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L'APRÈS-GUERRE
1945 la France, et donc Mosset, sortent de la guerre. Mais il faudra encore deux bombes atomiques, ce terrible moyen de destruction des temps modernes, pour en finir avec le dernier résistant, le Japon.
Mosset s'en sort bien : il n'a pas trop souffert, ni de la disparition de ses enfants, ni de la pénurie alimentaire. Bien sûr les restrictions continuent et se feront sentir sérieusement encore quelques années. On n'en a pas encore fini avec les cartes d'alimentation mais on continue à tuer les cochons, les poulets, les lapins, on a du lait et des œufs et surtout les sempiternels aliments que sont les pommes de terre et les haricots qui ont nourri des générations de mossétois. Corcinos fait à nouveau du bon pain, Mimi Gabriere a toujours un paquet de tabac ou un cigare dans un coin, et au café, Dominique reçoit à nouveau de la bière et des alcools qui font oublier les jours "avec" et les jours "sans" qui, durant la guerre, signifiaient avec ou sans alcool. Les épicières arrivent à se procurer le minimum nécessaire et petit à petit le village retrouve sa normalité.
La Délégation Spéciale à trois membres, qui avait géré le village pendant quatre ans, est dissoute et le conseil municipal, élu en 1935, avec François Pujol à sa tête, reprend possession de la mairie en attendant les nouvelles élections. Les projets, enterrés pendant de longues années, vont pouvoir être remis en chantier
En parlant de municipalité je m'aperçois qu'en près d'un demi-siècle Mosset n'a connu que six maires. Il est vrai que François Pujol est maire depuis vingt ans, exception faite des quatre ans de la Délégation Spéciale. Les élections municipales ont souvent donné lieu à des fâcheries, à quelques algarades, toutes verbales, à des "pour" et des "anti". Ces élections n'ont pas été ponctuées par de grands meetings, par des rassemblements ou des discours contradictoires, non, c'était surtout du bouche à oreille. Généralement on voyait l'affrontement de deux listes, l'une se disant de gauche, ce qui qualifiait l'autre de droite. Tous étaient républicains, pas tellement cléricaux mais, en douce, chacun taxait l'autre soit de "rouge" désireux de s'emparer du bien d'autrui, soit de "vendu à la soutane", la séparation de l'Église et de l'État ne datant que de 1905.
Cette effervescence ne durait que peu de temps, et toujours à mots couverts, presque en secret ; mais dans un petit village il n'y a que des secrets connus de tout le monde et on savait "qui" votait pour "qui", mais toujours dans le secret des isoloirs. Résultat, on se disait à peine bonjour pendant quelques semaines et tout rentrait dans l'ordre jusqu'aux nouvelles élections municipales, les élections nationales ne provoquant aucun clivage. Nos paysans n'avaient d'ailleurs, pour les élus nationaux, qu'un respect mesuré, quand il n'était pas nul. Le député ou le sénateur, voire le conseiller général, ne pouvait qu'être utile à la commune, par l'intermédiaire du maire, pour appuyer une demande, obtenir une subvention, mais pour le commun des mortels il ne s'agissait que d'un professionnel de la politique qui se faisait élire pour gagner sa vie et, si possible, "s'en mettre dans les poches". Je n'exprime nullement ici un avis personnel mais je rapporte les expressions que j'ai bien souvent entendues autour de moi.
L'élu national était loin des problèmes des paysans du village et donc sans intérêt, tandis que l'élu municipal était un des leurs, paysan également, et on pouvait donc le critiquer aisément, le rendre responsable de ses problèmes personnels, même s'il donnait bénévolement de son temps pour aider les autres. Celui là on l'avait sous la main et pas à Paris ou ailleurs. Néanmoins il est encourageant de constater que les uns et les autres ont œuvré pour que le village avance dans le progrès, pour le confort de ses habitants et le constat de la fin du siècle ne peut que leur être favorable.
Dès la fin de la guerre, en mai 45, les nouvelles élections vont porter à la mairie un nouveau Conseil avec Jean Not à sa tête, conseil un tantinet rajeuni, comportant notamment deux éléments qui sont encore prisonniers de guerre et un nouveau mossétois, Louis Soler. La population de Mosset est alors de 491 habitants, nous sommes déjà loin des 860 du début du siècle, c'est dire que l'exode est entamé depuis plusieurs années et sans espoir de reflux.
