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LES ÉCOLES
Yvonne GATEL
Mais pourquoi ne vous dirai-je pas la vie scolaire entre 1915 et 1923 ? Celle qui se déroulait dans trois classes pour le seul village de Mosset ?
L'école enfantine nous réunissait tous, filles et garçons, dès l'âge de 4 ans et nous plongeait dans la lecture et l'écriture. C'était vrai pour une partie seulement des enfants car il y avait la coutume de l'installation au cortal d'avril au 4 octobre, jour de la foire.
A 6 ans la mixité était finie : les filles allaient chez Madame BATAILLE, les garçons chez Monsieur ARBOS. Les jours d'hiver étaient durs à nos pieds et à nos mains. Le chemin creusé par mon parrain Pretou était étroit entre deux murs de neige. Nous entrions dans une salle glaciale où souvent nous allumions le poêle avec le bois transporté dans nos bras. Puis commençait la classe.
Tous les matins, Victor Hugo : " ceux qui pieusement sont morts pour la patrie ", hymne aux soldats de 14-18, récité debout, respectueuses et émues, les mains derrière le dos. Puis venait le "par cœur" : Les tables de multiplication, les dates d'histoire : Hugues Capet - 987 – 1031, et tous les Capétiens, et tous les Valois, et tous les Bourbons. Souvent c'était la liste des départements avec leur chefs-lieux.
Tous les matins, nous écrivions (bien entre les lignes) une règle morale et, de temps en temps, une note d'instruction civique. Mais Madame BATAILLE avait quelques "idées nouvelles" : C'est ainsi qu'une fois par an nous montions dans sa cuisine obscure où elle faisait tourner son globe terrestre sur lui-même et autour du soleil, qui était sa lampe à pétrole. Elle avait institué les classes promenades : moisson à la faucille; dépiquage au fléau sur l'aire de Mayens; foins à la faux, à la fourche et au râteau; visite au forgeron : Fer rouge, martèlement sur l'enclume, odeur de corne brûlée; promenades printanières ou automnales dans le bois de Babulet au-delà de la Carole; explications, commentaires et, au retour, rédaction. Dur–dur pour des enfants dont le catalan était la langue maternelle, immédiatement parlée dés la sortie de l'école et toujours à la maison. Qui, parmi les parents, connaissait le français ?
Toutes les classes se passaient dans le silence le plus absolu; Sinon les punitions pleuvaient : des gifles chez les filles – les garçons se plaignaient des coups de règle sur le bout des doigts réunis – conjugaisons écrites sur l'ardoise, avec une mine grinçante, pendant les récréations. Mais souvent, souvent, 50 fois, 100 fois, 200 fois, nous étions condamnées à écrire "je suis une malpropre " pour des doigts ou des cahiers tachés d'encre, "je suis une bavarde" pour avoir murmuré un mot à sa voisine : Madame Bataille entendait tout et voyait tout. Et malgré cela nous l'aimions. Pour le 19 mars elle recevait une trentaine de petits bouquets des premières pâquerettes. C'était la Sainte Joséphine, sa fête !.