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L'instruction à Mosset au début du XIXe siècle
Le niveau d'instruction des habitants du village ne peut se mesurer par la durée des études ou la nature des diplômes obtenus. Cette approche ne pourrait concerner que la très faible minorité des enfants des familles les plus aisées. Il faut pour l'ensemble des individus estimer leur capacité à lire, écrire et compter dans la vie courante. En ce qui concerne la lecture et le calcul, aucun document n'est disponible. Par contre, la capacité d'écriture peut être grossièrement évaluée.
En effet, tous les habitants majeurs doivent signer des documents administratifs les concernant : les actes de l'état civil, déclarations de naissance et mariages en particulier et les actes notariés d'achats, de ventes et de successions. Ces documents sont conservés aux archives.
Ces actes sont rédigés par des hommes instruits, maires, secrétaires de mairie, notaires. Lecture faite le déclarant doit les signer. Encore faut-il qu'il sache le faire. L'analyse de la présence des signatures permet de se faire une idée assez précise de l'illettrisme un siècle avant que les lois de Jules Ferry portent leurs fruits, lois mises en oeuvre à Mosset par l'instituteur Philippe Arbos (1858-1935).
Montre moi
comment tu signes,
je te dirai
qui tu es.
La période prise en compte couvre le 1er tiers du XIXe siècle et plus précisément va du 1er janvier 1803 au 31 décembre 1835.
Ont été pris en compte les 422 individus nés à Mosset et qui s'y sont mariés pendant ces 33 ans. Ils ont tous entendu le maire déclarer : "De quoi nous avons dressé acte en présence des témoins qui ont signé avec nous le présent acte à l'exception de... qui ont déclaré ne savoir." (1)
Est considéré comme sachant signer tout individu ayant signé au moins une fois dans son existence. Un époux qui déclare ne savoir signer lors du mariage peut très bien signer un acte d'achat chez le notaire quelques années plus tard
Les résultats au cours de cette période sont présentés dans le tableau ci-contrte :
- 94 individus sur 422, soit 22%, savent signer.
- 9 femmes sur ces 94, soit 10%, savent signer, soit 2% des 422 individus hommes et femmes. et 4% des 241 femmes.
Hommes |
Femmes |
Total |
|
Population analysée |
181 (43%) |
241 (57%) |
422 |
Savent signer |
85 (20%) |
9 (2%) |
94 (22%) |
Ne savant pas signer |
96 (80%) |
232 (98%) |
328 (78%) |
Parmis les 94 qui signent |
|||
85 (90%) |
9 (10%) |
94 (100%) |
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Signatures des hommes
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Signatures des femmes
Dans ce monde d'illettrés mené par une minorité de mâles qui signent, qui sont ces épouses qui imitent les hommes ?
Les deux premières, Sophie et Virginie, sont les filles de Melchior Bompeyre (1767-1826), négociant aisé dans l'industrie du fer, originaire de Mynires dans l'Ariège.
Sa fortune était largement soutenue par son épouse Madeleine Parès (1770-1841), elle-même fille de la lignée des chirurgiens Joseph Parès (1738-1770), son père, et du grand-père Emmanuel Parès (1708-1788), chirurgien et batlle de Mosset vers 1750. Tous les membres de cette lignée savaient écrire, sauf, généralement, les femmes, comme Madeleine qui ne savait pas. Sans descendants mâles, leurs filles Sophie et Virginie Bompeyre, ont été instruites. Virginie a quitté Mosset après son mariage pour rejoindre Toulouse. Sophie a épousé l'initiateur d'une autre lignée du corps médical François de Massia (1796-1878) de Vinça, descendant des Jaubert de Passa.
La médecin, qui avec les fonds de sa femme achète les bains de Molitg aux de Llupia, est maire de Mosset de 1828 à 1833, presque sans interruption, puis de Campôme de 1871 à 1875.
La suivante est Marie Anne Cantié (1775-1839) fille de Joseph (1739-1806), tisserand et de Marguerite Rolland (1754-1804. Son père, qui savait signer, assure une instruction solide à ses enfants.
Deux frères Julien (1779-1843) et Augustin (1783) seront tisserands comme leur père et déclarent qu'ils ne savent pas signer. Un autre Julien (1791) sera instituteur privé à Mosset de 1825 à 1835. Joseph François (1790-1838) et un autre Joseph (1795-1867) feront des études ee médecine, mais seul le second sera officier de santé.
Le premier, Joseph François, sera agent forestier puis aubergiste.
Le fils du second, Benjamin Cantié (1842-1900) sera médecin et maire de Mosset jusqu'à la fin du siècle.
Il est certain que Marie Anne a grandit dans un cadre familial très attaché à l'instruction. Elle aura 8 enfants après 3 mariages.
Avec Pierre Cantié (1767-1803) qu'elle épouse en 1797, mais leurs 3 enfants ne survivront pas. Leur père meurt 2 mois après la naissance du dernier. Il ne signe pas.
Avec François Bruzi (1753-1820) dit Bicaret veuf et père de 2 enfants. Lui aussi ne sait pas signer. Ils auront 5 enfants.
La quatrième est Marguerite Climens (1794-1857) avec une belle et nette signature soignée et énergique. Elle est la petite fille de Lin Climens (1722-1794), la plus forte imposition après d'Aguilar en 1788. Bien que riche, Lin ne savait pas signer.
Marguerite est fille unique de Martin Climens (1751-1828) qui sait signer, maire de Mosset en 1795 et de Thérèse Pompidor (1773-1824). Martin, 42 ans, épouse civilement Thérèse, 19 ans ; le 29 janvier 1793 puis à l'église 20 ans plus tard, probablement pour se conformer aux sollicitations de Joseph Climens (1764-1845), son frère, curé de Mosset. À cette occasion, ils légitiment leur fille Marguerite qui va avoir 20 ans.
Marguerite se marie avec Barthélemy Lavila (1781-1867) riche meunier, maire de Mosset de 1830 à 1838 avec une interruption de 1830 à 1833. Elle rentre dans le clan des Lavila, qui de père en fils, de Isidore à Barthélemy représentent l'intelligentsia mossétane. Isidore Lavila est correspondant à Mosset d'une association littéraire pendant la Révolution. (Abbé Philippe Torreilles,tome 3, page 134). Marguerite aura 11 enfants dont Thérèse (1818-1890) l'épouse de Sébastien Bazinet (1810-1882) médecin et maire de Mosset à 3 reprises entre 1848 à 1875. Tous étaient i,struits.
Une analyse de la bourgeoisie à Mosset de 1787 à 1800 montre que les plus aisés sont ceux du tableau :
1796.html
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Référence
1 - Actes d'état civil retranscrits par Jean Renouard.