Indépendamment de cette nouvelle municipalité, le fait marquant va être le raccordement de Mosset au réseau EDF. Enfin nous en aurons fini avec notre usine électrique avec pannes à répétition et les écarts, les hameaux, vont enfin pouvoir être électrifiés à leur tour, service qu'ils réclament depuis plus de 20 ans.
Ce n'est pas sans une certaine nostalgie que désormais nos regards se porteront vers notre petite usine électrique tombée en désuétude. Lors de sa construction elle fut considérée comme un progrès remarquable pour ce petit village de montagne, à une époque où la grande majorité des communes rurales ne connaissaient pas ce type d'éclairage. Le vieux barrage, la conduite d'eau, la petite usine sont les témoins d'un autre temps, déjà lointain, alors qu'il y a moins de quarante ans. Mais désormais tout va si vite que les anciens auront du mal à suivre.
La montagne, qui tient encore avec quelques vieux fermiers, ne tardera pas à être désertée, les paysans n'ayant pas de successeurs pour reprendre l'exploitation. Les descendants sont partis ailleurs où leur vie n'est peut-être pas toujours facile, mais du moins sans les aléas de l'exploitation agricole.
Si la montagne perd ses exploitants la vallée, par contre, connaît un regain d'intérêt. Ici on laboure, on plante, on cultive, bref l'activité agricole, qui s'est resserrée sur les parties irrigables de la commune, connaît un regain d'activité avec les mutations dont j'ai déjà parlé. Tout naturellement l'élevage va diminuer et si les bovins, notamment les vaches laitières, sont encore en nombre, les troupeaux d'ovins, ainsi que les chèvres, vont petit à petit disparaître. Le vieux paysan, à bout de souffle, qui aura tenu jusqu'au bout, est bien obligé de vendre ses moutons lorsqu'il ne peut plus les suivre.
La vallée tiendra encore quelques décennies avec des hommes nés au début du siècle, pour lesquels le départ, l'abandon, n'est plus possible et pour lesquels l'heure de la retraite, au sens physique du terme, n'a pas sonnée. Quelques "étrangers", "forains" comme on disait, viendront encore tenter leurs chances sur le territoire de la commune, soit comme exploitants agricoles, soit comme éleveurs. Avec l'abandon de la plupart des cortals les espaces de pâturages se sont élargis et bovins et chevaux vont bénéficier de grandes surfaces. Du Pic del Roussillou au Col de Jau en passant par la Close, la Margride, al Clot des Manchés, la Serre d'Escales, la Jasse del Coucout, al Niouc de Lastou, Pla Llebat, al Clot d'Espagne, Monseriuo, tout ce vaste territoire, ne comportant que des ruines, peut nourrir un nombreux bétail, puisque c'était sa vocation durant des siècles. En août 1900, pas moins de 300 à 400 personnes, quelque 200 à 300 bovins et environ 3000 brebis, vivaient sur ces espaces. Aujourd'hui on pourrait sûrement les parcourir sans rencontrer âme qui vive. Il existe encore quelques sentiers de randonnées pour la plus grande joie de quelques marcheurs, mais les chemins vicinaux du début du siècle, entretenus à grand renfort de main d'œuvre et beaucoup de volonté, ont, pour la plupart, disparu sous la broussaille, envahis par les cistes et les genêts.
Sur chaque ruine on pourrait mettre une plaque commémorative indiquant : "en 1930 vivait ici une famille de huit personnes" ou quatre, ou six. Aujourd'hui, même les pans de murs écroulés sont incapables de renvoyer l'écho des pas du rare passant.
Donc la population s'est repliée dans la vallée. Il est vrai qu'ayant diminué de moitié, elle peut se satisfaire d'un espace vital plus réduit. L'évolution aidant, nos paysans exploitent mieux leurs terres ; ils ont appris à utiliser les engrais ; non seulement leurs cultures ont augmenté en quantité mais également en qualité. Oh ! Ce n'est pas la production intensive que connaîtront les exploitations de la plaine roussillonnaise mais, tout de même, dans les années 50, la production laitière atteindra son apogée, et la production fruitière deviendra désormais la ressource principale ; du moins tant que cette génération finissante tiendra encore la barre, car après...
