 82 hommes : "Nous n'avons pu former que 7 compagnies au lieu de 8 selon les lois du 8 octobre 1795 (16 vendémiaire). Pour compléter le bataillon nous lui avons adjoint une compagnie d'un canton voisin." Cette 8e compagnie n'est pas désignée, le Canton laissant le choix au Département. Il semble que les chose en soient restées là.(2).
Le tableau nominatif ci-dessous établi le 29 avril 1796, signé par les membres de l'Administration cantonale, Sébastien Pacouil (1745-1822) de Mosset, Etienne Salies (1764) d'Urbanya, Nicolas Berjuan (1722) de Molitg et Assens de Conat, , fait apparaître les noms des cadres élus par les hommes de leurs compagnies respectives.
Enfin il semble prévu d'armer cette force. L'Administration Cantonale, qui a établi l'état des armes existantes, demande "que cette même Garde Nationale soit entièrement armée." Il est probable qu’elle n’en a rien été.
Tableau des officiers et sous-officiers de la Garde Natioanle du Canton de Mosset en 1796 |
|||||||
Communes |
Mosset |
Molitg |
Conat |
Campôme |
Urbanya Nohèdes |
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Compagnie |
3e |
5e |
7e |
||||
Capitaine |
Jean Rouffiandis |
Isidore Pineu |
Joseph Terrals |
Jean Auter |
Jean Deldon |
André Rousse |
Diminique Fonda |
Lieutenant |
Joseph Fabre |
Jacques Comenge |
Joseph Cantié |
Jacques Mestres Broch |
Etienne Ponsaillé |
Barthélemy Saget |
Jean Payré |
Sous Lieutenants |
Isidore Lavila |
Sébastien Bazinet |
Joseph Olive |
Thomas Boher (1756) |
Joseph Marc |
Isidore Bory |
Jean Daixonne |
Fusiliers |
63 |
64 |
64 |
||||
Total |
81 |
82 |
82 |
La loi et son application (2)
Voter des lois et ne pas les appliquer fait partie de ces errements assez fréquents en France. A Mosset, pendant la Révolution on ne s'en prive pas. La loi du 16 juin 1795 (28 prairial an III), en son article 41, porte que le renouvellement des élections des officiers de la Garde Nationale se fera tous les ans, le premier décadi du premier germinal (21 mars, premier jour du printemps). En 1796 cette élection du premier jour de printemps n'a eu lieu que le 29 avril et en 1797 le 14 juillet.
Ainsi la Garde nationale apporte, sans conviction, la garantie de sa présence mais n’intervient pas. La tranquilité publique n'a pas été menacée même si elle sera réquisitionnée, le 7 janvier 1801, pour la fête de la Saint-Julien. Le maire avait-il des inquiétudes sur la sécurité ou voulait-il tester cette force ? Qui qu’il en soit, elle restera une force passive au village jusqu’au 25 août 1871, date de sa dissolution à la suite des événelents de la Commune à Paris.
Comme une variante decette institution, il faut encore citer, en 1799, la Colonne mobile, force spéciale organisée et équipée pour combattre à armes égales les forces hostiles comme celles de la Chouannerie en Vendée. A Mosset, sa présence éventuelle pourrait résulter de la demande suivante du Département : "il est indispensable de connaître, particulièrement et sous le plus bref délai, non seulement les forces de la colonne mobile de votre canton mais encore quel est le nombre des citoyens de chaque commune qui appartiennent à cette colonne mobile afin que chaque agent les ait à sa disposition dans tous les cas où il serait besoin pour le maintien de la tranquillité publique." (12)
La réponse n'est pas connue.
________________________________________
Références
1 - ADPO Lp1330
2 - ADPO LP1334
3 - ADPO L1335
4 - ADPO L380
5 - ADPO 100EDT39
6 - ADPO L951
7 - ADPO 100EDT38
8 - Internet : Petite histoire du service militaire en France http://www.nithart.com/servmifr.htm)
9 - ADPO Lp1328
10 - ADPO Lp1330
11 - ADPO Lp1332
12 - ADPO Lp1338