2 - Jour de Carême à Mosset - Histoire de Mosset

Rechercher
Aller au contenu

Menu principal :

2 - Jour de Carême à Mosset

Divers > Bibliographie > Bousquet Jean


JOUR DE CARÊME A MOSSET

Jean LLAURY


En ce temps là, dans les années 50, les diététiciens de tout poil n'avaient pas encore pénétré le territoire de Mosset. Mais il n'empêche qu'une alimentation essentiellement à base de pommes de terre, de haricots secs et de viande de porc, manquait singulièrement de diversité et nos Mossétans ressentaient, de temps à autre, la nécessité de consommer du poisson; d'autant que l'église, en instituant le "vendredi jour maigre" – donc sans viande – avait, en son temps, donné un coup de pousse à la corporation des poissonniers. Mais voilà, à Mosset, point de poissonnier, et se déplacer à Prades représentait une perte de temps et d'argent; d'autant que les camions frigorifiques étant rares, un doute quant à la fraîcheur du poisson subsistait.

Qu'à cela ne tienne ! À Mosset passe la Castellane et, en ce temps là, les eaux de la rivière étaient relativement poissonneuses. Le moyen, à la fois le plus sûr et le moins polluant, pour capturer, de temps en temps, un plat de truites était le filet ou trémail (il est rappelé que cette technique était, bien sûr, interdite par la loi). Le plus célèbre, peut-être parce que fait d'un fil vert qui se confondait avec l'onde, était celui de Julien Corcinos. Julien était un amoureux de la nature, un fin observateur, un des plus célèbres trappeurs de sauvagines de la vallée. Voici comment, grâce à ce fameux trémail, Julien flanqué de Roger, son frère casse-cou, sportif accompli, résolut le problème posé, cette année là, par le carême.

Le jour dit, vers 11 heures, munis du trémail
et d'un seau, ils se dirigèrent vers le "gorg d'en Dolfe" (le gouffre de l'Adolphe). Là, alors que Julien, sur la rive droite, tenait une extrémité du filet et dirigeait la manœuvre, Roger, déshabillé, serrant entre ses dents l'extrémité d'une ficelle accrochée à l'autre bout du trémail, se mettait silencieusement à l'eau le long du talus de la rive gauche; et ainsi, l'un nageant l'autre marchant, les deux frères se rejoignirent en amont et dans l'axe du gouffre, recueillant dans le filet la plupart des salmonidés de sortie ce jour là. Estimant que le nombre de truites capturées était insuffisant pour le repas prévu – la famille était nombreuse et les amis gourmands – les deux frères réitérèrent la manœuvre dans un deuxième gouffre, situé en aval : "El gorg blau" (le gouffre bleu). Pendant que Roger, grelottant, faisait quelques mouvements de gymnastique pour se réchauffer, Julien comptait les prises. Tenez-vous bien ! Le seau contenait 48 truites et, d'après Roger, elles étaient toutes à la "maille" (taille légale de capture) qui, en ce temps-là, était de 16 cm. Il s'agissait d'une pêche exceptionnelle.

Nos anciens, réalistes, savaient se contenter du nécessaire car on ne possédait pas, comme aujourd'hui, ces congélateurs qui, d'après moi sont, au moins en partie, responsables du manque de discernement de nos concitoyens. Trop souvent ils capturent, tuent et récoltent sans compter, gibier, truites et champignons, dès que l'occasion leur en est donnée, sachant qu'ils pourront conserver le trop perçu dans ces satanés appareils. Nous avons ainsi perdu le sens de la mesure et du respect de la nature.





 
Mis à jour le 13/02/2018
Copyright 2015. All rights reserved.
Retourner au contenu | Retourner au menu