Alors que nous avions vu arriver la grande batteuse capable de faire en une heure ce que les hommes au fléau n'arrivaient pas à faire en une journée, le blé va à son tour être abandonné et la batteuse n'aura fait qu'une apparition éphémère. Dommage ! Car c'était un beau spectacle de voir ces gerbes avalées, à plus de deux mètres de hauteur, à grande cadence ; les sacs de blé, beaucoup plus bas, se remplir dans un écoulement régulier et, enfin, la paille sortant de l'emballeuse, prête au chargement, et le tout dans un grand mouvement humain, dans le bruit et dans un halo de poussière blonde.
Ces années d'après guerre vont être marquées par la petite mécanisation. Dès les années 50 vont apparaître les motoculteurs, ces petits engins capables de tirer une remorque, de labourer, de passer sur tous les chemins, dans tous les champs, bref ils vont sonner le glas des vaches de trait et de leurs charrettes, et petit à petit des chevaux, des charrues et autres engins agricoles. La faux à main servira encore quelque temps mais arrivera également la faux mécanique et on n'entendra plus les faucheurs battre leur engin sur leur petite enclume. Encore un bruit coutumier qui va disparaître de l'ambiance villageoise remplacé par le ronronnement des moteurs. Dans la forêt la tronçonneuse va remplacer la cognée qui a abattu tant et tant d'arbres par le passé, aidée par le passe-partout tiré à deux bûcherons.
Pour leurs déplacements nos paysans, tout au moins les plus jeunes, vont voir arriver la célèbre 4 CV Renault, cette petite voiture produite à des millions d'exemplaires, mais c'est surtout la 2 CV Citroën, la fameuse "Deuche", qui fera leur bonheur. En fabriquant cette voiture, peu esthétique, bon marché, mais, ô combien efficace, Citroën ne se doutait pas de l'immense service qu'il allait rendre au monde paysan. On peut dire que pendant 30 ans la "Deuche" aura sillonné tous les chemins de la campagne française et Mosset ne pouvait pas échapper à cet engouement.
En matière d'hygiène et de santé notre village et ses habitants vont faire un grand pas en avant. Naturellement les "émigrés" qui reviennent régulièrement, ceux que la guerre a obligé à vivre ailleurs, déplacés, réfugiés, prisonniers, ont vécu autrement, parfois beaucoup mieux, mais parfois plus mal avec un désir de revanche. Donc les habitudes hygiéniques de nos ancêtres en seront bouleversées. L'eau est entrée dans les maisons mais s'est arrêtée à l'évier, désormais on va la pousser jusqu'aux toilettes, une douche sommaire, voire jusqu'à une salle d'eau ou de bain. D'ailleurs la présence de l'eau purifie tout, la maison n'en sera que plus propre et son équipement nettement amélioré.
Les premiers réchauds à butane ou propane, parfois véritables cuisinières avec four, ne tarderont pas à suivre et ce sera un début d'abandon de l'âtre. Pensez que le matin, pour chauffer un peu de café, il fallait allumer le feu de bois dans la cheminée. Désormais en deux minutes le café chaud sera dans les bols. Quel progrès pour la maîtresse de maison ! Ça ne l'empêchera pas d'utiliser encore le feu mais ce sera désormais pour d'autres cuissons importantes, avec chaudron ou marmite, jusqu'à ce que ces derniers disparaissent à leur tour, que l'ancienne cheminée devienne une cheminée de loisir avec feu d'agrément. Il arrivera même que la cheminée de la grand-mère, abandonnée depuis des années pour des moyens plus modernes de chauffage ou de cuisson, soit reconstituée par les petits-enfants simplement pour avoir un feu d'agrément pour les soirées d'hiver ou de printemps, pour quelques jours ou pour un simple week-end.
C'est peut-être dans l'habitat que les villageois de Mosset ont le plus évolué. Avoir vécu dans une maison du début du siècle et y retourner de nos jours, c'est vraiment passer du Moyen-âge aux temps modernes sans transition. Les enfants de l'an 2000 ne peuvent pas imaginer comment vivaient leurs ancêtres, eux qui, en ouvrant les yeux sur la vie, découvrent la voiture, la salle de bains, le téléphone, le lave-vaisselle et le lave-linge, le réfrigérateur et le micro-ondes, le téléphone portable, la radio et la télé, le magnétoscope et le caméscope, l'ordinateur et le Minitel, j'en passe car la liste sera toujours incomplète. J'imagine mon arrière-grand-mère mossétoise revenant au village, elle ne tiendrait pas trois minutes car une syncope l'emporterait de nouveau. Je pense qu'il en serait de même si je faisais remonter mon arrière-petite-fille à 1900. Chacun doit vivre dans son époque quelle que soit la manière dont elle a été façonnée.
