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A la découverte des noms de lieux-dits dans la vallée de Mosset
Jean LLAURY
A tout seigneur tout honneur, c’est dans le massif granitique de Madres que notre histoire débute. Madres (de Mater: la mère), montagne mère de la Castellane mais aussi de l’Aigueta, du Cabrils, des rivières de Nohédes, d’Evol, des lacs (gorgs) Estelat, Negre, de l’Os etc. culmine à 2469 m.
Née au pied de cet ancien glacier pyrénéen, la Castellane, autrefois appelée rivière de Catllà (la châtelaine), dévale une série de ressauts ou verrous et débouche prés du refuge du Callau (littéralement "sol pierreux") à une demi-heure de marche du Col de Jau: cette dénomination pourrait provenir soit de Jou (du latin jugum: passage d'une crête) soit des mots catalans jaça: parc à bétail et Jaure: se coucher; ce col sert, en effet, de pâturage en été.
La Castellane, poursuivant sa descente tumultueuse, traverse la hêtraie (La Fajosa) et là, au sortir de la forêt, elle va passer à quelques encablures d’un imposant bâtiment en ruines situé dans un virage de la route du Col de Jau. Il s’agit des restes du Monestir ou Priorat de Clariana ou abbaye de Sainte Marie de Jau tenue, au Moyen-Âge, par des moines cisterciens. Cependant, si l’on en croît les travaux d’Anny de Pous, antérieurement cet ouvrage aurait été un poste romain chargé de surveiller l’entrée de la vallée. Quant au mot “clariana” ou “clarana” ou “esclaranes” parfois déformé en “esclayranes”, il signifie “clairière”.
Notre rivière, grossie par les eaux de quelques ruisseaux (recs), en particulier sur sa rive droite par Can Rec ou Rec de Rocamaura (roche noire) arrive au pied de Sant Bartomeu (Saint Barthélémy); aujourd’hui, il s’agit d’une sorte de hameau (veïnat) peint en blanc mais, au Moyen-Âge, s’y trouvait une chapelle dédiée au Saint et plus tardivement on y exploita une forge catalane (farga) et un moulin actionnant une scierie (molina serradora). Sur le versant opposé se situe la grotte des Encantades (des fées) creusée dans un filon de marbre blanc ou cipolin qui a, peut-être, été utilisé comme pierres d’angles et d’encadrements lors de la construction du château de Mosset. En aval de Sant Bartomeu, une plaie blanche, béante, déchire le flanc de la montagne: la carrière; on y exploite une veine de pegmatite pour son feldspath utilisé en métallurgie.
Descendons encore et longeons le Riberal (bord de rivière) étroite plaine alluviale naguère plantée de pommiers plein vent et vouée, aujourd’hui, à l’élevage. Voici les ruines de la farga de l'Anec (la forge du canard) dominées par les restes de la bastida de Mascardà (ouvrage défensif de Mas Cardus). Cette tour, rectangulaire et donc antérieure au XIIe siècle, représentait, avec un certain nombre de bâtiments accueillant une garnison, la deuxième ligne de défense contre d’éventuels envahisseurs. Plus tard, il parait probable que Mascardà fut utilisée comme tour à signaux; en effet, Anny de Pous a observé que la tour relie Clariana au château de Mosset lequel communique avec celui de Molitg et celui de Paracolls, lequel voit la chapelle Saint Etienne au-dessus de Clara; or, au Moyen-Âge, sur le site de cette chapelle se dressait le premier château comtal du conflent lui même en relation avec d’autres tours et châteaux.
En aval de Mascardà, la vallée se rétrécit en un défilé marqué par le roc de Caraut (rocher dressé) dont la fissure, d'après la légende, serait due à la célèbre durandal de Roland. C’est à ce niveau que le Córrec de la Coma (ravin de la combe) se jette dans la Castellane qui se promène alors dans le lieu-dit esclayranes; c’est sur la rive droite que se situait la Font del Tell (source du tilleul); plus bas, de part et d’autre de la passerelle qui enjambe le cours d’eau, existaient deux moulins: en amont El Molí (moulin à farine), en aval El Molí d’Oli (le moulin à huile). Au sujet de ce dernier, on peut penser qu’il était alimenté en olives par les quelques oliveraies de la basse vallée de la Castellane (Catllà), d’Eus ou de Comes; l’altitude de Mosset (( 710 m) étant incompatible avec la culture de l’olivier (Oliu).
Et voilà notre rivière qui se jette dans le gorg de la Carola (littéralement, gouffre de la roche) anciennement Querola (1362) nom du hameau mais également site de l’antique Martinet dels claus (forge comportant un marteau servant à fabriquer des clous). De là, par une série de courants et de gouffres dont le célèbre gorg d’en Dolfe, la castellane passe devant l’ancien monastère de Corbiac. Si une légende attribue ce nom au corbeau qui fitécouvrir une statue de la vierge sur un figuier (la figuera del Corb), il s’agirait plutôt, d'après Lluís Basseda, du nom du premier possesseur romain, Corbiacus.
En aval, encore, sur la rive droite nous trouvons les restes du premier village de Mosset, en l'occurrence quelques pans de murs de la chapelle Sant julia lo vell. Enfin, étape ultime du cours de la Castellane sur le territoire de Mosset: le hameau de Breses dont il est fait état dés le XIe siècle. Il subsiste, de cette époque, les ruines de la Capella Sant - Estéve (chapelle Saint-Etienne). Le nom de Breses pourrait provenir de breda: buisson épineux. Quant à Mosset, ce nom provient-il du vieux catalan Moussa: mousse? de Moix: surnom du chat ?
Poursuivant sa descente la rivière va frôler Campôme; non il ne s’agit ni d’un “champ de pommes” ni du “champ de l’orme” (camp de l’Om) mais, plus probablement de “camp ùltim”, ce village s’étant développé dans les champs les plus éloignés de Molitg qui a été longtemps le siège de la paroisse.
Ensuite, la Castellane s’enfonce dans les gorges des thermes de Molitg (certainement à l'origine un moulin) dominés par les ruines du château de Paracolls (défense du col) ensuite elle coule au pied de Catllà (de Castellar: château siège de baronnie) puis se jette dans la Têt au niveau du pla de Prada (de prat: le pré) qui se situe à l'altitude de 350 m.
BIBLIOGRAPHIE
Revue “Conflent” 1981. Anny de Pons “Tours et châteaux du conflent”.
“Toponymie historique de Catalunya Nord” 1990. Lluís Basseda