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LE CARNAVAL DE MARCEL
Jean LLAURY
Carnaval, fut, de tout temps, une période bénie pour le petit peuple. En effet, comme l'indique le dicton : "Per carnaval tot s'hi val – à Carnaval fait ce qui te plaît ", c'était le seul moment de l'année où le "petit", masqué, pouvait dire son fait au Seigneur, au Maître, lui-même représenté de façon grotesque par un mannequin symbolisant l'autorité, le pouvoir.
En ce temps là, c'est à dire dans les années 30, Marcel Bousquet avait 8 ans. La famille Mayens, propriétaire au Pla de Pons, se chargeait non seulement de fabriquer le mannequin, genre d'épouvantail baptisé "Sa Majesté Carnaval", mais encore de le convoyer au jour et à l'heure dite, à dos d'âne jusqu'au village.
C'est Monsieur Blazy, appariteur public – prédécesseur du célèbre Manaut – qui, le matin, faisait "la crida" et toute la jeunesse, tous les bambins du village, montaient au Plaçal pour guetter l'arrivée de l'âne et de son fardeau. Dans la foule des bruits circulaient : "Cette année, Mayens n'a pas voulu le faire" - "on m'a dit qu'il descendait sur Molitg" – "on l'a vu hier vers la croix de Marquixanes "…. Et ceci jusqu'au moment où, au milieu des "tuires" on apercevait l'équipage.
En grande pompe sa Majesté Carnaval était menée chez Dominique Batlle, dans la grande salle, où il trônait jusqu'à son jugement le mercredi des Cendres. Entre temps la liesse régnait à Mosset avec, comme premier point d'orgue, le Bal, durant lequel, les jeunes masqués (masques et loups achetés chez Marie Dirigoy) faisaient ingurgiter aux victimes désignées, le contenu – prunes à l'alcool ou au sirop – d'un pot de chambre, malgré les dénégations et les cris de dégoût des dites victimes.
Deuxième point d'orgue : le jugement de sa Majesté Carnaval. Accusé de tous les maux – vols de poules, de lapins, de légumes – discordes familiales – vilenies de toutes sortes – injustices.. par un procureur déchaîné, il était mollement défendu par un avocat désigné d'office. Résultat : il était condamné à périr par le feu " jo te l'encendré el tio de paper – je t'allumerai la bûche de papier ". En fonction du temps qui régnait, la crémation avait lieu soit solennellement sur la place du village, soit "à la va-vite" sur le parapet devant chez Dominique.
Note de l'auteur du livre
Par soucis du détail je me permets de compléter le récit ci-dessus :
Monsieur Blazy, c'était le prénom, Blaise, du sacristain.famille Mayens était simplement la famille Corcinos dont le père était Jaumet Mayens et les fils Joseph, Dominique et Marcel.Battle était donc Dominique Corcinos qui avait épousé Jeanne Battle, la fille unique du cafetier.de bruler Sa Majesté Carnaval il arrivait souvent qu'on le fusille sur la place, attaché à l'un des piliers du cloître, avec des fusils de chasse évidemment.