Puisque j'ai parlé d'hygiène, permettez que j'évoque l'hygiène dentaire. Jusque dans les années 20/30 on disait d'un enfant qui changeait les dents de lait : "On dirait un petit vieux", ou encore "Comme tu es vieux, tu n'as plus de dents". Effectivement les personnes perdaient leurs dents d'autant plus vite qu'elles n'étaient pas entretenues, parfois dans d'horribles souffrances, allant jusqu'à les arracher avec des tenailles. Par expérience j'ai la conviction que nos dentistes n'étaient guère que des arracheurs de dents, peu soucieux d'essayer de réparer ou de préserver l'avenir dentaire du patient. Résultat : à partir d'un certain âge, sauf à avoir une denture à toute épreuve, les gens étaient sans dents avec des difficultés énormes de mastication et une esthétique déplorable. Avec le temps, les plus malins, ou les plus aisés, se fiant à un nouveau savoir des dentistes, à l'utilisation de produits performants, ont adopté les prothèses qui leurs ont changé la vie. La disparition des dents de lait des enfants ne donne plus lieu aux mêmes réflexions et on ne voit, de nos jours, que sourires épanouis sur de belles dentitions.
Au début du siècle le médecin se déplaçait à cheval et le malade avait largement le temps de mourir avant son arrivée. La population rurale ne faisait appel au médecin qu'en dernière extrémité. On ne déplaçait pas ce "savant" pour une petite fièvre, une douleur même importante, une entorse ou un tour de reins. A la limite il y avait presque toujours un "rebouteux" susceptible d'intervenir. Et les remèdes de "vieille femme" avaient leur succès. Par exemple, il était normal qu'en hiver on prenne un "refroidissement", un gros rhume ou une bronchite. Rien de plus efficace qu'une bonne transpiration pour conjurer le mal. Comme le sauna était inconnu, on le fabriquait à la demande. Le malade étant dans son lit, on plaçait de chaque côté du corps deux ou trois kilos de pommes de terre bouillantes, on le couvrait chaudement et en quelques minutes la chemise du patient était trempée de sueur. Là dessus une bonne tisane, tilleul, camomille ou autre et le malade se rétablissait rapidement. Dans certaines familles il avait d'ailleurs intérêt à se rétablir très vite car on n'avait pas le temps de se complaire à son chevet.
Vous voyez que dans certains cas le médecin était superflu : les pommes de terre étaient abondantes et maintenaient la chaleur très longtemps, et les tisanes étaient récoltées dans la nature ou au jardin. Par ailleurs, dans des familles croyantes, on n'hésitait pas à faire appel au curé, non pas que celui-ci soit "guérisseur" mais, malgré tout, c'était par rapport aux paysans un érudit et il pouvait prodiguer quelques bons conseils alliés à une bonne prière qui ne pouvait pas faire de mal.
J'ai souvenance d'avoir beaucoup entendu parler du Docteur Cantié, médecin et maire du village, qui n'hésitait pas à se rendre au chevet d'un malade à Urbanya ou à Nohèdes, communes voisines mais distantes de plusieurs kilomètres, qu'on n'atteignait qu'à travers la montagne. Des heures et des heures de marche, à pied ou à cheval. Il n'y avait pas d'autres moyens de déplacement, sinon la diligence, jusqu'à ce que le monde médical se motorise. Ainsi on connaîtra, avant les voitures, la moto du Docteur de Massia.
Puis il n'y eut plus de médecin dans la vallée et il fallu faire appel à ceux de Prades. Les moyens de transport s'améliorant, l'accès à la médecine devenait plus facile, mais on hésitait toujours avant de faire appel à l'homme de l'art. Au détriment du patient, parfois, on attendait que ce soit sérieux. Naturellement la famille qui appelait le médecin payait le déplacement en plus de la visite, et lorsqu'il était dans le village, certains en profitaient pour une consultation, sans frais de déplacement. C'était toujours çà de gagné car la "Sécu" n'était pas là pour rembourser.
Il y avait encore l'ordonnance que les vieux médecins rédigeaient en totalité en indiquant les produits et quantités devant composer le médicament et que le "potard", l'apothicaire, devenu le pharmacien, se chargeait de préparer dans son laboratoire. Il fallait parfois plusieurs heures pour obtenir cette préparation.
