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LA RELIGION
Bien sûr les mossétois naissent chrétiens, d'ailleurs ils sont tous baptisés, ils font la communion solennelle, ils se marient à l'église et les enterrements sont religieux. Mais de là à dire que leur religiosité est apparente, loin s'en faut. La plupart professent même un certain irrespect, sinon pour l'église, tout au moins pour les curés. Certains diront, pour bien montrer la différence : "Je crois en Dieu mais pas aux robes noires", faisant allusion à la soutane. Cet irrespect pour les représentants de la religion est beaucoup plus marqué chez les hommes que chez les femmes.
Il faut dire que si les municipalités du début du siècle étaient assez tolérantes envers l'Église, le penchant à gauche marqué par les municipalités à partir de 1925, a engendré un certain anticléricalisme. Et la récente Loi sur la séparation de l'Église et de l'État (1905) a peut-être frappé les esprits qui y voient une certaine revanche de la laïcité. Les hommes, à de rares exceptions près, ne vont plus à la messe du dimanche, fréquentée par un nombre restreint de femmes, surtout âgées. L'église n'exerce cependant pas de répulsion sur nos paysans puisque lors des cérémonies telles que baptêmes, mariages ou enterrements, nul n'hésite à en franchir le seuil et à mettre quelques pièces sur le plateau de la quête. Simplement je dirais que nos villageois, gros travailleurs, n'ont pas de temps à perdre à écouter le curé, alors que tant de tâches urgentes les attendent, notamment l'été où, au moment de la messe, la presque totalité de la population est dans les champs. Il y a aussi, pour ceux qui seraient tentés d'honorer l'église de leur présence, le fameux "qu'en-dira-t-on". On ne va pas se singulariser pour un acte considéré comme futile.
A propos de la quête, je profite de l'occasion pour m'inscrire en faux contre la légende qui veut qu'on y trouve beaucoup de boutons de culotte. J'ai été enfant de chœur pendant longtemps, j'ai participé à de nombreuses quêtes et je n'ai jamais trouvé de boutons de culotte. Nos villageois les préféraient sans doute à leur place.
Pourtant Mosset possède une très belle église construite aux 17 et 18 siècles. Grande église qui, étant donné son âge, nécessite un coûteux entretien ce qui, justement, provoquera quelques conflits avec la municipalité qui a bien trop souvent d'autres priorités et peu d'argent. Ces conflits étaient plus discrets que ceux qui ont opposé (au cinéma) Peppone et Don Camillo, mais en voyant Don Camillo demander à Peppone la réparation du clocher, je repense à l'Abbé Vernet s'adressant au maire Pujol : en 1925 le curé demanda une subvention de 500 f. pour réparer l'église, la municipalité refusa.
L'église saint Julien possède un magnifique Maître autel orné de nombreuses statues, parmi lesquelles Ponce Pilate, saint Sébastien, saint Gaudérique et quelques autres. Sur les flancs s'ouvrent trois chapelles de chaque côté avec, à droite, le confessionnal et à gauche les fonds baptismaux. A l'arrière, au-dessus de l'entrée, le chœur, lieu de prédilection des hommes. Face à l'entrée, l'escalier en colimaçon conduisant au clocher et à la mécanique de l'horloge. L'église ne fait le plein que lors de cérémonies spécifiques : enterrements, auxquels les habitants assistent par devoir et par respect envers le mort et sa famille ; grandes fêtes, Pâques et Messe de minuit de la veillée de Noël.
Au sud l'église est flanquée d'un magnifique clocher fortifié, tout en pierre de taille, comportant, outre l'horloge avec son système de poids, mécanique très ancienne, quatre cloches de différentes tailles, toujours présentes de nos jours et dont les tintements ravissent les mossétois depuis trois siècles.
Les deux plus petites de ces cloches marquent le temps qui passe. Tous les quarts d'heures sont tintés par l'une des cloches, un, deux, trois, quatre, soit dix tintements à l'heure, donc deux cent quarante par jour, tandis que l'autre sonne les heures en les répétant au bout de trois minutes, de une à douze le matin, et bis repetita l'après-midi, soit trois cent douze tintements par jour. Et les villageois ne se sont jamais lassés de ces 552 tintements quotidiens. Tout au contraire, s'il arrive que l'horloge s'arrête, il y a immédiatement quelqu'un pour le remarquer.
Les quatre cloches servent à appeler les fidèles à la messe, à marquer les fêtes en sonnant à toute volée, à sonner le glas lors des décès et des enterrements, rarement le tocsin.
Une curiosité particulièrement marquante et quasiment inexplicable c'est la présence d'un pin au sommet du clocher. Il s'agit bien d'un arbre naturel, certes rabougri, mais qui a poussé là, voilà plus d'un siècle, enfonçant ses racines dans les interstices de la pierre, se nourrissant Dieu sait comment, et résistant aux intempéries, au froid, à la glaciale tramontane, à la sécheresse de l'été. Il n'est pas grand, mais il est là, défiant le temps, et les visiteurs ont du mal à croire qu'il est naturel. C'est un miracle de la nature.