Aujourd'hui tous les médicaments sont conditionnés par les grands laboratoires pharmaceutiques, le médecin se contentant de les énumérer sur son ordonnance et le pharmacien, transformé en "épicier", n'a plus qu'à prendre des boîtes et des flacons dans ses rayonnages modernes. Je pense que nos actuels pharmaciens ne sont pas moins savants qu'autrefois mais combien leur tâche a été facilitée. Je ne déplore pas cet état de choses, bien au contraire, car médecine et pharmacie ont fait des progrès fabuleux, mais je garde une grande admiration pour ces "soignants" des temps anciens qui étaient tout de même pleins de science.
Dans la deuxième partie du siècle les mossétois ont donc appris à se soigner et à faire appel à la médecine et, avec les moyens de communication et de transport existants, il est devenu possible d'assumer même les urgences. Mosset n'est qu'à 15 à 20 minutes de Prades et même un accidenté peut se retrouver en clinique ou à l'hôpital en quelques instants.
Désormais ce qui était un grand souci des municipalités, la liste des indigents qui devaient être soignés gratuitement, n'aura plus de raison d'être. La Sécurité Sociale va progressivement être étendue à l'ensemble des français, par le biais de ses différentes branches : assurance maladie, assurance accidents du travail, allocations familiales, etc... Ce régime, dont on dit que c'est le meilleur du monde, va connaître son plein développement vers 1960 et le monde paysan, dernier servi, va également en profiter pleinement. Si, dans les années 20, on avait connu les Allocations Familiales, toutes les familles nombreuses de Mosset auraient particulièrement bien vécu.
Ne regrettons rien et savourons l'organisation actuelle bien que l'augmentation, apparemment impossible à maîtriser, des dépenses de santé, fasse craindre, pour l'avenir, quelques problèmes. A ce sujet tous les gouvernements ont des solutions, mais le déficit endémique de notre "Sécu" continue à plonger. Jusqu'à quand ?
Depuis la radio du père Arbos, dans les années 20, cette dernière a fait de grands progrès et, pendant la guerre, quelques mossétois ont acquis un poste de "T.S.F.", comme on disait encore. Certains pour écouter Londres "les Français parlent aux Français", avec brouillage intégral par les Allemands, d'autres simplement pour écouter "autre chose". Après la guerre les postes radio vont se multiplier en attendant la télévision. Cette dernière va commencer à s'implanter dans les foyers dans les années 60/70 et va désormais remplacer les fameuses veillées d'antan, accompagnée d'ailleurs de la disparition de la grande cheminée.
Voilà pour le côté négatif de la télévision qui éloigne, dès le soir venu, les familles les unes des autres, provoquant la désertion des rues et des places, négligeant la convivialité qui faisait le charme des soirées mossétoises. Côté positif il faut reconnaître que nos paysans ont trouvé dans la télévision une distraction qui avait fait défaut le long de leur vie. Désormais ils peuvent aller au cinéma tous les soirs, dans leur fauteuil, connaître non seulement les vedettes du petit écran, mais également les hommes politiques sur lesquels on ne mettait qu'un nom sans connaître la tête. Incontestablement la télévision sur le plan instructif, récréatif, ludique, a apporté dans nos campagnes un extraordinaire bienfait. On peut dire que, même si on a marché sur la lune, ce que d'ailleurs on a pu voir à la télévision, c'est cette dernière qui aura été le plus grand progrès du siècle.
A l'approche de l'an 2000 donc plus de veillées ou presque. Je dis presque car je sais que certains jeunes cherchent à recréer l'ambiance "veillée d'antan" autour d'un feu de bois dans des cheminées modernes, en écoutant de la musique "pop" ou "soul", voire du "rap", ou encore en refaisant le monde dans des discussions sans fin.
1950 : rares sont les détenteurs de téléphone, et en cas de nécessité, il faut appeler de la poste. C'est déjà un progrès car au début du siècle il n'y avait rien, puis seulement le télégraphe. Mais là encore le progrès va aller très vite : les jeunes vont pousser les vieux et le téléphone va petit à petit s'installer dans les maisons. Aujourd'hui je crois qu'il n'existe pas de maison sans téléphone, même celles qui ne sont occupées que quelques jours par an. Et l'on voit déjà apparaître les téléphones mobiles (portables) entre les mains du jeune surtout.