Faisant suite à l'église, vers l'ouest, à droite de la porte d'entrée, le presbytère. Grande bâtisse qui sera amputée en 1920 de l'aile droite pour abriter la Poste. Le presbytère disparaîtra en 1960 ravagé par un incendie et sera reconstruit sous la forme d'appartements destinés à la location.
Presbytère et église seront occupés et gérés par différents curés qui entretiendront avec la population mossétoise d'excellents rapports. Les ecclésiastiques sont, en principe, des hommes érudits et leur savoir en imposera souvent à la simplicité des paysans à l'éducation quelques fois trop primaire.
Au début du siècle c'est l'abbé Sucazes, suivi du curé Adroher qui officient à Mosset. Il ne semble pas qu'ils aient marqué leur passage de leur empreinte. Par contre les frères Vernet qui leur ont succédé, deux enfants d'une famille aisée du village, auront marqué la période la plus faste de la paroisse. C'est à l'époque des frères Vernet, dont le titulaire de la chaire était le plus jeune, Benjamin, que l'église a été rénovée, embellie de nombreuses statues dont Jeanne d'Arc et saint Antoine. Il faut croire que l'abbé Vernet avait trouvé l'argent en dehors du conseil municipal. Pendant le sacerdoce de l'abbé Vernet Mosset a connu les plus belles cérémonies, les plus belles processions, et malgré une certaine exacerbation de la laïcité, les paysans se réjouissaient de ces manifestations religieuses dont la plus marquante était la procession de Pâques, dont j'ai parlé dans mon précèdent ouvrage.
Enfant de chœur des frères Vernet j'ai, dans mon enfance un tantinet dissipée, participé à quelques "niches" à leur intention, comme, par exemple, voler quelques hosties dont nous étions friands, ou goûter au vin de messe, excellent. Il m'est arrivé de "piquer" une pièce dans le plateau de la quête, en descendant, dans une demi-obscurité, l'escalier du chœur. Il fallait bien faire attention que le vieux Blaise, qui était devant, ne s'aperçoive de rien. Que voulez-vous les Vernet était tellement chiches, surtout Benjamin !
Les frères Vernet sont enterrés à Mosset ; Benjamin est décédé en 1936. D'autres curés, de passage, leur ont succédé. Un abbé Lluent, un Coll suivi de l'abbé Pailler, qui a été exécuté par la résistance, puis l'abbé Perarneau, grand chasseur et grand pêcheur devant l'éternel, qui n'hésitait pas à braconner, (étant donné sa position, Dieu lui pardonnait sûrement) allant jusqu'à tendre un filet interdit dans la Castellane, aidé en cela par le Commandant des Pompiers de Perpignan, M. Llaury, un autre enfant de Mosset. Abbé pittoresque et populaire qui laissait croire à sa mère, qui lui tenait lieu de gouvernante, qu'il lui était facile de dire la messe quelque part dans la nature lorsqu'il partait à la chasse.
Viendra enfin l'abbé Gazel, jeune curé moderne, qui n'hésitait pas à jouer au badminton sur la place, malgré sa soutane et qui sera le premier à porter le costume civil dès que les curés y seront autorisés. Ce sera le dernier curé du village, car après l'incendie du presbytère il quittera Mosset qui sera dès lors privé de curé. C'est la raison pour laquelle le presbytère, reconstruit, va être utilisé pour la création de logements.
L'église sera désormais plus ou moins abandonnée, la messe sera dite par un curé venant de Prades et il faudra faire appel à lui chaque fois qu'il faudra officier, messes, baptêmes, mariages, enterrements. Les curés de la vallée de la Castellane vont tous disparaître les uns après les autres et les curés de Prades ne pourront bientôt plus faire face à la demande. Je crois qu'aujourd'hui il n'y a plus qu'un seul curé pour tout le Conflent et, comme il n'a pas, à l'égal de Dieu, le don d'ubiquité, je ne sais pas s'il tiendra le coup longtemps malgré sa bonne volonté.
Je ne saurais clore ce chapitre sur l'église sans évoquer le Pessebre, cette crèche vivante, dite et chantée en catalan, célébrée le soir de la Nativité. A Mosset le Pessebre a été réécrit et remis au goût du jour par un passionné de notre village, Michel Perpigna. Le Pessebre s'est déroulé pour la première fois dans l'église saint Julien à la Noël 1987 par les "Pastourets de Mosset" et depuis il continue régulièrement sa route. D'ailleurs Michel est allé le présenter un peu partout dans le département, à l'église de la Madeleine à Paris, à Palma de Majorque et à Barcelone où la langue est bien entendu le catalan. Ce qu'il y a de plus curieux, de plus merveilleux devrais-je dire, c'est que nos amis anglais, hollandais ou belges, qui habitent maintenant le village viennent chanter le Pessebre en catalan, peut-être sans le comprendre. N'est-ce pas formidable !
L'église de Mosset a connu plusieurs restaurations durant ce siècle. J'ai parlé de celle des abbés Vernet, mais des travaux ont dû depuis être effectués, tels que la réfection du toit. Récemment tout l'intérieur a été repeint ; le porche, devant l'église, a retrouvé ses pierres apparentes, des grilles et des bacs à fleurs sont venus l'agrémenter et notre belle église fait aujourd'hui l'objet d'une visite guidée.