La guerre terminée, les mossétois ont repris leur fête patronale de la Saint Jean (24 juin). Cette date se justifiait dans le passé par sa position aux premiers jours de l'été, à la fin de l'année scolaire, juste avant la période des grands travaux agricoles qui éloignaient du village le plus grand nombre de ses habitants. Mais la guerre a tout changé : le nombre de mossétois permanents a été presque divisé par deux, par contre, le nombre d'estivants s'est multiplié d'autant. Les enfants du village reviennent tous les ans avec leur famille retrouver des parents ou grands-parents au bord de la retraite ou presque. Ce qui fait que la fête du village le 24 juin ne se justifie plus. Elle est même gênante pour cette nouvelle génération d'écoliers, d'étudiants, d'intellectuels, souvent en période d'examen.
Prenant acte de cette nouvelle "donne", la municipalité a eu l'excellente idée de reporter la fête du village au 15 et 16 août. Naturellement le "ball de l'aspardeigne" et le "ball d'offici" ne sont plus dansés, les concerts aux cafés, après-midi et soir, ont disparu, tout comme le "ball de bouquet". Désormais, et de plus en plus vers la fin du siècle, on demandera à l'orchestre de faire beaucoup de bruit. Ce dernier dispose du matériel technique pour que les décibels empêchent toute conversation durant les danses. Seul aura subsisté le "llaban de taule" pour la simple raison que c'est le seul moyen qui reste pour récolter quelque argent, tout en faisant plaisir aux gens qui choisissent, pour cette aubade, le morceau de leur choix. Comme il me semble l'avoir déjà dit, seuls les vieux peuvent avoir la nostalgie de ces temps passés, quant aux jeunes qui n'ont pas connu ces traditions, ils sont heureux du déroulement des fêtes modernes et c'est tant mieux. Aujourd'hui ils n'ont pas non plus le souci des belles toilettes et des beaux costumes qui habillaient leurs ancêtres lors des fêtes de village, et en été, un tee shirt et un jeans suffisent.
Faut-il déplorer ou applaudir les mœurs nouvelles, à chacun de se faire une opinion. Tant que cela reste sain, je pense que chaque génération doit vivre avec son temps. Comme on dit couramment "autres temps, autres mœurs".
Mosset a connu quelques drames qui sont venus endeuiller brutalement des familles. La route a fait ses victimes, comme Pierre Borreil qui s'est tué en descendant en vélo vers Prades. Jeanne Dimon, belle jeune fille de 18 ans, qui a laissé sa vie, toujours en vélo, au virage de la Tour de Mascarda. Le docteur Galibern, toujours sur la route, mais en moto, laissant une veuve avec deux enfants en bas âge et enceinte du troisième. Marcel Corcinos, au volant de sa voiture sur la route de Perpignan, est décédé encore jeune, faisant en outre plusieurs blessés dont certains ne se sont jamais remis. Laurent Dirigoy, qui se trouvait sur un camion, sorti de la route à Caraut et qui est resté handicapé à vie. Mais le plus dramatique de tous c'est la disparition de Jacques Salies, dit Jacquot. Il y a une vingtaine d'années, en plein mois d'août, Jacquot, vers 11 heures, se dirige vers Caraut où il avait l'habitude de faire sa promenade quotidienne (environ 2 km). Le temps menace légèrement et Hélène Garrigo, qui voit passer Jacquot, lui dit qu'il va pleuvoir. Jacquot répond qu'il va revenir bientôt. Quelques instants plus tard un gros orage éclate alors que Jacquot n'est pas rentré. Tout le monde pense alors, et sa mère la première, qu'il s'est abrité dans la bâtisse se son oncle Léon. Mais après l'orage Jacquot ne rentre toujours pas. L'inquiétude gagne sa mère qui alerte les voisins et, petit à petit, tout le village. De nombreuses personnes se lancent à la recherche du disparu. La gendarmerie est alertée. Les recherches se poursuivent quelque temps. Les investigations sont poussées très loin, mais en vain. Depuis, plus personne n'a revu Jacquot, ni entendu parler de lui. Disparition totale et inexpliquée engendrant de multiples hypothèses. Il n'y a pas que dans le milieu urbain que des gens disparaissent sans laisser la moindre trace, le moindre indice auquel s'accrocher. Adieu Jacquot !